Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 25
Conférence de Bologne. Le concile et Catherine de Médicis entrent en scène

(Hiver 1533)

2.25

Les partis en présence – L’Empereur demande un concile – Raisons du pape contre – Inertie morale de la papauté – Ruses du pape – Ligue italienne – Tournon et Gramont arrivent – Ils cherchent à gagner le pape – Une grande et triste affaire – Catherine de Médicis – Offre et demande de François Ier – Joie du pape – Pensée de Henri VIII sur ce mariage – Profit qu’on peut en tirer

L’Empereur, ayant descendu les versants italiens des Alpes, et traversé le nord de l’Italie, arriva à Bologne le 5 décembre 1532, un peu ennuyé de l’évasion du jeune duc Christophe, mais ne soupçonnant pas qu’elle dût avoir de grandes conséquences. Cette ville, que devaient illustrer plus tard le Guide, le Dominiquin, les Carrache, et l’un des papes les plus illustres du dix-huitième siècle, Benoît XIV, était de jour en jour plus animée. Le pape y était arrivé ; des princes, des seigneurs, des prélats, des courtisans remplissaient ses palais splendides, tout un monde nouveau s’agitait autour des églises, des Aniselli, de la fontaine de Neptune, et des autres monuments qui décorent l’antique cité. L’Empereur avait demandé cette conférence au pape, dans le dessein de s’unir intimement avec lui, et par lui avec les autres princes catholiques, pour agir ensemble contre deux ennemis, la Réformation et la France. Mais Charles se trompait s’il pensait se trouver à Bologne seul avec le pape. Il devait y voir des adversaires qui lui tiendraient tête ; une lutte allait s’engager autour de Clément VII entre la France et l’Empire. François Ier, qui venait d’avoir une conférence avec Henri VIII, ne se souciait pas, il est vrai, de se rencontrer avec Charles-Quint ; mais il devait être remplacé en Italie par des hommes qui feraient ses affaires mieux qu’il ne les eût faites lui-même. Le 4 janvier 1533, les cardinaux de Tournon et de Gramont, envoyés à Clément VII par François Ier pour le menacer d’un certain gros dommage, dont il pourrait avoir un regret perpétuel, arrivèrent dans cette ville. La présence des deux cardinaux ne ferait-elle pas échouer les desseins de Charles ?

Le premier point que l’Empereur voulait obtenir c’était la convocation d’un concile universel. Grave, sans cesse à ses affaires, il avait par-dessus tout une âme avide de domination. Ferdinand et Isabelle ayant fondé la puissance de l’Espagne en lui donnant l’unité, il voulait faire pour l’Europe ce que sa grand-mère avait fait pour la Péninsule, l’unir sous son patronage, si ce n’est sous son sceptre. Et voilà que l’Allemagne elle-même s’était brisée tout à coup entre ses mains, et divisée en deux parts ; quelle humiliation ! Quand il avait passé les Alpes après la retraite de Soliman, il n’avait plus cette confiance illimitée en son génie et en son autorité qu’il avait deux ans auparavant, lorsqu’il se rendait à Augsbourg. Il était venu d’Espagne pour écraser cette secte nouvelle, qui contrariait les rêves de son ambition ; et au lieu de l’écraser, il avait dû la reconnaître. Après la retraite des Turcs, Charles se trouvait à la tête d’une armée nombreuse et triomphante, et l’on se demandait si on ne le verrait pas fondre avec elle sur les protestants ; mais les meilleurs soldats de cette armée étaient protestants eux-mêmes. Il fallait avoir recours à d’autres moyens pour mettre fin au schisme. Il pesait tout avec maturité, et apportait à cette affaire cette attention exacte et réfléchie qui l’a toujours distingué. Comprenant que le succès des armes était fort incertain, qu’au lieu de rétablir la concorde, il exciterait ainsi des haines que rien ne pourrait éteindre, il se décida en faveur d’un concile pour rétablir l’unité, et le demanda au pape à Bologne. Mais Clément VII avait aussi peur du concile que Charles en avait envie. « On voudra, disait-il à ses confidents, redresser des griefs, réformer des abus, tout autant qu’extirper l’hérésie. » Doué d’une grande intelligence, d’une habileté rare, vain, rusé, menteur, sans aucune élévation d’âme, Médicis résolut de renvoyer indéfiniment cette assemblée, mais en la promettant toujours. Tandis que l’Empereur reconnaissait l’insuffisance des armes temporelles, le pape sentait encore plus vivement l’inefficacité des armes spirituelles. Chacun de ces deux grands personnages se défiait de la puissance qu’il connaissait le mieux. L’humble évangile des réformateurs intimidait l’Église et l’Empire. Clément conféra sur ce sujet avec l’archevêque de Cortone, gouverneur de Bologne, avec le légat Campeggio, avec le nonce Gambara ; tous abondèrent dans son sens et déclarèrent que vouloir ramener les protestants à la foi romaine, autrement que par la force, était une entreprise pleine de péril.

Cependant ni l’Empereur, ni le pape ne voulant céder, ils souhaitaient une conférence où chacun ferait entendre raison à sa partie adverse. Un jour donc fut assigné, et les deux potentats se rencontrèrent dans le palais de Bologne. Charles représenta à Clément qu’un « grand nombre de catholiques désirait, réclamait un concile comme nécessaire pour détruire l’hérésie de Luther qui croissait de jour en jour, et pour supprimer les nombreux désordres qui existaient dans l’Églisea. » Mais le pape répondit : « Si nous assemblons un concile et si nous permettons aux protestants d’y discuter les dogmes sanctionnés par l’Église, ils les attaqueront tous, et il en résultera d’infinies innovations. Si au contraire, nous ne leur accordons pas la parole, ils diront qu’on les condamne sans les entendre, ils quitteront l’assemblée, et le peuple s’imaginera que c’est nous qui avons tort. Puisque les protestants rejettent les décisions des conciles passés, comment espérer qu’ils recevront celles des conciles futurs ? Ne connaissons-nous pas leur obstination ? Tandis que nous mettons en avant l’autorité de l’Église, ne lui substituent-ils pas celle de la sainte Écriture ? Jamais ils ne se reconnaîtront vaincus, ce qui sera un grand scandale. Si le concile arrête que le pape est au-dessus du concile (comme c’est la vérité), les hérétiques tiendront un autre concile, et créeront un antipape (Luther peut-être). Sire, le remède que vous proposez enfantera des maux plus grands que ceux dont il devrait nous guérirb. »

a – « Concilii, desiderati da molti, come necessarii per la eresia di Lutero che ogni di ampliava e per molti discordini che sono nella chiesa. » (Guicciardini, Discorsi politici. Opere inedite, I, p. 388.)

b – « Al contrario remedio e piu poricoloso e poi partorire maggiori mali. » (Lettere di Principi, II, p. 197.) — Du Bellay, Mémoires, p. 183 à 185.

La papauté, au seizième siècle, était tombée dans un état d’inertie. Elle était active comme pouvoir politique ; comme pouvoir spirituel elle n’était rien. Elle avait encore de grandes prétentions quant aux apparences ; mais si on lui accordait certaines préférences et un certain éclat, cela lui suffisait. Elle avait peur de tout ce qui pouvait avoir quelque vie, et craignait non seulement ceux qu’elle appelait des hérétiques, mais encore un concile composé de prélats de l’Église romaine. Et tandis que la papauté était ainsi atteinte, quant aux forces spirituelles, d’une atonie universelle, la Réformation était pleine de vigueur et de vie. C’était un jeune héros qui attaquait un vieillard décrépit. Il y avait encore, outre ces causes générales, des motifs particuliers qui augmentaient l’inertie de Clément VII, mais il les gardait pour lui-même. Quand il était seul dans sa chambre, il se disait que sa naissance n’était pas légitime ; que les moyens mis en usage par lui pour obtenir la papauté n’étaient pas irréprochables ; qu’il avait souvent employé les ressources de l’Église dans son intérêt particulier, à faire une guerre coûteuse par exemple… Tout cela pouvait lui être reproché dans un concile, et mettre en danger sa position. Or sa position lui étant plus chère que l’unité de l’Église, il ne voulait rien accorder et désespérait Charles par ses faux-fuyants.

La haine que l’Empereur portait au pape était encore augmentée par les résistances du pontifec ; Charles indigné s’adressa aux cardinaux. Il réussit d’abord, ayant mis en œuvre de puissants mobiles ; un premier consistoire se prononça pour une convocation immédiate du concile. Clément effrayé travailla à ramener les cardinaux égarés. Il réussit de même, et un second consistoire, tenu le 20 décembre se déclara dans le sens du pape. « On ne peut penser à réunir un concile, dit le sacré collège, avant d’avoir réconcilié tous les princes chrétiensd … » Ce fut l’Empereur qui fit alors éclater tout son mécontentement. Attendre que Henri VIII, François Ier et Charles-Quint soient d’accord, pour convoquer cette assemblée… mais c’est la renvoyer aux calendes grecques !… Le pape s’efforça de l’apaiser. Il la réunira en temps convenable, dit-il ; puis comme il craignait que les Allemands, apprenant son refus, ne tinssent un concile national, il envoya aussitôt des députés pour l’empêcher ; mais en insinuant à l’Empereur qu’ils avaient charge de préparer les Germains au concile universele. Charles-Quint fut-il la dupe du pape ? Cela est douteux. Clément, disciple enthousiaste de son compatriote Machiavel, était, conformément aux enseignements de son maître, souple, menteur, sans conscience et sans foi. Mais l’Empereur savait très bien que tels étaient les préceptes de l’illustre Florentin.

c – « Il papa con chi forse avea odio. » (Guicciardini, loc. cit.)

d – Dépêche de l’évêque d’Auxerre, ambassadeur de France, du 24 décembre 1532.

e – Instruction pour le nonce Rangoni. (Pallavicini, livre III, ch. 13)

Depuis quelque temps, Charles-Quint roulait en silence dans son esprit un autre projet, qui devait, pensait-il, le rendre maître de l’Italie. C’était la formation d’une ligue défensive italienne contre François Ier. Il communiqua son dessein au pape avec cette réserve et cette habileté qui le caractérisaient, et se posa en défenseur de Rome. Mais Clément ne croyait pas à sa générosité et craignait au contraire que cette confédération ne lui donnât un maître ; néanmoins il en parut ravi. « Oui, s’écria-t-il, il faut que l’Italie s’oppose à l’ambition de la France ! » Il fit savoir en même temps à l’ambassadeur de Venise qu’il avait dit ces choses non comme son opinion, mais comme celle de l’Empereur. « Faites-le entendre sagement à Vos Seigneurs, ajouta-t-ilf. » Le pontife avait toujours deux faces et deux paroles.

f – Dépêche de l’évoque d’Auxerre du 1er janvier 1533.

Au fond, il ne savait que devenir. Quelquefois il voulait se jeter entre les bras de Charles pour courir avec lui une même fortune ; et puis, apprenant par correspondance ce qui s’était passé à Bologne et à Calais, il tremblait que le roi de France ne lui levât l'obéissance. Ces deux terribles monarques, si l’on peut employer une expression familière, jouaient à la paume avec le pape et mettaient le pauvre Médicis dans le trouble et dans le désespoir. Mais il se rappelait que, selon Machiavel, deux choses gouvernent le monde, la force et l’habileté, et laissant la force à l’Empereur, il se réfugiait dans la ruse. « Clément VII résolut donc d’aller doucement, dit Du Bellay, temporisant, délayant, attendant, voulant voir ce que lui apporterait la venue des cardinaux français. » Ce fut justement dans ce moment critique qu’ils arrivèrent. Ambassade néfaste pour la France, puisque aucun des événements du seizième siècle ne contribua davantage à y donner force au régime de l’intrigue, de la lâcheté, de la débauche, du crime et des exterminations.

Le cardinal de Tournon, le plus influent des deux ambassadeurs, était un prêtre habile, dévoué au pape et à la papauté, cruel, plus tard complice des Guises, et pendant toute sa vie l’un des plus grands ennemis de la liberté religieuse. Son collègue, le cardinal de Gramont, évêque de Tarbes, puis archevêque de Toulouse, était un diplomate plus souple ; c’était lui qui s’était laissé employer en Angleterre à la dissolution du mariage de Henri VIII et de Catherine d’Aragon. L’un des deux Français était plus hiérarchique, l’autre plus politique ; mais tous deux avaient à cœur, avant tout, les intérêts de François Ier. Leur mission était difficile, et ils avaient de fréquents entretiens sur ce qu’ils avaient à faire. Tournon était prêt à tout sacrifier, et surtout la vérité, pour unir le roi au pape. « Il est à craindre, disait-il à son collègue, que si nous faisons connaître au saint-père tout le mécontentement des deux rois, nous n’augmentions son désespoir ; que l’Empereur, faisant usage de nos menaces, le précipite dans sa dévotion et en fasse à son appétit, d’où résulterait la perturbation de la chrétienté. » Au lieu d’exécuter les résolutions de Calais, Tournon et Gramont résolurent de les annuler. Ils croyaient que François Ier faisait fausse voie, et ils voulaient être plus royalistes que le roi. Enlever le pape à Charles-Quint, et le donner à François Ier, telle fut la grande œuvre qu’ils résolurent de tenter à Bologne. L’Empereur était là, et il était un rude lutteur ; mais l’habileté ne manquait pas aux deux prêtres. Sauver le catholicisme menacé en France, mettre le royaume sous les pieds du pape, tel était leur désir. « Entrons dans l’exécution de nos instructions, dirent-ils, par le dernier article d’icelles. Au lieu de commencer par la rigueur, et de finir par la douceur, faisons juste le contraireg. »

g – Du Bellay, Mémoires, p. 177.

Les deux cardinaux ayant été reçus par le pontife, se présentèrent avec toute sorte de marques de respect, et s’efforcèrent de lui faire entendre que pour le bien du saint-siège, il devait entretenir le bon vouloir du roi Très-Chrétien. Ils lui proposèrent donc une entrevue avec François Ier, et même, dirent-ils, avec le roi d’Angleterre, ce prince voulant mettre fin aux difficultés du divorce. « Enfin, » ajoutèrent-ils, en mettant sur cette parole une certaine emphase, « on pourrait conclure certains propos, mis autrefois en avant, au nom du roih… Or il faut entendre, dit Du Bellay, que lesdits propos devaient tourner à la grande exaltation du pape et de sa maison. » Ce dernier argument était le coup de force qui devait entraîner Clément VII.

hIbid., p. 178.

François Ier, tout en désirant s’émanciper de la tutelle romaine, voulait mettre le pape dans ses intérêts pour humilier Charles-Quint. Il était donc revenu à une idée étrange, qu’il avait déjà une fois insinuée, sans toutefois surmonter la répugnance excessive qu’elle lui inspirait. Mais il comprenait que le moment était critique, et que pour s’unir à la fois avec Henri VIII et Clément VII, il lui fallait faire quelque grand sacrifice. Il avait donc envoyé à Bologne un ambassadeur spécial pour l’exécution d’un plan qui devait remplir d’étonnement toute l’Europe. Triste combinaison, qui en unissant le pape, à ce qu’il semblait, d’une manière indissoluble aux intérêts des Valois, devait séparer dans un avenir plus ou moins prochain, la France de l’Angleterre, changer le canal qui les sépare en un profond abîme, infiltrer dans le sang de la France un sang florentin, glisser dans les veines de ses rois, qui se vantaient de leur esprit chevaleresque, le machiavélisme le plus vil, arrêter l’effusion des lumières, faire retourner sur leurs gonds les portes qui commençaient à s’ouvrir du côté du soleil, enfermer le peuple dans les ténèbres et installer l’ère de la débauche, des persécutions, des assassinats privés et publics.

L’ambassadeur spécial chargé de l’exécution de ce plan était Jean, duc d’Albany, que son illustre naissance rendait propre à traiter cette grande affaire. Alexandre Stuart, fils de Jacques II, roi d’Ecosse, ayant été exilé par son frère aîné Jacques III, était venu en France en 1485. Son fils Jean, dernier duc d’Albany, dont nous parlons, s’était attaché à Louis XII, et l’avait suivi en Italie. Rappelé en Ecosse, il y était devenu en 1516 régent du royaume ; puis il avait de nouveau quitté ce pays pour suivre François Ier en Italie. Ce personnage royal, appuyé de Gramont et de Tournon, était chargé par le roi de France de proposer au pape l’union de son fils Henri, duc d’Orléans, avec une jeune fille de quatorze ans, parente du pape, et qui s’appelait Catherine de Médicis.

Catherine était fille de Laurent II de Médicis, neveu de Léon X, et investi par son oncle, en 1516, du duché d’Urbin. Laurent, qui s’était rendu odieux par son despotisme, était mort l’année même de la naissance de sa fille (1519). Le duché retourna à Léon X, et plus tard à ses anciens maîtres les della Rovère ; et Catherine resta orpheline et sans avenir. Un mariage avec cette jeune fille, issue de riches marchands de Florence, était une étrange alliance pour un fils de roi ; c’est ce qui avait fait hésiter François Ier ; mais le désir d’enlever la faveur du pape à son rival lui fit enfin surmonter son superbe dégoût. Clément VII, qui avait, dit Du Bellay, sa maison « en recommandation singulière, » eut, à cette offre, d’indicibles transports. Une Médicis sur le trône de France !… Il ne se tenait plus de joie. Toutefois François Ier prétendait conclure un bon marché. Il demandait par le duc d’Albany, dont la femme était tante maternelle de Catherine, que le pape assurât à son fils Henri un bel État italien, composé de Parme, Florence, Pise, Livourne, Modène, Urbin, Reggio ; plus, disaient les articles secrets, le duché de Milan et la seigneurie de Gênes qui, ajoutaient les diplomates français, « appartiennent d’ailleurs au futur époux. » Le pape devait employer à la réalisation de ces engagements son influence, ses négociations, son argent et ses armes. Clément VII déclara qu’il trouvait ces conditions très raisonnablesi. Il savait parfaitement qu’il ne pouvait donner ces pays à sa nièce ; mais c’était le moindre de ses soucis. L’année précédente, comme il parlait à l’ambassadeur de Charles-Quint des prétentions de François sur l’Italie, le diplomate autrichien avait dit vivement : « Jamais l’Empereur ne cédera au roi de France ni Milan, ni Gênes. — Sans doute, avait répondu le pape, impossible !… mais… ne pourrait-on pas les lui promettrej ?… » La jeune Médicis ne devait apporter à la France ni Gênes, ni Milan, ni Parme, ni Plaisance, ni Pise, mais elle devait lui donner à la place l’imbécile François II, l’atroce Charles IX, l’abominable Henri III, l’infâme duc d’Anjou, et aussi cette femme pleine à la fois d’esprit et de débauche, qui fut l’épouse de Henri IV, et en comparaison de laquelle l’ancienne Messaline eut presque de la pudeur. Quatre des enfants de la Médicis sont au nombre des monstres dont parle l’histoire, et ont été la honte et la misère de la France.

i – Les articles secrets se trouvent dans la Bibliothèque impériale, à Paris, msc. Béthune, n° 8541, fol. 36. — Ranke, Deutsche Geschischte, III, p. 439.

j – Bucholz, IX, p. 101.– Ranke, Deutsche Geschichte, III, p. 439.

Le pape se promenait fier, glorieux, dans les salles de son palais, et faisait à tout le monde le plus gracieux accueil. Cette affaire, selon lui, était tombée du ciel. non seulement elle couvrait de gloire toute sa famille, mais encore elle lui assurait la France et son roi, dont les caprices de réformation l’inquiétaient ; « et puis, ajoute Du Bellay, il était très aise d’avoir trouvé cet échappatoire, pour s’excuser vis-à-vis de l’Empereur qui tant le pressait d’entrer dans la ligue italiennek. » Toutefois, le pape redoutait Charles-Quint, qui semblait vouloir se poser comme un Constantin dans le monde, et il se montrait inquiet et embarrassé.

k – Du Bellay, Mémoires, p. 178.

Charles, à qui rien n’échappait, le remarqua aussitôt, et se dit que quelque vent nouveau avait soufflé sur le pontife… Il employa pour le découvrir, toute la sagacité, dont il était si admirablement doué. « L’Empereur connut, dit Du Bellay, aux propos et contenances de notre saint père, qu’il était moins enclin à lui qu’auparavant, et se douta d’où cela était… procédél. Charles avait déjà su auparavant quelque chose de ce mariage ; mais ce bruit ridicule, selon lui, l’avait amusé. Le roi de France s’unir aux marchands de Florence !… Et Clément VII peut le croire !… Charles-Quint donc, estimant, dit l’historien Du Bellay, que la chose ne viendrait jamais à fin, avait exhorté le pape à y consentirm. »

lIbid., p. 179.

mIbid., p. 180.

Cependant François Ier ne perdait pas son temps. Il avait chargé le diplomate Du Bellay de communiquer son idée à son bon frère le roi d’Angleterre. Ce prince avait droit à cette communication Henri VIII était parrain du futur Henri II ; — digne parrain et digne filleul ! L’amour-propre du Tudor fut encore plus irrité que celui du Valois. Il dit à lord Rocheford qu’il envoyait alors au roi de France : « Vous raconterez au roi Très-Chrétien, notre mieux aimé frère, la très grande joie que nous prenons a journellement à nous rappeler la pure, effectuelle et bienveillante amitié qu’il nous porten. » Il ajouta : « Puisque notre dit bon frère nous en a requis…, nous lui voulons pleinement déclarer que véritablement (ainsi que nous savons que lui-même le considère), eu égard au bas lieu et maison dont est extraite la dite nièce du pape, et au très noble, très illustre sang, progéniture et maison royale de France, dont est issu notre très cher et très aimé cousin et filleul, le duc d’Orléans, ledit mariage serait fort dispar et inégal ; c’est pourquoi nous ne sommes aucunement d’avis qu’il soit concluo. » Toutefois Henri VIII, après avoir donné son opinion de roi, ne pouvait manquer de consulter un peu ses circonstances personnelles : Rocheford (père d’Anne Boleyn) devait donc dire au roi de France : « Si toutefois par ce moyen, notre dit frère avait quelque grand profit, qui redondât au bien, et honneur, tant de lui que de nous ; si le pape faisait et accordait chose qui contre-balancerait et récompenserait le défaut de si noble lignée…, qu’il lui plaise nous en avertir ; il nous trouvera très prompt à pousser outre, tout ce que par lui et nous sera avisé commodieux et opportunp. » Henri VIII consentait donc à ce qu’on négociât au pape son filleul ; seulement il voulait qu’on le vendit bien. Sa pleine réintégration, après son mariage avec Anne Boleyn, dans la faveur de la cour de Rome, était le prix qu’il demandait. Alors le royal parrain, qui était au fond du cœur le plus papiste de tous les rois, se serait déclaré pleinement satisfait et très humble serviteur du pape.

n – Ces instructions de Henri VIII sont en français. (State papers, VII, p. 423.) Ibid., p. 428.

oIbid., p. 428.

pStatepapers, VII, p. 428.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant