Saint Grégoire est né à Arianze ou près d’Arianze, en Cappadoce, vers l’an 328-329 : il était d’un ou deux ans plus âgé que saint Basile, et fils d’un converti du paganisme qui devint évêque de Nazianze. Le jeune homme fréquenta d’abord les écoles de Césarée de Cappadoce, puis celle de Césarée de Palestine, puis celles d’Alexandrie et d’Athènes. De retour dans sa patrie, il reçut le baptême vers 360, et se retira d’abord avec Basile sur les bords de l’Iris pour y mener la vie monastique. C’est à cette époque vraisemblablement que les deux amis composèrent le recueil des morceaux choisis d’Origène qui porte le nom de Philocalie.
En 361, Grégoire dut revenir à Nazianze. Son père fort âgé avait besoin de son aide pour administrer son diocèse : il l’ordonna prêtre et, de 362 à 370, le garda auprès de lui. Mais, en 370, Basile était fait évêque de Césarée. Estimant que Grégoire lui serait utile pour soutenir ses prétentions contre l’évêque de Tyane avec qui il avait des difficultés, il le créa, en 371 ou 372, évêque de Sasima. Sasima était une bourgade perdue de la Cappadoce, sans intérêt et sans vie : Grégoire n’y mit jamais les pieds. Après avoir fermé les yeux à son père en 374, il se retira, en 375, à Isauris, dans la solitude, et y apprit, en 379, la mort de saint Basile.
C’est là que, aux premiers mois de cette année, une délégation vint le trouver pour le prier de secourir les catholiques sans pasteur de Constantinople. Grégoire se rend à leur prière, groupe ses fidèles dans la petite chapelle de l’Anastasis, et y prononce ses fameux discours sur la Trinité. Le 27 novembre 380, il est installé par Théodose archevêque de Constantinople. Mais, en 381, le deuxième concile général se réunit. A la suite de difficultés élevées contre son élection à Constantinople, Grégoire donne sa démission. Il se retire à Nazianze, en fait choisir le nouvel évêque Eulalius, et rentre probablement dans sa petite patrie d’Arianze où il meurt en 389 ou 390.
Saint Grégoire s’est dépeint lui-même au naturel dans les poèmes qu’il a écrits sur sa vie. C’était une âme délicate, impressionnable, un esprit légèrement chimérique, que les réalités de la vie froissaient douloureusement. Il n’était pas fait pour l’action, au moins pour l’action persévérante et prolongée. Se sentant mal à l’aise dans le monde, il recherchait d’instinct la solitude ; et cependant son désir de servir les âmes et son admirable talent de parole le ramenaient malgré lui dans le monde. Il n’aurait pu donner toute sa mesure que dans un milieu calme et sympathique, et ce milieu, sauf peut-être à Nazianze, lui a toujours manqué. En revanche, il était né orateur, orateur à l’intelligence claire, à l’imagination chaude et colorée. Toutes les ressources de l’art oratoire, il les connaissait : il laisse même trop voir — et c’est sa faiblesse — qu’il les connaît. Sa composition est ornée, fleurie, un peu maniérée, son style fin et délicat, visant trop à l’effet. Ce n’est pas encore la décadence, mais on l’entrevoit : la noble simplicité de Basile est passée. Malgré cela cependant, et même à cause de cela, il n’y a pas d’auteur chrétien que l’époque byzantine ait plus admiré. Au fond, ce qu’il y a en lui de plus remarquable est sa langue théologique. Dans les questions trinitaires et christologiques, il a su trouver des formules heureuses, précises, qui fixent en quelque sorte l’expression du dogme. On n’a pas eu, après lui, à y revenir.
L’œuvre littéraire de Grégoire comprend des discours, des poèmes et des lettres.
Les Discours, la partie la plus remarquable de cette œuvre, sont au nombre de quarante-cinq, dont plus de la moitié datent de la période de Constantinople, 379-381 : les autres ont été prononcés à Nazianze. On y trouve des discours dogmatiques, entre lesquels il faut distinguer les cinq discours théologiques (xxvii-xxxi) sur la Trinité ; des discours sur les fêtes chrétiennes (Epiphanie, Pâques, Pentecôte, etc.), et des panégyriques de saints (saint Cyprien d’Antioche, saint Athanase, etc.) où l’orateur a déployé toutes les ressources de son art ; des Oraisons funèbres (Césarius, saint Basile, etc.), genre que Grégoire a inauguré dans l’Église, et où il a suivi les règles des encomia païensb ; deux invectives contre Julien l’Apostat, et enfin quelques discours de circonstance où l’auteur explique et justifie sa conduite.
b – Voir ici F. Boulenger, Grégoire de Naz., Discours funèbres en l’honneur de son frère Césaire et de Basile de Césarée, texte grec, trad. franc., introduct. et index (Textes et documents), Paris, 1908.
Les poèmes datent des dernières années de la vie du saint (383-389). On les a divisés en deux livres, Poèmes théologiques et Poèmes historiques, subdivisés eux-mêmes en deux sections, les poèmes théologiques en Poèmes dogmatiques et Poèmes moraux ; les poèmes historiques en Poèmes personnels (Poemata de seipso) et Poèmes sur d’autres que l’auteur Poemata quae spectant ad alios). On ne trouve guère de vraie poésie que dans les Poèmes personnels dans lesquels l’émotion est profonde et sincère. Le poème xi De cita sua (1949 vers) forme une autobiographie précieuse pour l’histoire. La longue tragédie Christus patiens (P. G., xxxviii, 133-338) est une œuvre byzantine du xie ou du xiie siècle.
Le recueil des lettres en compte deux cent quarante-quatre auxquelles on peut ajouter un simple billet à saint Basile récemment découvert, mais dont il faut retrancher les lettres xli-xliii et peut-être la lettre ccxliii à Evagrius dont l’attribution n’est pas sûre. Cette correspondance, agréable d’ailleurs et où l’esprit ne va pas sans quelque recherche, n’a pas l’importance historique de celle de saint Basile. Quelques pièces cependant sont des documents théologiques de premier ordre. Telles les deux lettres ci et cii au prêtre Cledonius, écrites vraisemblablement en 382, et la lettre ccii, écrite on 387, toutes trois dirigées contre l’apollinarisme.
Sur l’authenticité du Testament de saint Grégoire (P. G., xxxvii, 389-396) les critiques sont partagés. Tillemont ne voit aucune raison solide de la rejeter.