Après avoir écrit l’épître aux Romains et avoir passé à Corinthe les trois mois de l’hiver 58-59, l’apôtre partit au printemps pour la Judée avec les délégués chargés de remettre la collecte aux chefs du troupeau de Jérusalem. Sopater, dont nous avons vu la salutation Romains 16.21, représentait l’église de Bérée, Aristarque et Second celle de Thessalonique, Luc probablement (Actes 20.6, nous) celle de Philippes, Gaïus et Timothée celles de Lycaonie, Tychique et Trophime celles de la province d’Asie. Les Galates, qui avaient aussi pris part à la collecte (1 Corinthiens 16.1), paraissent n’avoir pas eu de députés particuliers. Peut-être avaient-ils envoyé directement leur part à Jérusalem. Nous ignorons également le nom des délégués de l’église de Corinthe.
Le bruit de certaines embûches dressées par les Juifs engagea Paul à renoncer à la voie de mer et à prendre la route de terre. La députation arriva à Philippes au moment de la Pâque, et tandis que la plupart de ses membres se rendaient immédiatement à Troas, Paul et Luc restèrent à Philippes pour y célébrer la fête ; après quoi ils rejoignirent ceux qui les avaient précédés et restèrent huit jours a Troas. On connaît les circonstances remarquables de la dernière nuit que Paul passa au sein de cette église (Actes 20.7-12).
Le lendemain, tandis que ses compagnons reparlaient par mer, Paul, désirant sans doute être seul avec le Seigneur après de si vives émotions, traversa à pied le promontoire qui sépare Troas d’Assos, où il rejoignit le navirea.
a – Comparez le récit du voyage de Zinzendorf, de Dantzig à Memel, le long de la mer Baltique, dans la Vie de Zinzendorf, par Spangenberg.
Après trois jours on arriva à Milet, où Paul avait donné rendez-vous aux Anciens de l’église d’Éphèse, parce qu’il ne voulait pas risquer d’être retenu dans cette ville où il avait tant d’amis. Son désir était d’arriver à Jérusalem pour la Pentecôte ; il n’avait donc pour tout ce voyage que les cinquante jours qui séparent la Pâque de cette fête. On se rappelle le discours d’adieu par lequel il prit congé, à Milet, des Anciens d’Éphèse, en leur faisant entendre qu’ils ne le reverraient plus ici-bas. Cette prévision était naturelle, puisqu’il n’avait humainement devant lui que ces deux perspectives, mourir à Jérusalem ou se rendre en Occident pour y achever son ministère.
Les jours de voyage sont comptés dans le récit de Luc avec une minutieuse exactitude. Il y eut un arrêt de sept jours à Tyr. A Césarée, qui était comme le port de Jérusalem, eut lieu chez l’évangéliste Philippe la rencontre de Paul avec le prophète Agabus et le refus positif du premier d’obtempérer aux supplications de l’église qui le conjurait de renoncer au voyage à Jérusalem.
Dès le lendemain de son arrivée dans la capitale, Paul se rendit chez Jacques, chez qui le Conseil des Anciens était assemblé, et il s’acquitta, avec les députés qui l’avaient accompagné, de la commission dont les églises des Gentils les avaient chargés. Ce fut à ce moment que lui fut adressée la demande de se joindre à quelques Juifs qui accomplissaient dans le temple un vœu de naziréat, afin de calmer les appréhensions des milliers de judéo-chrétiens qui étaient présents à la fête et à qui l’on avait fait croire que Paul s’efforçait d’entraîner tous les Juifs de la Dispersion à la désertion du régime légal. C’était là une calomnie ; car, autant Paul réclamait avec fermeté la liberté des païens à l’égard de la circoncision et de la loi, autant il se gardait d’attaquer le maintien des prescriptions mosaïques chez les Juifs non encore arrivés à la foi. Quant à ceux qui étaient devenus croyants, comme les apôtres, il les laissait libres de conserver la pratique des cérémonies légales. Pour lui, Paul, quand ses devoirs d’apôtre des Gentils ne l’obligeaient pas à s’affranchir des prescriptions mosaïques, il ne refusait point de s’y soumettre par égard pour les Juifs auxquels il était aussi appelé à prêcher (Actes 9.15) ; c’est ce qu’il déclare lui-même, 1 Corinthiens 9.19-22 : « Etant libre de toutes ces choses, je me suis moi-même assujetti à tous, me faisant Juif avec les Juifs, me mettant sous la loi avec ceux qui sont sous la loi, me faisant faible avec les faibles, afin que d’entre tous j’en sauve au moins quelques-uns. » Ce n’était pas là la conduite de l’ennemi acharné de la loi pour lequel on voulait le faire passer. Jacques et les Anciens connaissaient bien son esprit de conciliation ; ils crurent pouvoir y faire appel en cette circonstance pour éviter tout ce qui aurait pu dans ce moment exciter du trouble. Paul, de son côté, pouvait en toute bonne foi consentir à faire ce qu’on lui demandait comme une preuve de son respect envers la loi ; car il reconnaissait l’origine divine et la valeur morale, quoique temporaire, de cette institution. Le vœu qu’il avait librement accompli à Cenchrées (Actes 18.18), montre bien qu’il ne voyait là rien de contraire à son grand principe de la justification par la foi.
Mais on sait comment cette démarche réclamée de lui, peut-être par une prudence purement humaine, devint l’occasion de ce qu’on avait voulu éviter. Deux ans d’emprisonnement à Césarée, sous le gouvernement, de Félix, furent la conséquence première de son arrestation ; puis son envoi à l’empereur par Festus, successeur de Félix, et son arrivée à Rome. Le départ eut lieu peu de temps après l’arrivée de Festus, en 60 ou 61, plus probablement, me paraît-il, en 61b, en automne et en compagnie de Luc et d’Aristarque, qui paraissent être restés en Palestine depuis qu’ils étaient venus de Grèce avec Paul, en 59. L’arrivée à Rome, après le naufrage et l’hiver passé à Malte, doit donc avoir eu lieu au printemps de l’an 62. C’est alors que commença cette captivité de deux ans par laquelle se termine le récit des Actes, mais dont ce livre ne nous indique pas la fin.
On pense généralement que ce fut durant ces deux années de captivité que furent écrites les quatre lettres aux Colossiens, à Philémon, aux Éphésiens et aux Philippiens, les trois premières dans la première moitié de cette captivité, la dernière dans la seconde.
b – Félix, destitué par Néron et accusé par les Juifs, ne fut sauvé que par l’influence de son frère Pallas (Jos., Antiq. XX, 8, 9). Le rappel de Félix doit ainsi avoir eu lieu avant le meurtre de Pallas par Néron, qui eut lieu en 62 (Tac, Ann. XIII. 2, 14). Festus doit donc avoir remplacé Félix au plus tard en 61 ; selon plusieurs déjà en 60. Comme il mourut en 62, la question est de savoir si le temps de 61 à 62 est suffisant pour expliquer tout ce que Josèphe rapporte de son administration en Palestine, ou s’il faut nécessairement remonter pour cela à l’année 60. Cette seconde alternative ne paraît pas nécessaire. En conséquence, si Paul a été emprisonné dans le courant de l’été 59, et que son emprisonnement à Césarée ait duré de l’été 59 à l’été 61 son envoi à Rome a eu lieu dans l’automne 61.