Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 2
Depuis la mort d'Hérode jusqu'au début de l'insurrection (4 av. J.-C. – 66 ap. J.-C.)

CHAPITRE 17
Agrippa expulsé de la ville. Prise de Masada. Interruption des sacrifices pour Rome. Démarches des notables juifs. Agrippa leur envoie des renforts. Lutte entre les insurgés et les partisans de Rome. Arrivée des Sicaires. Prise de la ville haute, incendie des Archives. Prise de la tour Antonia. Les Romains assiégés dans le palais d'Hérode. Domination de Manahem. Évacuation du palais. Meurtre de Manahem. Capitulation et massacre de la garnison romaine.

Agrippa expulsé de la ville.

1. Le peuple, gagné par ce discours, monta au Temple avec le roi et Bérénice pour commencer à rebâtir les portiques, tandis que les magistrats et les Conseillers, se répartissant parmi les villages, y levaient le tribut. En peu de temps les quarante talents qui manquaient furent réunis. Agrippa avait ainsi écarté pour le moment la menace de guerre ; il revint ensuite à la charge pour engager le peuple à obéir à Florus, en attendant que César lui envoyât un successeur. Pour le coup les Juifs s'exaspérèrent : ils se déchaînèrent en injures contre le roi et lui firent interdire formellement le séjour de la ville ; quelques factieux osèrent même lui jeter des pierres. Le roi, jugeant impossible d'arrêter l'ardeur des révolutionnaires, indigné des outrages qu'il avait reçus, envoya les magistrats et les principaux citoyens à Césarée, auprès de Florus, pour que le gouverneur désignât ceux qui lèveraient le tribut dans le pays[1] ; quant à lui, il rentra dans son royaume.

[1] Les tributs recueillis, dans le début de la section 1, sont ceux du district de Jérusalem : maintenant il s'agit de faire rentrer ceux des autres districts (toparchies). Il semble d'après cela que le sanhédrin de Jérusalem servit d'intermédiaire fiscal entre le trésor impérial et toute la contrée pour la perception des impôts directs (Schürer, IIb, 236).

Prise de Masada. Interruption des sacrifices pour Rome.

2. A ce moment, quelques-uns des plus ardents promoteurs de la guerre entreprirent une expédition contre une forteresse du nom de Masada[2] ; ils l'occupèrent par surprise, égorgèrent la garnison romaine et établirent une garnison juive à la place. En même temps, dans le Temple, Eléazar, fils du grand prêtre Ananias, jeune homme plein d'audace et qui y remplissait alors les fonctions de capitaine[3], détermina les prêtres officiants à n'accepter désormais ni offrandes ni sacrifices offerts par un étranger. C'était là déclarer véritablement la guerre aux Romains : car on rejetait tout ensemble les sacrifices offerts au nom des Romains et de César[4]. En vain les grands prêtres et les notables les exhortèrent à ne pas négliger le sacrifice traditionnel célébré en l'honneur des empereurs ; les prêtres refusèrent de les entendre, confiant dans leur grand nombre, — d'autant que le concours des révolutionnaires les plus vigoureux leur était assuré, — et surtout dans l'autorité d'Eléazar, capitaine du Temple.

[2] En Idumée, au S.-O. et tout près de la mer Morte, aujourd'hui Sebbeh.

[3] Ce capitaine (στρατηγός) ou segan avait la surveillance supérieure de l'ordre matériel dans le Temple ; dans la hiérarchie, il venait immédiatement après le grand pontife. Cf. Schürer, II4, 320. Eléazar était bien fils du grand prêtre Ananias (Ant., XX, 208).

[4] Ce sacrifice quotidien, institué par Auguste (Philon, Leg. ad Caium, c. 23), consistait en deux agneaux et un taureau ; les frais en étaient supportés par le fisc impérial selon Philon, par le « peuple juif » selon Josèphe (C. Ap., II, 6), probablement au moyen d'un prélèvement sur le tribut de la Judée (E. Meyer).

3. Là-dessus, les principaux citoyens se réunirent avec les grands prêtres et les plus notables Pharisiens pour délibérer sur la chose publique, maintenant que le mal paraissait sans remède. Ayant décidé de faire un dernier appel aux factieux, ils convoquèrent le peuple devant la porte d'airain : on nomme ainsi la porte du Temple intérieur tournée vers l'Orient[5]. Après avoir exprimé vivement leur indignation contre l'audace de cette révolte et d'une guerre si formidable déchaînée sur la patrie, ils exposèrent l'absurdité des raisons alléguées pour l'interruption du sacrifice : leurs ancêtres avaient orné le Temple surtout aux frais des étrangers, recevant sans cesse les offrandes des nations ; non seulement ils n'avaient interdit les sacrifices à personne, — ce qui eut été la plus grave impiété, — mais ils avaient consacré autour du Temple toutes ces offrandes qu'on y voyait encore conservées intactes depuis tant d'années. Et les voici, eux, au moment où ils provoquent les armes des Romains et les excitent à la guerre, qui apportent une innovation étrange dans le culte et ajoutent au danger la honte de l'impiété pour leur ville, puisque les Juifs seront désormais les seuls chez qui un étranger ne pourra ni sacrifier ni adorer Dieu ! Si quelqu'un s'opposait une pareille loi à l'égard d'un particulier, ils s'indigneraient contre un décret aussi inhumain, et il leur est indifférent que les Romains et César soient mis hors la loi ! Qu'ils redoutent qu'après avoir interdit les sacrifices offerts au nom de Rome, ils ne soient bientôt empêchés d'en célébrer pour eux-mêmes, et que la ville ne soit mise hors la loi de l'empire : sinon, qu'ils se hâtent de rentrer dans la raison, de reprendre les sacrifices, et de réparer leur outrage avant que le bruit n'en parvienne à ceux qu'ils ont offensés.

[5] La porte incrustée de bronze, située à l'Est du parvis des femmes (porte de Nicanor ?)

Démarches des notables juifs. Agrippa leur envoie des renforts.

4. Tout en tenant ce langage, ils amenaient des prêtres versés dans la tradition, qui expliquaient que tous leurs ancêtres avaient accepté les sacrifices des étrangers. Cependant aucun des révolutionnaires ne voulut les écouter ; même les ministres du culte[6], dont la conduite inaugurait les hostilités, ne bougèrent pas. Aussi les principaux citoyens, estimant qu'ils ne pouvaient plus arrêter eux-mêmes la sédition et qu'ils seraient les premières victimes de la vengeance de Rome, ne songèrent plus qu'à écarter d'eux-mêmes tout reproche et envoyèrent des députés, les uns, dirigés par Simon, fils d'Ananias, auprès de Florus, les autres auprès d'Agrippa, parmi lesquels on remarquait Saül, Antipas et Costobaros[7], tous membres de la famille royale. Ils adjuraient l'un et l'autre de monter vers la capitale avec des troupes et de briser la révolte avant qu'elle devînt invincible. Ce malheureux incident était une aubaine pour Florus ; désireux d'allumer la guerre, il ne fit aucune réponse aux députés. Quant à Agrippa, également soucieux de ceux qui se révoltaient et de ceux contre qui s'allumait la révolte, désireux de conserver la Judée aux Romains et aux Juifs leur Temple et leur capitale, sachant bien d'ailleurs qu'il n'avait rien à gagner dans ce désordre, il envoya deux mille[8] cavaliers pour défendre le peuple : c'étaient des Auranites, des Batanéens, des Trachonites, ayant pour commandant de cavalerie Darius et pour général Philippe, fils de Jacime[9].

[6] Nous lisons λειτουργοί avec la plupart des mss. (ληστρικοί P)

[7] Saül et Costobaros étaient frères (infra, XX, 1) ; ils s'étaient rendus coupables d'exactions (Ant., XX, 214). Antipas est inconnu.

[8] 2.000 d'après les mss. PAL, 3.000 d'après d'autres.

[9] Philippe est qualifié ailleurs (Vita, c. 11) de ἕπαρχος (lieutenant) du roi. Jacime avait été « tétrarque » du roi Agrippa (Ier ou II ?) (Guerre, IV, 81) ; il était fils de Zamaris, qui, sous Hérode, mena une colonie en Batanée (Ant., XVII, § 29). Waddington a cru retrouver le nom de Darius dans l'inscription de Deir esch Schair (Le Bas III, 2135), mais cf. Dittenberger, Oriens graecus, n° 422.

Lutte entre les insurgés et les partisans de Rome. Arrivée des Sicaires. Prise de la ville haute, incendie des Archives.

5. Confiants dans ces forces, les notables, les grands prêtres et tous les citoyens épris de la paix occupent la ville haute ; car les séditieux étaient maîtres de la ville basse et du Temple. On se jetait sans relâche des pierres et des balles de fronde : de part et d'autre les traits volaient ; parfois même des détachements faisaient une sortie et l'on combattait corps à corps. Les insurgés l'emportaient par l'audace, les gens du roi par l'expérience. Le but des Royaux était de s'emparer du Temple et de chasser ceux qui souillaient le sanctuaire ; les factieux groupés autour d'Eléazar cherchaient à conquérir la ville haute outre les points qu'ils occupaient déjà. Pendant sept jours, il se fit un grand carnage des uns et des autres sans qu'aucun cédât la portion de la ville qu'il détenait.

6. Le huitième jour amena la fête dite de la Xyiophorie, où il était d'usage que tous apportassent du bois à l'autel pour que la flamme ne manqua jamais d'aliment : et en effet le feu de l'autel ne s'éteint jamais[10]. Les Juifs du Temple exclurent donc leurs adversaires de cette cérémonie : à cette occasion, leur multitude mal armée se grossit d'un grand nombre de sicaires qui s'étaient glissés parmi eux : on appelait ainsi les brigands qui cachaient un poignard dans leur sein — et ils poursuivirent leurs attaques avec plus de hardiesse. Inférieurs en nombre et en audace, les Royaux, refoulés de vive force, évacuèrent la ville haute. Les vainqueurs y firent irruption et livrèrent aux flammes la maison du grand prêtre Ananias et les palais d'Agrippa et de Bérénice[11] ; puis ils portèrent le feu dans les Archives publiques, pressés d'anéantir les contrats d'emprunt et d'empêcher le recouvrement des créances, afin de grossir leurs rangs de la foule des débiteurs et de lancer contre les riches les pauvres sûrs de l'impunité. Les gardiens des bureaux des conservateurs s'étant sauvés, ils mirent donc le feu aux bâtiments. Une fois le nerf du corps social ainsi détruit, ils marchèrent contre leurs ennemis ; notables et grands prêtres se sauvèrent en partie dans les égouts ; d'autres gagnèrent avec les soldats du roi le palais royal situé plus haut[12] et se hâtèrent d'en fermer les portes : de ce nombre étaient le grand prêtre Ananias, son frère Ezéchias, et ceux qui avaient été envoyés auprès d'Agrippa.

[10] Cf. Lévitique, 6, 12. D'après la Mishna (Taanith, 4, 5) la corvée du bois était repartie sur 9 jours, par familles, mais le jour principal était le 15 Ab, où contribuaient les prêtres, les lévites, et tous ceux de descendance inconnue.

[11] Malgré cette expression, il ne semble pas qu'il s'agisse d'un édifice distinct, mais des parties nouvelles ajoutées par Agrippa à l'ancien palais des Asmonéens, sur le Xystos (Ant., XX, 189). Les Archives étaient voisines de l'Akra et du palais du Conseil (Guerre, VI, 354), mais l'emplacement exact est inconnu.

[12] τὴν ἀνωτέρω αὐλήν, évidemment le Palais d'Hérode, au N.-O. de la ville haute.

Prise de la tour Antonia. Les Romains assiégés dans le palais d'Hérode.

7. Ce jour-là, les séditieux s'arrêtèrent, se contentant de leur victoire et de leurs incendies. Le lendemain, qui était le quinzième jour du mois de Loos[13], ils attaquèrent la citadelle Antonia ; après avoir tenu la garnison assiégée pendant deux jours, ils la firent prisonnière, l'égorgèrent et mirent le feu au fort. Ensuite, ils se retournèrent vers le palais, où les gens du roi s'étaient réfugiés : divisés en quatre corps ils firent plusieurs tentatives contre les murailles. Aucun des assiégés n'osa risquer une sortie, à cause du grand nombre des assaillants : répartis sur les mantelets des murs et sur les tours, ils se contentaient de tirer sur les agresseurs, et force brigands tombèrent au pied des murailles. Le combat ne cessait ni jour ni nuit, car les factieux espéraient épuiser les assiégés par la disette et les défenseurs, les assiégeants par la fatigue.

[13] Le 15 Loos = Ab (juillet-août). Mais si la Mishna place avec raison la fête de la Xylophorie le 15, il s'agirait plutôt du 16.

Domination de Manahem. Évacuation du palais.

8. Cependant, un certain Manahem, fils de Juda le Galiléen&ld; ce docteur redoutable qui jadis, au temps de Quirinius[14], avait fait un crime aux Juifs de reconnaître les Romains pour maîtres alors qu'ils avaient déjà Dieu — emmena ses familiers à Masada, où il força le magasin d'armes du roi Hérode, et équipa les gens de son bourg avec quelques autres brigands ; s'étant ainsi constitué une garde du corps, il rentra comme un roi à Jérusalem, et, devenu le chef de la révolution, dirigea le siège du palais[15]. Cependant les assiégeants manquaient de machines et, battus du haut de la muraille, ils ne pouvaient la saper à ciel ouvert. Ils commencèrent donc à distance une mine, l'amenèrent jusqu'à l'une des tours qu'ils étayèrent, puis sortirent après avoir mis le feu aux madriers qui la soutenaient. Quand les étais furent brûlés, la tour s'écroula soudain, mais ils virent apparaître un autre mur construit en arrière d'elle, car les assiégés, prévoyant le stratagème, peut-être même avertis par l'ébranlement de la tour au moment où on la sapait, s'étaient pourvus d'un nouveau rempart. Ce spectacle inattendu frappa de stupeur l'assaillant, qui se croyait déjà victorieux. Cependant les défenseurs députèrent auprès de Manahem et des promoteurs de la sédition, demandant à sortir par capitulation. Les insurgés n'accordèrent cette permission qu'aux soldats du roi et aux indigènes, qui sortirent en conséquence. Les Romains, restés seuls, furent pris de découragement. Ils désespéraient de percer à travers une telle multitude et ils avaient honte de demander une capitulation : d'ailleurs , l'eussent-ils obtenue, quelle confiance méritait-elle ? Ils abandonnèrent donc le camp, trop facile à emporter, et se retirèrent dans les tours royales, qui se nommaient Hippicos, Phasaël et Mariamme[16]. Les compagnons de Manahem, se ruant dans les positions que les soldats venaient de quitter, tuèrent tous les retardataires qu'ils purent saisir, pillèrent les bagages et incendièrent le camp. Ces événements eurent lieu le sixième jour du mois de Gorpiéos[17].

[14] Sur Judas le Galiléen voir supra, VII, 1.

[15] Sur le mur d'enceinte du palais (haut de 30 coudées) et les tours qui le garnissaient, cf. Guerre, V, 177.

[16] Ces tours étaient situées au N. de l'enceinte du palais.

[17] Gorpiéos (Eloul = août-septembre). La conduite de Philippe, général d'Agrippa, parut suspecte, et il fut envoyé à Rome pour se justifier (Vita, c. 74).

Meurtre de Manahem.

9. Le lendemain, le grand prêtre Ananias fut pris dans la douve du palais royal, où il se cachait, et tué par les brigands avec son frère Ezéchias. Les factieux investirent les tours et les soumirent à une étroite surveillance pour qu'aucun soldat ne pût s'en échapper. La prise des fortifications et le meurtre du grand prêtre Ananias grisèrent à tel point la férocité de Manahem qu'il crut n'avoir plus de rival pour la conduite des affaires et devint un tyran insupportable. Les partisans d'Eléazar se dressèrent alors contre lui ; ils se répétaient qu'après avoir, pour l'amour de la liberté, levé l'étendard de la rébellion contre les Romains, ils ne devaient pas sacrifier cette même liberté à un bourreau juif[18] et supporter un maître qui, ne fît-il même aucune violence, était pourtant fort au-dessous d'eux : s'il fallait à toute force un chef, mieux valait n'importe lequel que celui-là. Dans ces sentiments, ils se conjurèrent contre lui dans le Temple même : il y était monté plein d'orgueil pour faire ses dévotions, revêtu d'un costume royal, et traînant à sa suite ses zélateurs armés. Lorsqu'Eléazar et ses compagnons s'élancèrent contre lui, et que le reste du peuple[19], saisissant des pierres, se mit à lapider l'insolent docteur, pensant étouffer toute la révolte par sa mort, Manahem et sa suite résistèrent un moment, puis, se voyant assaillis par toute la multitude, s'enfuirent chacun ou ils purent ; là dessus on massacra ceux qui se laissèrent prendre, on fit la chasse aux fugitifs. Un petit nombre parvinrent à se faufiler jusqu'à Masada, entre autres Eléazar, fils de Jaïr, parent de Manahem, qui plus tard exerça la tyrannie à Masada. Quant à Manahem lui-même, qui s'était réfugié au lieu appelé Ophlas[20] et s'y cachait honteusement, on le saisit, on le traîna au grand jour, et, après mille outrages et tortures, on le tua. Ses lieutenants eurent le même sort, ainsi qu'Absalon, le plus fameux suppôt de la tyrannie.

[18] Nous lisons οἰκείῳ δημίῳ avec Destinon, Naber, etc. Les mss. ont δήμῳ.

[19] Nous ne comprenons pas les mots ἐπὶ τὰς ὀργάς que la plupart des mss. ont après δῆμος.

[20] La pente Sud de la colline du Temple.

Capitulation et massacre de la garnison romaine.

10. Le peuple, je l'ai dit, s'associa à cette exécution, dans l'espoir de voir ainsi s'apaiser l'insurrection tout entière[21], mais les conjurés, en tuant Manahem, loin de désirer mettre fin à la guerre, n'avaient voulu que la poursuivie avec plus de liberté. En fait, tandis que le peuple invitait les soldats avec insistance à se relâcher des opérations du siège, ils le pressaient au contraire plus vigoureusement. Enfin, à bout de résistance, les soldats de Metilius — c'était le nom du préfet[22] romain — députèrent auprès d'Eléazar, lui demandant seulement d'obtenir par capitulation, la vie sauve, et offrant de livrer leurs armes et tout leur matériel. Les révoltés, saisissant au vol cette requête, envoyèrent aux Romains Gorion, fils de Nicomède[23], Ananias, fils de Sadoc, et Judas, fils de Jonathas, pour conclure la convention et échanger les serments. Cela fait, Metilius fit descendre ses soldats. Tant que ceux-ci gardèrent leurs armes, aucun des révoltés ne les attaqua ni ne laissa flairer la trahison. Mais quand les Romains eurent tous déposé, suivant la convention, leurs boucliers et leurs épées, et, désormais sans soupçon, se furent mis en route, les gens d'Eléazar se jetèrent sur eux, les entourèrent et les massacrèrent ; les Romains n'opposèrent ni résistance ni supplication, se bornant à rappeler à grands cris la convention et les serments. Tous périrent ainsi, cruellement égorgés. Le seul Metilius obtint grâce, à force de prières, et parce qu'il promis de se faire Juif, voire se laisser circoncire. C'était là un léger dommage pour les Romains, qui de leur immense armée ne perdirent qu'une poignée d'hommes, mais on y reconnut le prélude de la ruine des Juifs. En voyant la rupture désormais sans remède, la ville souillée par cet horrible forfait qui promettait quelque châtiment divin, à défaut de la vengeance de Rome, on se livra à un deuil public : la ville se remplit de consternation, et il n'y avait pas un modéré qui ne se désolât en songeant qu'il payerait lui-même le crime des factieux. Eh effet, le massacre s'était accompli le jour du sabbat, où la piété fait abstenir les Juifs même des actes les plus innocents.

[21] Interprétation peu vraisemblable. L'apologiste fait ici tort à l'historien.

[22] ἕπαρχος. Le commandant d'une cohorte auxiliaire est en principe un préfet (Tacite, Hist., II, 59 ; Digeste, III, 2, 2, pr.). — La capitulation de la garnison romaine paraît avoir eut lieu le 17 Eloul (Gorpiéos) : c'est à ce jour que la Megillath Taanith (§ 14) place « l'évacuation » de Juda par les Romains.

[23] Nicodème, de la traduction latine, est peut-être préférable.

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