Mon Dieu, je voudrais revenir à toi, car j’ai vécu hors de ta présence pendant bien des journées. Ainsi se passe ma vie : des jours, des semaines noyés dans le monde et ses convoitises ; quelques minutes à peine écoulées devant toi. Ma pauvre vie, comme la vague de l’océan, monte et descend sans cesse ; elle ne remplit qu’un instant le rivage ; à peine touche-t-elle au port que déjà elle s’en éloigne. Je ne sais pas vivre en toi, rester avec toi, agir pour toi ; et alors même que j’ai la conscience que le bonheur serait dans cette union, alors que je me suis senti jadis heureux à tes côtés, et plus heureux là que partout ailleurs, je t’abandonne encore à chaque instant. Dieu de bonté, qu’il n’en soit plus ainsi ! Retiens-moi près de toi, que ta main saisisse ma main, la serre et me fixe enfin sous ton saint et doux regard. Qu’à chacun de mes efforts pour m’éloigner réponde une de tes étreintes pour me retenir. Couvre-moi devant la tentation ; à ses attraits oppose tes promesses ; fais-moi goûter la paix, la joie de ton Esprit, pour me dégoûter du bruit et des séductions du péché. Seigneur, à cette heure, je ne voudrais plus te quitter ; je crains, en me relevant de dessus mes genoux, d’aller à travers champs dissiper mes douces émotions ; il en a si souvent été ainsi ; je connais si bien ma faiblesse par mes expériences passées, que je n’ose rien me promettre pour l’instant qui va suivre. Mon Dieu, mon Dieu, transforme cette défiance de moi-même en confiance en toi, et que ma foi amène enfin ta force. Hélas ! pour ne plus m’éloigner de toi, il me faudrait passer ma vie à genoux, et là encore les distractions viendraient me saisir. Mais toi, Seigneur, tu peux m’accompagner dans le monde. Suis-moi donc partout, et qu’en veillant dans la solitude, en travaillant au milieu de la foule, en parlant à mes frères, je sois encore en prière devant toi !