La vocation des païens est un si grand et si illustre caractère du Messie, qu’il semble renfermer tous les autres, et être plus que suffisant pour établir la vérité de sa vocation. Car puisque les anciens oracles avaient prédit que les païens seraient appelés à la connaissance du vrai Dieu, et qu’ils le seraient par le ministère d’un libérateur et grand personnage qui serait appelé le Dieu et le Sauveur de toute la terre, qui serait l’alliance du peuple, et qui porterait la connaissance de Dieu jusqu’aux extrémités de l’univers, et que nous trouvons toutes ces choses accomplies en Jésus-Christ et par Jésus-Christ ; nous ne voyons pas qu’on puisse se dispenser de le reconnaître pour le Messie qui avait été promis.
On ne saurait penser sans extravagance que l’Esprit prophétique qui animait les prophètes ait voulu nous faire illusion, en nous faisant regarder comme un saint et un bien-aimé de Dieu celui par qui les nations devaient connaître le vrai Dieu, s’il ne devait pourtant être qu’un imposteur, selon les hypothèses de nos adversaires.
Il faut pour cela qu’un séducteur ait dérobé au vrai Messie le caractère le plus propre, le plus auguste et le plus éclatant que les prophètes lui attribuent, qui est la vocation des gentils. Il faut ou que Dieu, par un effet de sa sagesse et de sa providence, ait commis l’exécution de ses desseins et de ses prophéties à un imposteur, ou que cet imposteur ait accompli les oracles de Dieu malgré sa sagesse. Il faut qu’un séducteur ait été un instrument en la main de Dieu pour appeler les nations ; ou que, s’étant ingéré dans cet emploi, il ait paru contre le dessein de Dieu, et trompé les vues de sa providence. Il s’agit du salut des hommes, de leur illumination, et l’on voudrait que ce grand bien étant dans le dessein et dans le plan de Dieu de toute éternité, sortît dans son exécution du sein de l’imposture et du mensonge ; que cette grande révolution arrivât par le ministère d’un malfaiteur, lorsque tous les prophètes ont prédit qu’elle arriverait par le ministère d’un homme saint et divin que Dieu susciterait, et qu’il remplirait de son Esprit ! Il faut donc que l’Esprit de vérité et l’esprit de mensonge aient fait alliance, et que Dieu et le vice se soient réconciliés, et que l’immuable soit devenu sujet au changement.
Il est donc vrai que quand notre Messie n’aurait que ce caractère, il en aurait un essentiel, et qui devrait nous persuader que tous les autres ne lui conviennent pas moins, quand même nous ne pourrions pas le montrer.
Mais nous ne sommes pas dans cette peine, et nous trouvons dans les prophètes, 1° tout ce qui regarde le temps de la venue de notre Messie, le lieu de sa naissance, sa tribu et sa famille ; 2° tout ce qui regarde sa conversation dans le monde, ses vertus, son emploi, ses actions, ses enseignements, l’impression de sa doctrine, l’effet de ses miracles, les efforts de ses ennemis contre lui, ses souffrances, sa mort, le genre et les circonstances de sa mort ; 3° les événements qui ont suivi sa mort, les signes qui l’accompagnèrent, la sépulture de notre Messie, sa résurrection, son ascension, et sa séance à la droite de Dieu, la prédication de son Évangile en tous lieux, et la conversion des nations : trois sortes de caractères qui prouvent sensiblement, s’ils sont véritables, que notre Jésus est le Messie promis.
Mais pour faire voir que ce n’est pas sans sujet que nous avançons cela, nous ferons deux choses. Nous examinerons premièrement tous ces caractères dans le détail, pour mieux connaître si nous pouvons bien compter sur leur évidence ; et dans ce dessein nous rechercherons, autant qu’il sera possible, de chacun de ces caractères en particulier, 1° si c’est un caractère du Messie ; 2° s’il convient à notre Jésus ; 3° s’il est vrai qu’il ne puisse convenir à aucun autre qu’à lui. C’est par ces trois examens que nous prétendons faire passer tous ces divers caractères du Messie. Après quoi je crois qu’il nous sera permis, en second lieu, de les comparer, d’en faire voir la suite et l’enchaînement, et de tirer de cette comparaison une nouvelle force et de nouvelles lumières pour l’établissement de notre religion.