La vocation des païens étant établie, nous avons posé le fondement sur lequel roule toute cette matière. Les vérités naissent d’elles-mêmes de cette première et capitale vérité.
La première qui en naît, c’est qu’il devait y avoir une autre alliance que Dieu devait contracter avec le genre humain, différente de celle qu’il avait contractée avec la famille d’Abraham ; c’est ce que la raison et l’Écriture nous persuadent également.
La raison nous dit qu’une alliance, dont les promesses ne pouvaient regarder qu’une seule nation en particulier, ne pouvait point être étendue à tous les hommes.
Comment, en effet, tous les hommes pouvaient-ils recevoir le droit d’habiter la terre de Canaan ? Comment la circoncision, étant un signe qui sert à distinguer un peuple des autres peuples, pouvait-elle être une marque, laquelle toutes les nations de la terre portassent dans leur chair ? Ni le temple, ni la sacrificature, ni la prophétie enfin limitée aux Juifs, ne pouvaient servir à toutes les nations, et par conséquent il fallait une alliance distincte essentiellement de la première.
C’est aussi ce que Dieu avait marqué par la bouche de ses prophètes. Jérémie en parle de cette manièrej : Les jours viennent, dit le Seigneur, que je traiterai une alliance avec la maison de Juda et avec la maison d’Israël, non pas selon l’alliance que j’ai traitée avec leurs pères au jour que je les pris par la main pour les retirer hors du pays d’Egypte, d’autant qu’ils ont rendu inutile mon alliance, etc. Mais c’est ici l’alliance que je traiterai avec la maison d’Israël après ces jours-là, dit le Seigneur, je mettrai ma loi au milieu d’eux, et je l’écrirai dans leur cœur.
j – Jérémie 31.31-33.
Ezéchiel la caractérise de cette sortek : Et je ferai qu’ils n’auront qu’un cœur, et je mettrai au dedans d’eux un esprit nouveau, et j’ôterai le cœur de pierre hors de leur chair, et leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils cheminent en mes lois, et qu’ils gardent mes ordonnances ; et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu.
k – Ézéchiel 11.19-20.
Il paraît par ces prophéties, que non seulement l’alliance que Dieu devait traiter en commun avec Israël et avec les nations, devait être une nouvelle alliance, mais encore qu’elle devait être plus parfaite que la première, et que c’est comme plus parfaite qu’elle succéderait à l’autre ; c’est ce qui est assez clairement exprimé dans l’oracle de Jérémie que nous venons de rapporter : Je traiterai une alliance, etc., non pas selon l’alliance que je traitai avec leurs pères, etc., parce qu’ils l’ont rendue inutile. Qui ne voit que cette prophétie nous promet une alliance bien plus excellente que celle que Dieu avait traitée avec les Israélites ?
Que si nous consultons les lumières de notre raison, après avoir consulté celles de l’Écriture, nous trouverons que cette alliance devait avoir deux sortes de perfections : l’une, par opposition à la religion païenne qu’elle devait abolir ; l’autre, par rapport à la religion judaïque, dont elle devait comme remplir le vide et réparer les défauts.
Dans le paganisme l’on ne connaissait point le vrai Dieu ni la véritable vertu ; la tempérance y était si peu en usage, que la terre tout entière était devenue une grande Sodome. On connaissait si peu l’humilité, qu’on ne lui donnait pas même de nom. On ne savait ce que c’était que la charité. Il a donc fallu que Dieu, traitant alliance avec les nations, dissipât leur aveuglement à tous ces égards par la lumière de sa révélation. Et qu’est-ce que l’Évangile nous apprend, si ce n’est à connaître un seul Dieu, créateur et conservateur de toutes choses ; à rapporter nos actions à sa gloire, ce qui fait l’essence de la véritable vertu ; à aimer son prochain, et à s’humilier soi-même pour n’admirer que Dieu, et pour rapporter tout à cette source commune du bien ? L’alliance évangélique est donc l’alliance qui paraît la plus proportionnée aux besoins des païens.
La religion judaïque ne manquait point de beaux préceptes et d’exhortations à s’acquitter de ses devoirs ; mais les motifs lui manquaient en quelque sorte, puisqu’elle n’en avait que d’humains et de temporels. Comment les Israélites pouvaient-ils s’élever au-dessus d’eux-mêmes et de leurs penchants, pour obéir à la loi, lorsque la terre de Canaan, la prospérité temporelle, etc., étaient les seuls biens qui étaient promis à leur obéissance, par cette alliance particulière que Dieu avait contractée avec eux ? Mais en voici une seconde dans laquelle les cœurs et les volontés des hommes sont captivés par des motifs si universels et si relevés, que non seulement ils balancent l’inclination que les commodités temporelles donnent aux hommes de désobéir à la loi de Dieu, mais que les passions humaines s’anéantissent, pour ainsi dire, devant ces grands objets. C’est l’Évangile qui nous fournit les véritables forces pour nous acquitter de nos devoirs, et pour combattre notre corruption, en nous ouvrant le ciel et l’enfer tout ensemble par la révélation de l’immortalité glorieuse qui attend les fidèles, et des peines infinies qui attendent les méchants. Grands objets, si l’on en conçut jamais, et dignes de cette nouvelle alliance qui assemble tous les hommes, qui doit leur fournir le principe d’obéissance le plus universel et le plus invariable, et élever par là le cœur des hommes au-dessus des passions et des vices qu’on ne saurait réprimer par des motifs comme ceux de la loi de Moïse, laquelle est faible en la chair. Ainsi l’alliance évangélique remplit encore le vide et les défauts de l’alliance que Dieu avait traitée avec les Israélites : c’est donc avec juste raison qu’elle est appelée une nouvelle alliance, et une alliance meilleure que la première. L’oracle répond à l’événement ; l’événement justifie l’oracle ; et cette proportion qui se trouve encore à cet égard entre l’un et l’autre, confirme excellemment notre foi.