Nouvelle campagne – Vocation de Farel au ministère – Un avant-poste – Lyon foyer évangélique – Sebville à Grenoble – Conventicules – Prédications à Lyon – Maigret en prison – Marguerite intimidée
Dieu n’éloigne ordinairement ses serviteurs du champ de bataille, que pour les y ramener plus forts et mieux armés. Farel et ses amis de Meaux, de Metz, de Lyon, du Dauphiné, chassés de France par la persécution, s’étaient retrempés en Suisse et en Allemagne avec les plus anciens réformateurs ; et maintenant, comme une armée dispersée d’abord par l’ennemi, mais aussitôt ralliée, ils allaient faire volte face et marcher en avant au nom du Seigneur. Ce n’était pas seulement sur les frontières que se rassemblaient les amis de l’Évangile ; en France même, ils reprenaient courage, et s’apprêtaient à recommencer l’attaque. Déjà les trompettes sonnaient le réveil ; les soldats se recouvraient de leur armure, et se groupaient pour multiplier leurs coups ; les principaux méditaient la marche du combat ; le mot d’ordre : « Jésus, sa Parole et sa grâce, » plus puissant que ne l’est, au moment de la bataille, le bruit des instruments militaires, remplissait les cœurs d’un même enthousiasme ; et tout se préparait en France pour une seconde campagne, que devaient signaler de nouvelles victoires et de nouveaux et plus grands revers.
Montbéliard demandait alors un ouvrier. Le duc Ulrich de Wurtemberg, jeune, violent et cruel, dépossédé de ses États en 1519 par la ligue de Souabe, s’était réfugié dans ce comté, la seule de ses possessions qui lui restât. Il vit en Suisse les réformateurs ; son malheur lui devint salutaire ; il goûta l’Évangilea. Œcolampade fit savoir à Farel qu’une porte s’ouvrait dans le Montbéliard, et celui-ci accourut en secret à Bâle.
a – Le prince qui avoit cognoissance de l’Evangile. (Farel, Summaire)
Farel n’était point entré régulièrement dans le ministère de la Parole ; mais nous trouvons en lui, à cette époque de sa vie, tout ce qui est nécessaire pour constituer un ministre du Seigneur. Il ne se jeta point de lui-même et légèrement dans le service de l’Église. « Regardant ma petitesse, dit-il, je n’eusse osé prêcher, attendant que notre Seigneur envoyât personnages plus propresb. » Mais Dieu lui adressa alors une triple vocation. Il ne fut pas plutôt à Bâle, qu’Œcolampade, touché des besoins de la France, le conjura de s’y consacrer. « Voyez, lui disait-il, comment Jésus est peu connu de tous ceux de la langue française. Ne leur donnerez-vous pas quelque instruction en langue vulgaire, pour mieux entendre la sainte Écriturec ? » En même temps le peuple de Montbéliard l’appelait ; le prince du pays consentait à cet appel. Cette triple vocation n’était-elle pas de Dieu ?… Je ne pensai pas, dit-il, qu’il me fût licite de résister. Selon Dieu, j’obéisd. » Caché dans la maison d’Œcolampade, luttant contre la responsabilité qui lui était offerte, et pourtant obligé de se rendre à une manifestation aussi claire de la volonté de Dieu, Farel accepta cette charge, et Œcolampade l’y consacra, en invoquant le nom du Seigneure, et en adressant à son ami des conseils pleins de sagesse. Plus vous êtes porté à la violence, lui dit-il, plus vous devez vous exercer à la douceur ; modérez votre courage de lion, par la modestie de la colombef. » Toute l’âme de Farel répondit à cet appel.
b – Summaire, c’est-à-dire, briève déclaration de G. Farel, dans l’épilogue.
c – Ibid.
d – Etant requis et demande du peuple et du consentement du prince. (Ibid.)
e – Avec l’invocation du nom de Dieu. Ibid.
f – Leoninam magnanimitatem columbina modestia frangas. (Epp. p. 198.)
Ainsi Farel, jadis ardent sectateur de l’ancienne Église, allait devenir serviteur de Dieu dans la nouvelle. Si Rome exige, pour qu’une consécration soit valable, l’imposition des mains d’un évêque qui descende des apôtres dans une succession non interrompue, cela vient de ce qu’elle met la tradition humaine au dessus de la Parole de Dieu. Dans toute Église où l’autorité de la Parole n’est pas absolue, il faut bien chercher une autre autorité. Et alors, quoi de plus naturel que de demander aux ministres les plus vénérés de Dieu, ce qu’on ne sait pas trouver en Dieu même ? Si l’on ne parle pas au nom de Jésus-Christ, n’est-ce pas du moins quelque chose que de parler au nom de saint Jean et de saint Paul ? Celui qui parle au nom de l’antiquité est plus fort que le rationaliste, qui ne parle qu’en son propre nom. Mais le ministre chrétien a une autorité plus élevée encore ; il prêche, non parce qu’il descend de saint Chrysostôme et de saint Pierre, mais parce que la Parole qu’il annonce descend de Dieu même. L’idée de succession, quelque respectable qu’elle puisse paraître, n’est pourtant qu’un système humain, substitué au système de Dieu. Il n’y eut pas dans l’ordination de Farel une succession humaine. Il y a plus : il n’y eut pas en elle une chose nécessaire dans les troupeaux du Seigneur, où il faut que tout se fasse avec ordre, et dont le Dieu n'est point un Dieu de confusion. Il lui manqua une consécration de l’Église : mais les temps extraordinaires justifient les choses extraordinaires. A cette époque mémorable, Dieu intervenait lui-même. Il consacrait par de merveilleuses dispensations ceux qu’il appelait au renouvellement du monde ; et cette consécration vaut bien celle de l’Église. Il y eut dans l’ordination de Farel la Parole infaillible de Dieu, donnée à un homme de Dieu, pour l’apporter au monde, la vocation de Dieu et du peuple, et la consécration du cœur ; et peut-être n’y a-t-il pas de ministre à Rome ou à Genève, qui ait été plus légitimement ordonné pour le saint ministère. Farel partit pour Montbéliard, et d’Esch l’y accompagna.
Farel se trouvait ainsi placé à un avant-poste. Derrière lui, Bâle et Strasbourg l’appuyaient de leurs conseils et de leurs imprimeries ; devant lui, s’étendaient ces provinces de la Franche-Comté, de la Bourgogne, de la Lorraine, du Lyonnais et du reste de la France, où des hommes de Dieu commençaient à lutter contre l’erreur au milieu de profondes ténèbres. Il se mit aussitôt à annoncer Christ et à exhorter les fidèles à ne point se laisser détourner des saintes Écritures par les menaces ou par la ruse. Faisant, longtemps avant Calvin, l’œuvre que ce réformateur devait accomplir sur une échelle plus vaste, Farel était à Montbéliard, comme est sur une hauteur un général, dont la vue perçante embrasse tout le champ de bataille, qui excite ceux qui sont aux prises avec l’ennemi, qui rallie ceux que l’impétuosité de l’attaque a dispersés, et qui enflamme par son courage ceux qui demeurent en arrièreg. Érasme écrivit aussitôt à ses amis catholiques romains, qu’un Français, échappé de France, faisait grand tapage dans ces régionsh.
g – C’est la comparaison dont se sert un ami de Farel, pendant son séjour à Montbéliard… Strenuum et oculatum imperatoram, qui iis etiam animum facias qui in acie versantur. (Tossanus Farello. Manus. du concl. de Neuch., 2 sep. 1524.)
h – Tumultuatur et Burgundia nobis proxima, per Phallicum quemdam Gallum qui e Gallia profugus. (Er. Epp. p. 809.)
Les travaux de Farel n’étaient pas inutiles. « Partout, lui écrivait un de ses compatriotes, on voit pulluler des hommes qui emploient leurs travaux, leur vie entière, à répandre aussi loin que possible le règne de Jésus-Christi. » Les amis de l’Évangile bénissaient le Seigneur de ce que la sainte Parole brillait chaque jour dans toutes les Gaules d’un plus grand éclatj. Les adversaires en étaient consternés. « La faction, écrivait Érasme à l’évêque de Rochester, s’étend chaque jour davantage, et se propage dans la Savoie, dans la Lorraine et dans la Francek… »
i – Quod in Galliis omnibus sacrosanctum Dei verbum in dies magis ac magis elucescat. (Ibid.)
j – Suppullulare qui omnes conatus afferant, quo possit Christi regnum quam latissime patere. (Manuscrit de Neuchâtel, 2 août 1524.)
k – Factio crescit in dies latius, propagata in Sabaudiam, Lothoringiam, Franciam. (Erasm. Epp. p. 809.)
Lyon parut être quelque temps le centre de l’action évangélique au dedans du royaume, comme Bâle le devenait au dehors. François Ier se rendant dans le Midi pour une expédition contre Charles-Quint, y était arrivé avec sa mère, sa sœur et sa cour. Marguerite y amenait avec elle plusieurs hommes dévoués à l’Évangile. « Toutes autres gens elle a déboutées arrière, » dit une lettre de cette époquel. Tandis que François Ier faisait traverser Lyon à 14 000 Suisses, 6 000 Français et 1 500 lances de noblesse française, pour repousser l’invasion des Impériaux en Provence ; tandis que toute cette grande cité retentissait du bruit des armes, des pas des chevaux, et du son des trompettes, les amis de l’Évangile y marchaient à des conquêtes plus pacifiques. Ils voulaient essayer à Lyon ce qu’ils n’avaient pu faire à Paris. Peut-être loin de la Sorbonne et du parlement, la Parole de Dieu serait-elle plus libre ? Peut-être la seconde ville du royaume était-elle destinée à devenir la première pour l’Évangile ? N’était-ce pas là que près de quatre siècles auparavant, l’excellent Pierre Waldo avait commencé à répandre la Parole divine ? Il avait alors ébranlé la France. Maintenant que Dieu avait tout préparé pour l’affranchissement de son Église, ne pouvait-on pas espérer des succès bien plus étendus et plus décisifs ? Aussi les hommes de Lyon, qui n’étaient pas en général, il est vrai, des pauvres, comme au xiie siècle, commençaient-ils à brandir avec courage l’épée de l’Esprit, qui est la Parole de Dieu. »
l – De Sebville à Coct, du 28 décembre 1524. (Manuscrit du conclave de Neuchâtel.)
Parmi ceux qui entouraient Marguerite était son aumônier, Michel d’Arande. La duchesse faisait prêcher publiquement l’Évangile dans Lyon ; et maître Michel annonçait hautement et purement la Parole de Dieu à un grand nombre d’auditeurs, attirés en partie par l’attrait que la bonne nouvelle exerce partout où on la publie, en partie aussi par la faveur dont la prédication et le prédicateur jouissaient auprès de la sœur bien-aimée du roim.
m – Elle a ung docteur de Paris appelé maître Michel, Eleymosinarius, lequel ne prêche devant elle que purement l’évangile. (Neuchâtel MS.)
Antoine Papillion, homme d’un esprit très cultivé, d’une latinité élégante, ami d’Érasme, le premier de France bien sachant l’Évangilen, » accompagnait aussi la princesse. Il avait, à la demandé de Marguerite, traduit l’ouvrage de Luther sur les vœux monastiques, « de quoi il eut beaucoup d’affaires avec cette vermine parrhisienne, » dit Sebvilleo ; mais Marguerite avait protégé ce savant contre les attaques de la Sorbonne, et lui avait procuré la charge de premier maître des requêtes du Dauphin, avec une place dans le grand conseilp. Il ne servait pas moins l’Évangile par son dévouement que par sa prudence. Un négociant, nommé Vaugris, et surtout un gentilhomme nommé Antoine Du Blet, ami de Farel, étaient dans Lyon à la tête de la Réforme. Ce dernier, doué d’une grande activité, servait de lien entre les chrétiens répandus dans ces contrées, et les mettait en rapport avec Bâle. Tandis que les hommes d’armes de François Ier n’avaient fait que traverser Lyon, les soldats spirituels de Jésus-Christ s’y arrêtaient avec Marguerite ; et laissant les premiers porter la guerre dans la Provence et dans les plaines de l’Italie, ils commençaient dans Lyon même le combat de l’Évangile.
n – Ibid.
o – Ibid.
p – Ibid.
Mais ils ne se bornaient point à Lyon. Ils regardaient tout autour d’eux ; la campagne commençait sur plusieurs points à la fois ; et les chrétiens lyonnais encourageaient de leurs paroles et de leurs travaux tous ceux qui confessaient Christ dans les provinces d’alentour. Ils faisaient plus ; ils allaient l’annoncer là où l’on ne le connaissait pas encore. La nouvelle doctrine remontait la Saône, et un évangéliste traversait les rues étroites et mal percées de Mâcon. Michel d’Arande lui-même, l’aumônier de la sœur du roi, s’y rendait en 1524, et à l’aide du nom de Marguerite, il obtenait la liberté de prêcher dans cette villeq, qui devait plus tard être remplie de sang, et dont les sauteries devaient être à jamais célèbres.
q – Arandius prêche à Mascon. (Coct à Farel, décembre. 1524. Manuscrit de Neuchâtel.)
Après avoir remonté du côté de la Saône, les chrétiens de Lyon, toujours l’œil au guet, remontèrent du côté des Alpes. Il y avait à Lyon un dominicain nommé Maigret, qui avait dû quitter le Dauphiné, où il avait prêché la nouvelle doctrine avec décision, et qui demandait instamment qu’on allât encourager ses frères de Grenoble et de Gap. Papillion et Du Blet s’y rendirentr. Un violent orage venait d’y éclater contre Sebville et ses prédications. Les dominicains y avaient remué ciel et terre ; furieux de voir que tant d’évangélistes, Farel, Anémond, Maigret leur échappaient, ils eussent voulu anéantir ceux qui se trouvaient à leur portées. Ils avaient donc demandé qu’on se saisît de Sebvillet.
r – Il y a eu deux grands personnages à Grenoble. (Ibid.) Le titre de messire donné ici à Du Blet indique une personne de rang. Je pense donc que celui de negociator qui lui est donné ailleurs se rapporte à son activité ; il se pourrait néanmoins qu’il fût un grand négociant de Lyon.
s – Conjicere potes ut post Macretum et me in Sebvillam exarserint. (Anémond à Farel,7 septembre 1524. Manuscrit de Neuchâtel.)
t – Les Thomistes ont voulu procéder contre moi par inquisition et caption de personne. (Lettre de Sebville. Ibid.)
Les amis de l’Évangile dans Grenoble furent effrayés ; fallait-il que Sebville leur fût aussi enlevé !… Marguerite intervint auprès de son frère ; plusieurs des personnages les plus distingués de Grenoble, l’avocat du roi entre autres, amis ouverts ou cachés de l’Évangile, travaillèrent en faveur de l’évangélique cordelier, et enfin ces efforts réunis l’arrachèrent à la fureur de ses adversaires.
Mais si la vie de Sebville était sauve, sa bouche était fermée. « Gardez le silence, lui dit-on, ou vous trouverez l’échafaud. » « A moi, écrivit-il à Anémond de Coct, à moi a esté imposé silence de prescher sur peine de mortu. » Ces menaces des adversaires épouvantèrent ceux même dont on avait le plus espéré. L’avocat du roi et d’autres amis de l’Évangile ne montrèrent plus que froideurv ; plusieurs retournèrent au culte romain, prétendant adorer Dieu spirituellement dans le secret de leur cœur, et donner aux rites extérieurs du catholicisme une signification spirituelle ; triste illusion, qui entraîne d’infidélité en infidélité ! Il n’est aucune hypocrisie qu’on ne puisse ainsi justifier. L’incrédule, au moyen de ce système de mythes et d’allégories, prêchera Christ du haut de la chaire chrétienne ; et le sectateur d’une superstition abominable parmi les païens, saura, avec un peu d’esprit, y trouver le symbole d’une idée pure et élevée. En religion, la première chose, c’est la vérité. Quelques-uns des chrétiens de Grenoble, parmi lesquels se trouvaient Amédée Galbert et un cousin d’Anémond, demeurèrent cependant fermes dans leur foiw. Ces hommes pieux se réunissaient secrètement avec Sebville, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, et confabulaient ensemble de l’Évangile. On se rendait dans quelque retraite éloignée ; on arrivait de nuit chez un frère ; on se cachait pour prier Jésus-Christ, comme des brigands pour mal faire. Plus d’une fois une fausse alerte venait jeter l’alarme dans l’humble assemblée. Les adversaires consentaient à fermer les yeux sur les conventicules secrets, mais ils avaient juré que le feu des bûchers ferait justice de quiconque oserait s’entretenir publiquement de la Parole de Dieux.
u – Si ce ne fust certains amis secrets, je estois mis entre les mains des pharisiens. (Ibid.)
v – Non solum tepidi sed frigidi. (Neuchâtel MS.)
w – Tuo cognato, Amedeo Galberto exceptis. (Ibid.)
x – Mais de en parler publiquement, il n’y pend que le feu. Ibid.
C’est dans ces circonstances que messires Du Blet et Papillion arrivèrent à Grenoble. Voyant que Sebville y avait la bouche fermée, ils l’exhortèrent à venir prêcher Christ à Lyon. Le carême de l’année suivante devait présenter une occasion favorable pour l’annoncer à une foule nombreuse. Michel d’Arande, Maigret, Sebville se proposaient de combattre à la tête des phalanges de l’Évangile. Tout se préparait ainsi pour une éclatante manifestation de la vérité dans la seconde ville de France. Le bruit de ce carême évangélique se répandit jusqu’en Suisse : « Sebville est délivré et prêchera le carême à Saint-Paul, à Lyon, » écrivit Anémond à Farely. Mais un grand désastre, en portant le trouble dans toute la France, vint empêcher ce combat spirituel. C’est dans la paix que l’Évangile fait des conquêtes. La défaite de Pavie qui eut lieu au mois de février, fît échouer ce plan hardi des réformateurs.
y – Le samedi des Quatre-Temps. Dec. 1524. Neuchâtel MS.
Cependant, sans attendre Sebville, dès le commencement de l’hiver, Maigret prêchait à Lyon le salut par Jésus-Christ seul, malgré la vive opposition des prêtres et des moinesz. Il n’était plus question dans ces discours, du culte des créatures, des saints, de la Vierge et du pouvoir des prêtres. Le grand mystère de piété, Dieu manifesté en chair, » était seul proclamé. Les anciennes hérésies des pauvres de Lyon reparaissent, disait-on, plus dangereuses que jamais ! Malgré cette opposition, Maigret continuait son ministère, la foi qui animait son âme se répandait en puissantes paroles : il est de la nature de la vérité, d’enhardir le cœur qui l’a reçue. Cependant Rome devait avoir le dessus à Lyon comme à Grenoble. En présence de Marguerite, Maigret fut arrêté, traîné dans les rues et jeté en prison. Le marchand Vaugris, qui quitta alors cette ville pour se rendre en Suisse, en répandit la nouvelle sur son passage. On en fut étonné, abattu. Une pensée rassura pourtant les amis de la Réforme : « Maigret est pris, disait-on, mais madame d'Alençon y est ; loué soit Dieua ! »
z – Pour vray Maigret a prêché à Lion, maulgré les prêtres et moines. (Ibid.)
a – Manuscrit de Neuchâtel.
On dut bientôt renoncer à cette espérance. La Sorbonne avait condamné plusieurs propositions de ce fidèle ministreb. Marguerite, dans une situation toujours plus difficile, voyait croître en même temps la hardiesse des amis de la Réformation et la haine des puissants. François Ier commençait à s’impatienter du zèle de ces évangélistes ; il voyait en eux des fanatiques qu’il était bon de réprimer. Marguerite, ainsi ballottée entre son désir d’être utile à ses frères et son impuissance pour les sauver, leur fit dire de ne pas se jeter sur de nouveaux écueils, attendu qu’elle n’écrirait plus au roi en leur faveur. Les amis de l’Évangile crurent que cette résolution n’était pas irrévocable. Dieu lui donne grâce, dirent-ils, de dire et écrire seulement ce qui est nécessaire aux pauvres âmesc, » Mais si ce secours humain leur est ôté, Christ leur reste. Il est bon à l’âme d’être dépouillée de tout secours, afin qu’elle ne s’appuie que sur Dieu seul.
b – Histoire de François Ier par Gaillard, IV, p. 233.
c – Pierre Toussaint à Farel, Bâle, 17 décembre 1524. (Manuscrit de Neuchâtel.)