« Et mon péché est continuellement devant moi » ; c’est-à-dire mon péché m’est comme un pesant joug sur le cou ; il m’opprime, je n’en puis être entièrement délivré. Mais prenez garde à ne pas entendre par ces paroles seulement le péché grossier et actuel que David avait commis, car le prophète a devant les yeux, en les prononçant, toute sa nature corrompue avec toutes ses œuvres les plus saintes, et avec toute la justice propre qu’elles peuvent avoir. Il sent qu’il ne peut point trouver de secours en tout cela si la miséricorde ne survient, comme on raconte de Saint Bernard, homme d’une grande piété, que sa dernière parole fut : « J’ai vécu méchamment ». C’est sans doute là avoir son péché continuellement devant soi ; envisager non un ou quelques péchés, mais avoir comme en vue toute cette masse corrompue de la nature avec toute la justice et la sagesse de la chair, et reconnaître que tout cela n’est rien quand il s’agit du terrible jugement de Dieu ; de sorte que Bernard dise avec David, et David dise avec tous les autres saints : Ô Éternel ! n’entre point en compte avec ton serviteur.
Sadolet l’entend simplement du péché actuel, mais il n’aurait pas pu mieux faire voir son ignorance d’une théologie solide, car ce que David dit ici ne sont pas des fleurs de rhétorique et des élégances de discours, mais il exprime ce qu’il sentait et ce qu’il éprouvait, et ce que tous les saints éprouvent avec David, et c’est de cette expérience que Sadolet ne sait rien, mais je prends d’autant plus de soin d’inculquer la chose, que je sais combien il est difficile de persuader de ces vérités des âmes qui ont été nourries dans la théologie scolastique, et que nous n’avons pas besoin de cette doctrine seulement pour nous, mais aussi pour consoler ceux qui sont angoissés et chargés du sentiment de leurs péchés ; car quand le péché est ainsi sans cesse présent à l’âme, elle n’ose s’élever et concevoir quelque espérance, mais elle est sans cesse comme toute remplie et possédé de cette triste pensée, tu es pécheur, ainsi Dieu te hait ; conséquence, qui sans doute, est vraie dans la nature, dans le droit civil et dans les affaires humaines. C’est là qu’on peut et qu’on doit conclure « tu es pécheur, tu as commis tel et tel péché, ainsi tu es l’objet de la colère et de la vengeance de César, du juge, etc. » ; mais évitez comme un poison infernal et comme une peste très dangereuse cette conséquence dans vos démêlés avec Dieu. Au contraire dites : « Tu es pécheur, ainsi rassure-toi », car ce sont les pécheurs qui sentent leur péché que Dieu veut recevoir, sans quoi aucun homme ne serait sauvé, ni Apôtre, ni Prophète, ni les plus saints ; mais Dieu les a tous renfermés sous la malédiction, afin qu’il fit miséricorde à tous. Si donc tu reconnais sérieusement tes péchés, si tu trembles, si tu es troublé et chargé du poids de la colère de Dieu et de la crainte de son jugement et de l’enfer, aie bon courage, car tu es un de ceux avec qui Dieu veut parler en son amour, à qui il veut témoigner sa grâce et sa miséricorde, et qu’il veut sauver. Car toutes ses promesses nous assurent qu’il est le Dieu des pauvres, qu’il ne veut point la mort du pécheur et qu’il n’est point un Dieu de fureur, mais un Dieu de paix et de grâce ; c’est pourquoi il veut que le pécheur se convertisse et vive. Ah ! ces excellentes promesses ne sont pas de simples paroles, qui ne soient fondées que sur les décrets des Pères et sur quelques règles d’ordre particulier, mais elles sont fondées et sont émanées de la parole toute puissante. C’est pourquoi aussi elles consolent efficacement les cœurs affligés, qui reçoivent de là une consolation et un soulagement ferme et réel.
Voilà pourquoi David demande miséricorde et pardon, parce que, dit-il, mon péché est continuellement devant moi ; c’est-à-dire, mon péché me presse ; ce fardeau ne peut pas être allégé, et je n’en puis pas avoir de soulagement, ni par le manger, ni par le boire, ni par le sommeil ; le sentiment de ta colère ne me quitte point. Dans une telle angoisse, il n’y a point d’autre moyen, si non que l’âme, dans cette crise douloureuse contre le péché, s’élève à Dieu et dise : Ô Dieu, aie pitié de moi, car c’est là ton temps, chère âme, c’est là le temps où tu as besoin de la miséricorde de Dieu et de son assistance, dont il console et favorise les pécheurs pénitents. Car, quel Dieu serait-ce qui ne ferait rien que d’épouvanter et de tuer ? C’est proprement l’œuvre de Satan, du péché et de ma conscience ; mais il est digne d’un Dieu de faire quelque chose de plus, c’est-à-dire de pouvoir, dans ces états de misère et de désespoir, relever, consoler et vivifier une âme, par où il fait voir qu’il peut plus que Satan, que le péché, que la loi et que nous tous nous ne pouvons. Quand donc la loi a épouvanté le cœur, l’a brisé et abattu, de telle sorte qu’il soit dans un vif sentiment du péché, il faut que dans cet état Jésus-Christ, avec ses promesses et sa grâce, lui soit présenté, afin qu’il console et qu’il relève ce cœur affligé et abattu. Embrassons donc par la foi ces excellentes promesses, et ne soyons point rebelles et incrédules contre la révélation du Seigneur.