Le successeur immédiat de saint Athanase sur le siège d’Alexandrie, Pierre II (373-381), et son second successeur Timothée (381-385) n’ont pas laissé d’ouvrages importants. Mais son troisième successeur Théophile (385-412), l’oncle de saint Cyrille, a dû certainement beaucoup écrire. C’était une personnalité puissante, douée de beaucoup d’intelligence et d’énergie qui, malheureusement, fit trop servir ces qualités à la satisfaction de son orgueil, de sa cupidité et de ses rancunes. La déposition illégale de saint Chrysostome restera toujours comme une tache sur sa mémoire. On trouve mentionnés ou cités de lui un canon pascal allant de 380 à 479, des fragments exégétiques et oratoires, mais surtout des lettres. Quelques-unes de celles-ci ont été conservées entières, en grec ou par des traductions de saint Jérôme. Telles les lettres festales de 401, 402 et 404, dirigées contre Origène et Apollinaire, et une lettre synodale, vraisemblablement de 399, écrite aux évêques de Palestine et aux cypriotes encore contre l’origénisme. On doit regretter que saint Jérôme se soit commis avec un homme si peu estimable.
Théophile fut remplacé sur le siège d’Alexandrie par son neveu Cyrille. De l’enfance et de la jeunesse de saint Cyrille on ne sait que peu de chose. Né à Alexandrie, probablement vers 370-375, et instruit dans les écoles de la ville, il paraît s’être retiré quelque temps au désert avec les moines. En 403, on le trouve au concile du Chêne à côté de son oncle. En 412, malgré une vive opposition, il lui succède. Les opposants redoutaient probablement de voir revivre l’oncle dans le neveu ; et quelques mesures sévères, quelques incidents malheureux même, trop exploités contre le nouveau patriarche, parurent d’abord leur donner raison. C’est en 417 seulement que Cyrille se décida à rétablir dans les diptyques le nom de Chrysostome. Sa véritable action dans l’Église et le rôle capital qu’il y a joué n’ont commencé qu’en 428 ou 429 avec l’éclat nestorien. Nestorius avait à peine formulé ses erreurs que Cyrille les réfutait, l’invitait lui-même à les rétracter et, sur son refus, sollicitait l’intervention du pape Célestin. Au concile d’Éphèse de 431 qu’il présida, il fit triompher la cause de l’orthodoxie qui était la sienne ; mais il ne put vaincre d’abord la résistance de Jean d’Antioche et des évêques orientaux. La paix avec eux ne se fit qu’en 433, et encore paix précaire qu’il fallut légitimer et défendre contre les exaltés des deux partis. Cyrille y consacra les dernières années de sa vie. Il mourut le 27 juin 444.
On jugerait très mal saint Cyrille si on tenait compte uniquement, pour le faire, des accusations de ses adversaires et des haines que sa conduite a soulevées. Il était né avec un caractère naturellement dominateur et impatient, dont les exemples de son oncle n’avaient pu que développer les tendances. Mais la grâce et l’expérience tempérèrent peu à peu en lui ces dispositions fâcheuses et l’aidèrent à en étouffer les éclats. Il sut, quand la paix de l’Église l’exigea, sacrifier ses idées personnelles et accepter même d’être suspect à ses amis, afin de ne pas prolonger la rupture avec ses adversaires. Pour la pénétration et la force d’esprit, il vient au premier rang des Pères grecs. Chez les Occidentaux, il ne le cède qu’à saint Augustin. C’est un théologien de race qui voit juste et profond, et chez qui la puissance du travail a doublé l’effet des dons naturels. Aussi son influence a-t-elle été grande et son autorité officiellement reconnue. Au point de vue littéraire, sa valeur est moindre. Précis et vigoureux dans la polémique et la discussion purement doctrinale, son style devient ailleurs diffus, affecté et obscur. Il ne connaît ni l’art ni la simple élégance des bons écrivains : avec lui le byzantinisme commence.
Les ouvrages fort nombreux de saint Cyrille comprennent des écrits exégétiques, apologétiques, dogmatiques et polémiques, enfin des homélies et des lettres.
I. Exégèse.
En tête des écrits exégétiques on peut mettre les dix-sept livres De l’adoration et du culte en esprit et en vérité, interprétation mystique des lois et des institutions juives, montrant que, si elles ont été abrogées quant à la lettre, on en doit toujours garder l’esprit. Ces premières vues générales se trouvent complétées par treize livres de « Commentaires soignés » (Glaphyra) sur des passages choisis du Pentateuque (sept livres sur la Genèse, trois sur l’Exode, un sur le Lévitique, un sur les Nombres, un sur le Deutéronome). On a en entier un commentaire sur Esaïe en cinq livres, et un commentaire sur les douze petits prophètes, plus des fragments sur les livres des Rois, les Psaumes, les Proverbes, le Cantique, sur Jérémie, Baruch, Ezéchiel et Daniel. L’exégèse en est surtout allégorique. — L’interprétation littérale est plus marquée dans les commentaires sur le Nouveau Testament. Les principaux sont : un commentaire sur saint Jean en douze livres, dont deux sont perdus, et un commentaire sur saint Luc, originairement en cent cinquante-six homélies, qui s’est conservé presque complet en syriaque. Il reste de plus quelques fragments d’explications de saint Matthieu, de l’épître aux Romains, des deux aux Corinthiens et de l’épître aux Hébreux. — Les écrits sur l’Ancien Testament sont antérieurs à 428, aussi bien, semble-t-il, que le commentaire sur saint Jean ; les autres sont postérieurs à cette date.
II Apologie.
L’œuvre apologétique de saint Cyrille est représentée par son traité Contre Julien, réfutation de l’écrit de l’Apostat contre les chrétiens. L’ouvrage, composé au plus tôt en 433, devait compter trente livres ; mais on ne possède que les dix premiers et quelques fragments grecs et syriaques des dix suivants. Conformément à la méthode d’Origène contre Celse, l’auteur reproduit le texte de son adversaire, et lui oppose au fur et à mesure ses arguments.
III. Dogme et polémique.
Deux dogmes surtout, ceux de la Trinité et de l’incarnation, ont attiré l’attention de notre auteur.
Au premier il a consacré deux grands traités, le Trésor (Thésaurus) sur la sainte et consubstantielle Trinité, en trente-cinq assertions, et les Sept dialogues sur la Trinité, qui représentent l’état de la théologie trinitaire orthodoxe vers les années 420-425 où ils ont été écrits. L’opuscule De sancta et vivifica Trinitate (P. G., lxxv, 1147-1190) n’est pas authentique.
Plus nombreux et plus importants sont les écrits concernant l’incarnation. Dès que la controverse fut ouverte entre Nestorius et lui, Cyrille se hâta de mettre la cour de Byzance en garde contre l’erreur par trois mémoires : le Livre de la vraie foi à l’empereur Théodose, et les Deux livres de la vraie foi aux reines, c’est-à-dire à la femme et aux sœurs de Théodose. Ils sont de 430. Le dialogue De incarnatione Unigeniti n’est guère qu’un remaniement du mémoire à l’empereur. De cette même année 430 sont les cinq livres Contre les blasphèmes de Nestorius, qui répondent à un recueil de sermons publié par l’hérésiarque. Puis, saint Cyrille doit défendre, contre les attaques dont ils sont l’objet, les douze anathématismes ajoutés par lui à sa lettre synodale xvii. Il écrit donc, toujours en 430, l’Apologeticus pro XII capitibus adversus orientales episcopos, et l’Apologeticus contra Theodoretum pro XI capitibus. En 431, le concile d’Éphèse a lieu ; Théodose, prévenu contre Cyrille, le fait garder à vue. Le patriarche profite de ce repos forcé pour composer, sur la demande du concile, une troisième apologie des anathématismes, Explicatio duodecim capitum Ephesi pronuntiata et, de retour à Alexandrie (31 octobre 431), justifie toute sa conduite par un mémoire à l’empereur, Apologeticus ad imperatorem Theodosium (431). Tous ces écrits se datent assez bien. Quelques autres, d’un caractère moins personnel, ou paraissent être de la même époque, ou du moins se rapportent à la même controverse christologique : ce sont les Scholia de incarnatione Unigeniti, que l’on possède surtout en latin par une traduction de Marius Mercator ; le De incarnations Dei Verbi ; le dialogue sur l’unité de Jésus-Christ, Quod unus sit Christus ; et deux opuscules sur la maternité divine de Marie, Quod sancta Virgo deipara sit et non christipara, et Contra eos qui sanctissimam Virginem nolebant confiteri deiparam.
Outre ces écrits entiers on a quelques fragments d’un ouvrage Contre les synousiastes (les apollinaristes) ; d’un autre en trois livres Contre Diodore et Théodore (de Mopsueste), et de quelques autres encore. Photius (cod. 54) paraît mentionner et citer un écrit à Théodose contre les Pélagiens. Quant aux traités De incarnatione Domini et Contre les anthropomorphites, ils ne sont ni l’un ni l’autre l’œuvre de saint Cyrille.
IV. Homélies.
Il reste de saint Cyrille vingt-neuf homélies (ou lettres) pascales, qui abordent un peu tous les sujets, dogmatiques ou moraux, suivant les circonstances. Six autres homélies furent prononcées par lui à Éphèse, à l’occasion du concile de 431, et une septième à Alexandrie, lors de la conclusion de la paix avec Jean d’Antioche en 433. L’authenticité des autres discours mis sous son nom demeure douteuse ou doit être certainement rejetée.
V. Lettres.
Plus importantes que ses homélies sont les lettres proprement dites de saint Cyrille. L’édition de ses œuvres en donne quatre-vingt-huit, dont dix-sept sont des lettres qui lui ont été adressées. Elles sont presque toutes postérieures à l’an 428. Une quinzaine sont des lettres dogmatiques dans lesquelles l’auteur expose, précise et défend sa doctrine ; une cinquantaine d’autres sont précieuses pour l’histoire de la controverse nestorienne et du concile d’Éphèse ; un petit nombre seulement traitent de questions disciplinaires.
Une table pascale dressée par saint Cyrille entre 412 et 417 et qui s’étendait de 403 à 512 est perdue. On en a conservé seulement en arménien la lettre d’envoi à l’empereur Théodose II.