Athanase, Didyme, Cyrille sont les trois grands théologiens de l’Église d’Alexandrie à l’époque que nous étudions. A côté d’eux, d’autres écrivains de moindre envergure illustraient aussi l’Egypte.
Parmi les évêques, nommons d’abord l’ami de saint Athanase et de saint Antoine, Sérapion, évêque de Thmuis dès avant 339 jusque vers 360. Saint Jérôme vante la distinction de son esprit (Vir. ill., 99), et lui attribue d’abord un ouvrage Contre les manichéens, que l’on possède à peu près complet, plus un écrit sur les titres des Psaumes, qui est perdu, et enfin un recueil de lettres qui devaient être assez nombreuses et dont on a retrouvé deux entières. Mais ce qui a attiré davantage en ces derniers temps l’attention sur Sérapion est la découverte d’un Euchologe comprenant trente prières dont quelques-unes lui sont nommément attribuées, et dont le recueil est probablement son œuvre. Dix-huit de ces prières appartiennent à la liturgie de la messe : sept se rapportent au baptême et à la confirmation ; trois, à l’ordination ; une, à l’huile des infirmes, une aux funérailles. Originaires sûrement du ive siècle et peut-être plus anciennes dans leur substance, elles sont du plus haut intérêt pour l’histoire du culte et des sacrements.
C’est une figure bien originale que celle de Synesius de Cyrènea. Elevé dans le paganisme, et nourri à Alexandrie de la philosophie néoplatonicienne qu’il étudia à l’école de la célèbre Hypatie, puis à demi converti au christianisme, Synesius ne songeait qu’à couler doucement, dans l’opulence et les lettres, une vie honnête quand il fut, en 406 ou 409, élu évêque de Ptolémaïs. Il accepta la charge épiscopale à contrecœur, et s’efforça toutefois d’en remplir consciencieusement les devoirs, surtout le devoir de subvenir aux misères matérielles causées par l’invasion des barbares. Mais les enseignements de l’Évangile restèrent toujours à la surface de son âme, et sa religion ne fut jamais en définitive qu’un spiritualisme élevé teinté de christianisme. Sa mort paraît avoir précédé l’an 415.
a – Voir H. Druon, Étude sur la vie et les œuvres de Synesius, Paris, 1859. C. Vellay, Etudes sur les hymnes de Synesius de Cyrène, Paris, 1904.
Nous avons de Synesius six traités antérieurs à son épiscopat, et qui n’ont rien de chrétien ; deux discours entiers et des fragments de deux homélies ; dix hymnes de facture classique, dont les hymnes vii et ix seules sont vraiment d’inspiration chrétienne ; enfin et surtout cent cinquante-six lettres qui sont la partie la plus intéressante de son héritage littéraire. Elles datent de la période 399-413, et fournissent des détails précieux sur l’état et l’histoire de la Pentapole à cette époque. Photius en admirait la grâce du style et la force des pensées (cod. 26).
Les auteurs de ce temps, qu’il nous reste maintenant à signaler en Egypte, ne sont plus des évêques, ce sont des moines. Au ive siècle en effet la vie proprement monastique ou cénobitique y a commencé avec saint Antoine et saint Pacôme et, avec elle, une littérature spéciale dont l’objet est d’instruire les âmes des règles de la spiritualité chrétienne et de les pousser dans les voies de la perfection. L’influence de cette littérature fut énorme.
Saint Antoine (251-356) a sûrement écrit ou plutôt dicté (car il ne savait pas écrire) en copte des lettres dont il est fait mention dans les anciens auteurs. Saint Jérôme notamment (Vir. ill., 88) connaissait un recueil de sept lettres à divers monastères ; mais il est douteux que celles que nous possédons actuellement (P. G., xl, 977-1000) représentent ce recueil. Les vingt lettres traduites de l’arabe (id., 999-1066) sont un faux. En somme, il n’y a de sûrement authentique que la lettre à l’abbé Théodore citée par l’évêque Ammonius (id., 1065).
Pacômeb est le fondateur de la vie cénobitique. Né vers l’an 290 dans le paganisme, il se convertit, se voua à l’ascétisme, et fonda en 318 à Tabennesi la première maison où l’on mena la vie commune. Huit autres furent établies de son vivant. Il mourut le 9 mai 346. Pacôme a laissé en copte une Règle dont on a une traduction latine faite par saint Jérôme en 404. Elle avait pu déjà recevoir quelques retouches. Une autre règle dite angélique (Palladius, Hist. lausiaque, 32) a peu de chance d’être authentique. Saint Jérôme a traduit également quelques exhortations de Pacôme et surtout onze lettres, entre lesquelles on remarque les lettres aux abbés Cornélius et Syrus, rédigées en partie en langage conventionnel.
b – Voir P. Ladeuze, Étude sur le cénobitisme pakhomien Louvain, 1898.
Pacôme eut pour successeur Horsiesi, qui prit pour coadjuteur Théodore. De Théodore († 368) on a deux lettres dont une en latin seulement. Horsiesi († vers 380) a laissé une Doctrina de institutione monachorum en cinquante-six chapitres, qui est comme son testament spirituel.
Horsiesi et Théodore eurent deux contemporains célèbres dans les deux Macaire, l’un surnommé l’Alexandrin, l’autre surnommé l’Egyptien, l’Ancien ou le Grand. Le premier n’a laissé aucun écrit authentique. Le second, né vers l’an 300, moine au désert de Scété depuis 330, mort en 390, est resté célèbre parmi les solitaires pour sa sagesse et son éloquence naturelle. Gennadius (Vir. ill., 10) a mentionné de lui une lettre aux jeunes moines que nous avons encore probablement (c’est la lettre Ad filios dei), et qui est peut-être la seule authentique de celles qu’on lui attribue. Les sentences ou apophtegmata mis parmi ses œuvres paraissent bien aussi représenter son enseignement. Mais surtout on a sous son nom, en grec, cinquante-sept Homélies spirituelles où l’on admire une doctrine profonde, traduite en un langage plein de couleur et de vie. On en a contesté l’authenticité : la dernière critique ne leur est pas favorable.
Parmi les disciples de Macaire il faut nommer Evagrius dit le Pontique, parce qu’il était né dans le Pont, à Ibora, vers 345. Ordonné lecteur par saint Basile, diacre par saint Grégoire de Nazianze, il suivit celui-ci au concile de Constantinople en 381, et resta quelque temps dans la ville impériale. Puis il partit pour Jérusalem, y rencontra Mélanie l’Ancienne et, en 382, passa en Egypte où il embrassa la vie monastique au désert de Nitrie et aux Cellules. Théophile d’Alexandrie lui offrit en vain un évêché. Evagrius voulut rester moine et pauvre. Il mourut en 399. Plus tard, sa mémoire souffrit de l’accusation d’origénisme portée contre lui par saint Jérôme. L’anathème qui frappa Origène au vie siècle l’atteignit aussi.
Evagrius avait écrit d’assez nombreux ouvrages qui offrent tous cette particularité d’avoir été composés pour les moines : 1° Un ouvrage intitulé Antirrheticus en huit livres, contenant les textes scripturaires que le moine peut opposer aux suggestions des huit vices capitaux : la gourmandise, la luxure, l’avarice, la tristesse, la colère, la paresse, l’envie, l’orgueil. Le texte grec original est perdu, aussi bien que la traduction latine de Gennadius. On peut cependant reconstituer à peu près l’ouvrage au moyen de fragments latins et syriaques. 2° Un premier recueil de sentences en cent chapitres intitulé Le moine. On en a le texte grec, quoique altéré. 3° Un second recueil en cinquante chapitres, intitulé Le gnostique, pour les moines plus instruits (perdu). 4° Un troisième recueil de Six cents problèmes scientifiques, sorte de théologie universelle, dogmatique, morale, ascétique. Il en reste une traduction syriaque inédite. 5° Des Maximes pour les cénobites, et 6° des Maximes pour les vierges, que l’on a en latin. 7° Un recueil de quelques sentences très obscures, dit Gennadius (Vir. ill., 11), et seulement intelligibles pour les moines, dont on croit posséder encore une partie en grec (P. G., xl, 1263-1268). 8° Enfin un livre Sur l’insensibilité (Περὶ ἀπαϑείας), signalé par saint Jérôme, et une lettre à Mélanie qui s’est peut-être conservée (S. Jérôme, Epist. 133.3). Mais ce n’est pas là toute l’œuvre d’Evagrius : il doit en rester une partie encore inédite dans les manuscrits grecs, latins et syriaques.
Saint Isidore de Péluse est certainement un des meilleurs épistoliers de l’Église grecque. Alexandrin d’origine, rhéteur et philosophe, puis disciple de saint Chrysostome, il s’établit à Péluse et, de son monastère, exerça sur les hommes les plus considérables de son temps la plus heureuse influence. Sa mort doit se mettre vers 440. On possède de lui un recueil d’environ deux mille lettres, distribuées en cinq livres et admirées de l’antiquité comme des modèles de sobre élégance. La plupart ont un caractère exégétique : l’auteur y suit les principes d’interprétation de l’école d’Antioche. Un certain nombre sont dogmatiques ou s’occupent de questions de morale et d’ascèse. D’autres enfin sont purement personnelles : toutes portent l’empreinte d’un esprit pondéré, ami de la paix.