Les épîtres de Paul

1.
L’église de Colosses

La ville de Colosses était située à trois ou quatre journées à l’est d’Éphèse, dans la pittoresque vallée du Lycus, l’un des affluents du Méandre qui se jette dans la mer Egée au sud d’Éphèse. Dans cette vallée d’une beauté alpestre, que domine le mont Cadmus couronné de neiges éternelles, se trouvaient, à peu de distance l’une de l’autre, les trois villes de Colosses, de Laodicée et de Hiérapolis, rangées parmi les plus célèbres de la Phrygie. De Laodicée, il ne reste aujourd’hui qu’un château en ruines ; sur le sol de Hiérapolis, ville célèbre autrefois par ses sources thermales, on ne voit plus à cette heure que quelques ruines. A une lieue de celles de Colosses, moins considérables encore, se trouve un bourg qui porte le nom de Chonas. Ce nom, dérivé du mot χώναι, entonnoirs, était celui par lequel on désignait les trous souterrains où se perd par moments le Lycus. Cette contrée volcanique est exposée à de violents tremblements de terre. L’histoire en mentionne un plus grave que les autres, qui eut lieu à peu près à l’époque à laquelle nous sommes arrivés. Tacite le place en l’an 60-61, Eusèbe en 64, Orose en 68. Tacite ajoute que l’année même où Laodicée, la ville la plus violemment atteinte, avait été ainsi frappée, elle était déjà relevée de ses ruines, et cela uniquement par ses propres ressources, c’est-à-dire sans le secours de l’administration romaine.

Nous n’avons aucun rapport spécial sur la manière dont l’Évangile était parvenu dans cette contrée. Paul avait traversé deux fois l’intérieur de l’Asie Mineure, en passant par la Phrygie ; la première fois au commencement de son second voyage, avec Silas (Actes 16.6), après avoir visité les églises fondées dans le premier voyage et avant d’entrer en Galatie ; la seconde fois au commencement du troisième voyage (Actes 18.23). Mais la première fois il était resté bien à l’est de la Phrygie occidentale où était située Colosses, et la seconde il trouva dans le pays qu’il traversait des églises déjà fondées, ce qui ne peut s’appliquer à la contrée de Colosses. Notre épître dit elle-même (2.1) que Paul ne connaissait point personnellement les chrétiens de cette contrée, et elle indique clairement le nom du fondateur de ces églises, Epaphras, qui était sans doute un païen phrygien (Colossiens 4.12), converti par Paul à Ephèse.

Le. caractère des habitants de ces contrées semble avoir été en rapport avec la nature volcanique du sol. C’était là que fleurissait le culte enthousiaste de Cybèle, la grande mère des dieux, qui avait son siège principal à Hiérapolis. Ce fut de ces contrées que surgit au second siècle la secte exaltée du montanisme. Encore au IVe siècle le concile de Laodicée dut interdire dans les églises phrygiennes le culte des anges, et dans le moyen-âge l’archange Michel était adoré à Chonas.

Au milieu de ce paganisme exalté et en même temps impur et cruel avait été implantée, deux siècles avant Jésus-Christ, comme le rapporte Josèphe, une colonie juive de deux mille familles, que le roi de Syrie, Antiochus-le-Grand, avait fait transporter depuis la Mésopotamie en Lydie et en Phrygie. Cette population nouvelle, avec son caractère religieux si profondément marqué, n’avait pu manquer d’exercer une certaine influence sur l’esprit de ces contrées. Aucune de ces circonstances, comme nous le verrons, n’est indifférente pour l’intelligence de l’écrit que nous allons étudier.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant