De tout cela naît cette doctrine théologique, que Dieu est le Dieu des humbles, des affligés et des pauvres, qui sentent et qui reconnaissent qu’ils sont pécheurs, qui redoutent la colère de Dieu, mais qui pourtant espèrent en sa miséricorde. Sans doute que c’était par de pareils oracles et de semblables exemples que les fidèles de l’Ancien Testament se fortifiaient et se consolaient. Quelques-uns ont fait une assez belle application de ce que Moïse dit qu’il ne faut pas prendre en gage d’un débiteur la meule de dessous et et la meule de dessus, de peur qu’il ne tombe dans la nécessité. Ils ont dit là dessus que Dieu ne veut pas qu’un pécheur ne sente rien que colère, mais qu’il veut que le sentiment de la colère soit adouci par la vue de la miséricorde, selon ce qui est dit : Le bon plaisir de l’Éternel est sur ceux qui le craignent et qui espèrent en sa miséricorde. C’est sur ce fondement que David demande le pardon, parce que, dit-il, je connais ma transgression ; Dieu, il est vrai, pourrait dire : « En quoi m’importe-t-il que tu sentes ton péché et que tu en sois dans la douleur ? jouis du fruit de tes propres œuvres. » C’est ainsi que la loi parlerait, et elle laisserait périr l’homme dans ce sentiment de son péché, car c’est là le procédé que tient un juge ; il fait succéder la peine à la confession qu’un criminel fait de son péché. Mais Dieu ne veut point être un tel juge ; c’est pourquoi il a mis fin à la loi par la prédication de l’Évangile, par lequel il a déclaré que toute la peine qu’il exigerait du pécheur, c’est qu’il eut un cœur brisé et affligé, au lieu de son cœur endurci et impénitent. Non que de reconnaître son péché soit un mérite, mais parce qu’il a promis qu’il voulait pardonner à ceux qui reconnaîtraient leurs péchés, et qu’il n’avait de courroux et de peine que pour ceux qui ne sentiraient point leurs péchés, et qui, présumant de leurs forces, croiraient pouvoir subsister devant lui par leur propre mérite, ou qui s’abandonneraient aux convoitises de la chair sans crainte de Dieu. Mais ces derniers, c’est-à-dire ceux qui pèchent grossièrement, sont encore meilleurs que ceux qui couvrent leurs péchés d’un double voile, en se fiant sur leurs forces et en rejetant la miséricorde de Dieu. Ici, David fait bien autrement ; lui qui demande le pardon et la rémission de ses péchés, seulement parce qu’il connaît qu’il est pécheur, et qu’il voit ses infirmités comme un mendiant qui viendrait vers un homme riche dont il connaîtrait la libéralité : si ce riche donne quelque chose, ce n’est point pour le mérite que ce mendiant peut avoir, car que mérite-t-il en déplorant et en étalant sa misère ; mais il lui donne de sa pure libéralité.