Ecoute à ce sujet, l’enseignement de l’Apôtre ; sa foi n’a pas été formée par une pensée de la chair, mais par un don de l’Esprit[95]. Lorsque les Grecs lui demandent une sagesse, et les Juifs des miracles, il répond : « Nous prêchons, nous, le Christ Jésus crucifié, scandale pour les juifs, et folie pour les païens. Mais pour ceux qui sont appelés, juifs et grecs, c’est Jésus-Christ Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu » (1 Corinthiens 1.23-24). Le Christ serait-il divisé pour que Jésus crucifié soit autre que le Christ Puissance et Sagesse de Dieu ? Ce crucifié est un scandale pour les juifs, et une folie pour les païens, mais pour nous, il est le Christ Jésus, Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu : Sagesse inconnue toutefois du monde et incomprise par les prudents d’ici-bas. Oui, qu’elle soit incomprise, apprends-le du même bienheureux Apôtre : « Nous parlons au contraire d’une Sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant tous les siècles, avait d’avance destinée à notre gloire, cette Sagesse qu’aucun des princes de ce monde n’a connue : car s’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de Gloire ! » (1 Corinthiens 2.7-8).
[95] Cf. 1 Corinthiens 1.22.
L’Apôtre méconnaîtrait-il que cette Sagesse de Dieu est mystérieuse et cachée, et qu’elle est ignorée des princes de ce monde ? Diviserait-il le Christ, pour mettre d’un côté le Seigneur de Majesté, et de l’autre Jésus crucifié ? Bien au contraire, il s’oppose à une pensée aussi stupide et affichant la plus parfaite mauvaise foi : « Car, dit-il, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Corinthiens 2.2).
L’Apôtre, lui, ne connaît rien d’autre et ne veut rien savoir d’autre. Mais nous, d’une intelligence assez faible et d’une foi plus faible encore, nous déchirons le Christ Jésus, nous le divisons, nous le doublons, nous faisant les arbitres des mystères de Dieu et les critiques de ses secrets ! Car pour nous, le Christ crucifié est tout autre que la Sagesse de Dieu ; celui qui est enseveli est tout autre que celui qui est descendu du ciel ; et le Fils de l’homme est tout autre que le Fils de Dieu ! Nous n’y comprenons rien, mais nous enseignons ; nous ignorons tout, mais nous chicanons, et nous autres, hommes, nous corrigeons les paroles de Dieu ! Et nous ne condescendons pas à conformer notre foi aux paroles de l’Apôtre : « Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu les justifie ! Qui les condamnera ? Le Christ qui est mort, que dis-je, qui est ressuscité, qui est assis à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ! » (Romains 8.33-34). Celui qui intercède pour nous est-il autre que celui qui est assis à la droite de Dieu ? Celui qui est assis à la droite de Dieu n’est-il pas le même que celui qui est ressuscité ? Celui qui est ressuscité n’est-il pas aussi celui qui est mort ? Celui qui est mort n’est-il pas également celui qui condamne ? Celui qui condamne n’est-il pas le Dieu qui justifie ?
Séparons donc, s’il est possible, le Christ qui condamne, du Dieu qui justifie, le Christ qui est mort, du Christ qui condamne, le Christ qui est assis à la droite de Dieu et qui prie pour nous, du Christ qui est mort ! Si donc en tout cela, il n’y a qu’un seul Christ, il n’y a pas un autre Christ qui est mort et un autre Christ qui est enseveli ; un autre Christ descendant aux enfers, et un autre Christ remontant au ciel – nous en avons pour preuve ce texte de l’Apôtre : « Il est monté, qu’est-ce à dire, sinon qu’il était aussi descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux afin de remplir toutes choses » (Éphésiens 4.9-10) – dès lors, jusqu’où étendrons-nous l’ignorance à grand tapage dont fait preuve notre impiété, pour prétendre qu’il nous est possible d’expliquer le mystère de Dieu ?
« Celui qui est descendu est le même qui est monté » ! Allons-nous douter que l’homme Jésus-Christ ressuscité des morts, soit monté au-dessus des cieux, et qu’il soit assis à la droite de Dieu ? Dira-t-on que son corps qui repose dans le sépulcre, est descendu aux enfers ? Mais si celui qui est descendu est bien le même que celui qui est monté, et si l’on croit que son corps n’est pas descendu aux enfers, et s’il n’y a pas à mettre en doute qu’en ressuscitant d’entre les morts, son corps est monté aux cieux, que nous reste-t-il donc à faire, sinon de croire en ce mystère caché, inconnu du monde et des princes de ce siècle[96] ? Puisque c’est une seule et même personne qui est descendue et qui est montée, cette unique personne n’est autre que Jésus-Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme, Dieu-Verbe et homme-chair, qui pour nous a souffert, est mort, a été enseveli, est ressuscité, a été reçu dans les cieux, s’est assis à la droite de Dieu. De par sa nature et selon le dessein de Dieu, il possède en lui dans une seule et même personne, et la forme de Dieu, et la forme d’esclave, il est sans aucun partage tout ce qu’est l’homme, il est sans aucune division tout ce qu’est Dieu.
[96] Cf. 1 Corinthiens 2.7-8.
Voilà donc comment l’Apôtre façonne la foi dans notre pensée dépourvue de sagacité et pour le moins, assez ignorante. Il proclame ce mystère en ces termes : « Car s’il a été crucifié en raison de sa faiblesse, il vit par la puissance de Dieu » (2 Corinthiens 1.4). Il nous annonce en effet, un Fils de l’homme qui est Fils de Dieu – homme par suite du plan divin, il demeure pourtant Dieu par suite de sa nature –, et c’est le même, nous assure-t-il, qui fut crucifié en raison de sa faiblesse, et qui vit par la puissance de Dieu. Dès lors, puisque sa faiblesse lui vient de sa forme d’esclave, et que sa nature lui demeure par suite de sa forme de Dieu, et puisque « Celui qui était de condition divine » a pris la « forme d’esclave » (Philippiens 2.6-7), il n’y a pas à en douter, sa souffrance et sa vie sont un mystère : on voit dans la même personne une faiblesse qui lui permet de souffrir, et la puissance de Dieu qui assure sa vie ; aussi celui qui souffre et vit, est bien le même être, et nous n’avons pas à le diviser en deux ou à supposer l’existence de quelqu’un d’autre.
Oui, Dieu le Fils Unique, a souffert tout ce que les hommes peuvent souffrir. Mais exprimons-nous dans les termes qu’utilise la foi de l’Apôtre : « Je vous ai donc transmis tout d’abord que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; puis qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures » (1 Corinthiens 15.3-4). Les mots qu’emploie ici l’Apôtre, ne sont pas de vagues formules qui pourraient donner prétexte à l’erreur, mais il nous précise de quelle manière nous avons à proclamer la mort et la résurrection du Christ : non seulement en fonction de ce que ces mots veulent dire, mais en raison de la force dont jouissent les Ecritures : notre intelligence doit voir dans la mort du Christ tout ce que les Ecritures nous en laissent entendre. Car, ne laissant aucune place à l’indécision de notre pensée, ni aux hésitations d’une foi timorée, il conclut sa phrase en précisant que l’annonce de la mort et de la résurrection du Christ doit se faire uniquement : « Selon les Ecritures » : ainsi, pour nous éviter de fléchir en nous voyant pris dans une tempête de vaines discussions, et paralysés par des arguties stupides soulevées par de faux problèmes, sans cesse l’Apôtre ramène sa foi qui n’a subi aucun dommage, vers ce port où s’abrite sa ferveur : croire et affirmer : « Selon les Ecritures », la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme. Pour résister à toute chicane, il nous propose une sécurité de bon aloi, puisque nous avons à comprendre ia mort et la résurrection de Jésus-Christ, tel que c’est écrit !
Car en ce cas, la foi ne court aucun danger, et toute affirmation orthodoxe du mystère caché de Dieu est sécurité parfaite. Le Christ est né de la Vierge, mais « Selon les Ecritures » il a été conçu du Saint-Esprit. Le Christ a pleuré, mais « Selon les Ecritures », le motif de ses pleurs fut aussi la cause de sa joie. Le Christ a eu faim, mais « Selon les Ecritures », tout privé de nourriture qu’il fût, Dieu a sévi contre l’arbre qui ne lui a pas donné son fruit[97]. Le Christ a souffert, mais « Selon les Ecritures », il s’assiéra à la droite du Dieu Tout-Puissant. Il se plaint de mourir délaissé, mais « Selon les Ecritures », il reçoit alors avec lui dans le Royaume du paradis, le larron qui le reconnaît. Le voici qui meurt, mais « Selon les Ecritures », il ressuscite et s’assied, lui le Seigneur, à la droite du Seigneur. La vie consiste donc à croire ce mystère ; le reconnaître met à l’abri de tout reproche.
[97] Cf. Matthieu 21.18-19.
Non vraiment, l’Apôtre ne nous laisse aucune raison d’émettre des doutes et de dire : Le Christ est-il né, a-t-il souffert, est-il mort, est-il ressuscité ? Par quelle puissance a-t-il fait tout cela ? S’est-il divisé en deux, et quelle partie de lui-même a-t-elle subi ces états ? Qui a pleuré ? Qui s’est réjoui ? Qui s’est plaint ? Qui est descendu et qui est monté ? Au contraire, pour nous montrer que tout le mérite de la foi vient d’une affirmation immédiate de nos convictions, il nous dit : « Mais voici comment parle la justice qui naît de la foi : Ne tiens pas en ton cœur ce propos : Qui montera au ciel ? Ce qui signifie : pour en faire descendre le Christ. Ou : Qui descendra dans l’abîme ? Ce qui veut dire : pour faire remonter le Christ d’entre les morts. Mais comment s’exprime l’Ecriture ? Ta parole est tout près de toi, sur tes lèvres et dans ton cœur ; cette parole, c’est la parole de foi que nous annonçons. Car si tu proclames de bouche que Jésus est Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Romains 10.6-9).
La foi assure la perfection du juste, selon ce qui est écrit : « Abraham crut à Dieu, et cela lui fut compté comme justice » (Genèse 15.6 ; Romains 4.3). Abraham a-t-il tergiversé avec Dieu lorsque celui-ci lui promit l’héritage des nations, et lui assura que sa postérité serait aussi nombreuse que les étoiles et les grains de sable de la mer[98] ? Car une foi qui se veut toute à Dieu, ne doute pas de la toute-puissance de Dieu, et n’est pas arrêtée par les limites de la faiblesse propre à la nature humaine. Non, faisant peu de cas de tout ce qui en lui est caduc et attaché à la terre, l’homme fonde sa foi sur la promesse divine, au-delà de toutes les modalités que revêtent les corps. Il le sait : une loi humaine ne saurait en aucune manière imposer une limite à la puissance divine, car une fois que Dieu a promis, il montre autant de libéralité pour exécuter ses promesses, qu’il avait fait preuve de liberté pour les faire.
[98] Cf. Jean 15.5 ; 22.17-18.
Il n’y a donc rien de plus juste que la foi ; car si la mesure et la réserve dans les actions que nous posons sur cette terre est louable, il n’y a pourtant rien de plus juste pour l’homme, que de croire à la toute-puissance de Dieu, en comprenant qu’elle possède un pouvoir infini.
C’est pourquoi l’Apôtre qui espère trouver en nous la justice qui vient de la foi, éloigne de nous tout risque d’errer par suite de l’emploi de termes ambigus, impropres à soutenir notre foi ; il nous empêche de laisser entrer en nos cœurs une préoccupation qui viendrait d’un esprit inquiet, tout en nous montrant aussi le bien-fondé de la parole du prophète. Il cite en effet : « Ne tiens pas en ton cœur ce propos : « Qui montera au ciel ? » Et vient ensuite l’explication de ce texte du prophète : « Ce qui signifie : pour en faire descendre le Christ » (Romains 10.6). Car la pensée d’un esprit humain ne peut se hausser jusqu’à connaître les mystères du ciel, tandis qu’une foi aimante ne doute pas de ce que Dieu est capable de faire. Le Christ n’a eu besoin de l’aide d’aucune force humaine, comme si quelqu’un était venu le tirer du siège où il était assis dans sa béatitude, pour le faire descendre du ciel dans un corps ; non, ce n’est pas une force extérieure à lui, qui l’a conduit sur terre. Nous le croyons venu tel qu’il est venu, et une foi véritable reconnaît qu’il est descendu, et non qu’on l’a fait descendre. Le temps et la manière de sa venue, c’est son propre mystère. Il n’y a pas à s’imaginer qu’il est venu sous la conduite de quelqu’un d’autre, et nous n’avons pas à supposer que son avènement dans le temps est dû au pouvoir de quelqu’un qui l’aurait fait descendre.
Au contraire, l’Apôtre ne permet pas à la mauvaise foi de présenter une autre hypothèse équivoque. Il complète aussitôt sa pensée par le texte du prophète : « Ou qui est descendu dans l’abîme ? » Citation qu’il explique sur le champ : « Ce qui veut dire : pour faire remonter le Christ d’entre les morts » (Romains 10.7). Par le libre vouloir dont il a fait preuve en descendant sur terre, le Seigneur a la liberté de retourner au ciel.
Voilà donc toute hésitation dissipée : c’est à la foi de connaître, c’est à la force de Dieu de rendre compte de cette foi, c’est aux actes d’en montrer la réalisation, c’est à la puissance divine d’en être la cause !
Mais pour ne pas errer, nous avons besoin d’une conviction intime qui ne vacille pas. L’Apôtre qui nous expose tout le mystère contenu dans l’Ecriture, poursuit : « Ta parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Romains 10.8 – Cf. Deutéronome 30.14). La parole qui traduit notre foi ne souffre aucun délai, aucun suspens ; entre la bouche et le cœur ne doit pas intervenir la moindre hésitation qui, lorsque nous affirmons notre attachement à Dieu, permettrait à un doute contraire à la foi de s’infiltrer. La parole demande à être toute proche de nous et en nous : aucune distance entre notre cœur et nos lèvres, sinon, nous risquerions de ne pas exprimer dans nos paroles une croyance identique à celle qu’entrevoit notre pensée. Au contraire, tout ensemble enracinée dans notre cœur et prête à sortir de notre bouche, notre foi fera connaître sur-le-champ par ses paroles, les sentiments d’amour et de respect que nourrit sa pensée.
Et, comme il l’avait fait auparavant, l’Apôtre explique le texte du prophète : « Cette parole, c’est la parole de foi que nous proclamons. Car si tu confesses de bouche que Jésus est Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Romains 10.8-9). C’est à l’amour de ne pas hésiter, c’est à la justice de croire, tandis qu’affirmer sa foi, c’est être sauvé.
Non, ne nous perdons pas dans des théories aventureuses, ne nous échauffons pas en de stupides bavardages, n’escamotons pas les merveilles de Dieu en les expliquant par de bonnes raisons, ne limitons en aucune manière la toute-puissance de Dieu, ne remettons pas en question les motifs de ses mystères insondables ! Reconnaître Jésus comme Seigneur et croire que Dieu l’a ressuscité des morts, voilà le salut. Quelle folie de chicaner sur ce qu’est Jésus, d’ergoter sur ses manières d’être, alors que pour être sauvé, il suffit d’une seule chose : croire qu’il est Seigneur !
N’est-ce pas aussi une erreur qui montre jusqu’où peut aller la sottise humaine de chercher querelle à propos de la résurrection du Christ, alors que pour avoir la vie, il suffit de croire que Dieu l’a ressuscité. C’est pourquoi la foi demande la simplicité, la justice découle de la foi, et l’amour se plaît à proclamer sa foi. Dieu ne nous appelle pas à la vie bienheureuse en nous posant des problèmes difficiles à résoudre, et pour ébranler nos cœurs, il n’a pas recours aux multiples procédés dont se sert une habile rhétorique ! Non, pour le dire en un mot, la route pour parvenir à l’éternité nous est facile : elle consiste à croire que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts, et à reconnaître qu’il est Seigneur.
Que personne donc ne prenne prétexte pour étaler sa mauvaise foi, du fait que dans ce que nous avons dit, nous sommes passés à côté de bien des choses. Car ce que nous avons à savoir, c’est que Jésus-Christ est mort pour nous permettre de vivre en lui.
Si donc, pour nous faire comprendre qu’il est mort, le Christ s’écrie : « Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27.46), et : « Père, je remets mon âme entre tes mains » (Luc 23.46), faut-il voir dans ces paroles du gardien de notre foi un aveu de faiblesse, plutôt que le souci de ne pas nous laisser douter de sa mort ?
En effet, au moment de ressusciter Lazare, le Christ prie son Père. Avait-il besoin de le prier, lui qui dit : « Père, je te rends grâce de m’avoir exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours ; mais j’ai parlé pour toute cette foule qui m’entoure, pour qu’ils croient que tu m’as envoyé » (Jean 11.41-42). C’est donc pour nous qu’il prie, pour que nous n’ignorerions plus qu’il est le Fils de Dieu. Et si de formuler cette prière ne lui apporte, à lui, aucun profit, il l’exprime pourtant pour faire progresser notre foi. Lui, il n’a nul besoin de ce secours, mais nous, nous avons un pressant besoin de son enseignement.
En un autre passage encore, il demande à être glorifié, et aussitôt, du haut du ciel se fait entendre la voix de Dieu le Père qui le glorifie. Mais il précise à ceux qui s’étonnent d’entendre cette voix : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est faite entendre, mais pour vous » (Jean 12.30). Il prie le Père pour nous ; le Père parle pour nous ; tout ceci a pour effet de nous pousser à reconnaître qu’il est Fils de Dieu. Et puisque la réponse du Père qui lui promet qu’il sera glorifié, n’est pas à mettre au compte de la demande qui en est faite, mais qu’elle vient en raison de l’ignorance de ceux qui perçoivent cette voix, ne sommes-nous pas en droit de comprendre que la plainte émise au cours de sa Passion, par un Seigneur que l’on avait vu dans une si grande joie à la pensée de souffrir, avait aussi pour but de nous apprendre à reconnaître qui il était ?
Le Christ prie en excusant ses bourreaux, car ils ne savent ce qu’ils font[99]. Le Christ, du haut de la croix, promet le Paradis[100], parce qu’il règne comme Dieu. Le Christ en croix se réjouit d’avoir tout accompli en buvant la boisson vinaigrée[101], parce que sa mort doit parfaire la prophétie. C’est pour nous qu’il est né, c’est pour nous qu’il a souffert, c’est pour nous qu’il est mort, c’est pour nous qu’il est ressuscité. Et puisque de notre côté, pour assurer notre salut, il suffit uniquement de reconnaître le Fils de Dieu ressuscité d’entre les morts, pourquoi donc, je te le demande, voulons-nous mourir par suite de notre manque de foi ? Car c’est bien cela que nous voulons ; alors que le Christ, rempli de l’assurance que lui permettait sa divinité, nous a montré, avec la confiance dont il fit preuve en mourant, la réalité de la mort de ce corps qu’il avait assumé, tirons-nous un grand avantage de nier qu’il est Dieu, sous prétexte que pour nous, il s’est déclaré à la fois Fils de Dieu et fils de l’homme, et que pour nous il est mort ?
[99] Cf. Luc 23.34.
[100] Cf. Luc 23.43.
[101] Cf. Jean 19.30.