Il ne semble pas, en effet, qu’Irène ait rencontré de difficulté à faire accepter les décisions du concile. Le parti iconoclaste restait toujours nombreux cependant, et les divisions qui régnaient entre le patriarche et les moines de Stoudion ne pouvaient qu’entretenir son espoir de revenir aux affaires. Sous Michel Rhangabé (811-813), il fit, pour les reprendre, une tentative qui échoua ; mais, en juillet 813, une révolution militaire porta au pouvoir le général Léon V l’Arménien. Avec lui, les iconoclastes triomphaient de nouveau.
Léon V fit d’abord composer, par le lecteur impérial Jean Hylilas, un recueil de passages de l’Écriture et des Pères contraires aux saintes images, et essaya de gagner a ses vues le patriarche. Celui-ci était alors Nicéphore, l’auteur même des Antirrhetica. Nicéphore résista, refusa même d’entrer en discussion avec les théologiens de l’empereur, et, dans une réunion de deux cent soixante-dix évêques ou abbés à Sainte-Sophie, fit réaffirmer Les décisions de 787, et condamner l’évêque iconoclaste de Sylacum, Antoine. Léon parut céder ; mais en 815, il reprit ses projets. Nicéphore exilé fut remplacé par un allié à la famille de Copronyme, Théodore Cassitera (1er avril 815), avec qui Théodore Studite refusa d’entrer en communion. Un concile fut réuni à Constantinople qui compta trois sessions. On en a retrouvé les décisions reproduites dans un ouvrage inédit de Nicéphore. Le concile y annule ce qui a été fait à Nicée par Irène et Tarasius, et confirme au contraire les décrets et canons du synode de 753. Il s’abstient cependant de traiter les images d’idoles, « car même entre mal et mal il y a des différences à faire ».
En conséquence, la destruction des images et la persécution des orthodoxes recommencèrent, celle-ci moins violente cependant que sous Copronyme, car on n’alla pas jusqu’au dernier supplice. Mais nombre d’évêques et de moines furent maltraités et exilés pour leur foi. Entre ces derniers, il faut nommer Théodore Studite et le chronographe Théophane.
Sous le successeur de Léon V, Michel le Bègue (820-829), la tempête parut se calmer un peu, et plusieurs exilés purent rentrer chez eux, momentanément du moins. Michel, tout en déclarant qu’il ne voulait rien changer aux mesures de son prédécesseur, fit quelques tentatives pour l’union et, en 821, essaya de tenir un concile où orthodoxes et iconoclastes siégeraient ensemble et délibéreraient sur les moyens d’assurer la paix. Les orthodoxes, guidés par Théodore Studite, refusèrent ce traitement d’égalité, et renvoyèrent l’empereur au siège de Rome, « la plus élevée des Églises de Dieu, dont Pierre a été le premier évêque, à qui le Seigneur a dit : Tu es Pierre, etc. ». Michel se tourna alors vers l’Occident et s’efforça de gagnera sa cause le pape, Pascal Ier, et Louis le Débonnaire. Sa lettre à Louis, qui est conservée, mérite attention. L’empereur n’y condamne pas l’usage des saintes images dans les Églises : elles ont un but d’instruction (ut ipsa pictura pro scriptura habeatur) ; mais il en condamne le culte ; et c’est, dit-il, parce que ce culte, déjà illicite en soi, avait dégénéré en pratiques puériles et en superstitions ridicules qu’on avait pris, à Constantinople, des mesures pour le supprimer.
Les images placées trop bas avaient été enlevées ; celles qui se trouvaient plus haut avaient été tolérées, mais à la condition qu’on ne les honorât point.
L’empereur avait compté évidemment sur cet adoucissement de la doctrine iconoclaste pour se concilier Louis le Débonnaire. On verra plus loin qu’il y réussit. Mais son successeur Théophile (829-842) revint à une théorie plus rigide et à des mesures plus violentes. De nouveau, les prisons se remplirent d’évêques et de moines réfractaires, et les peintres d’images surtout se virent inexorablement fouettés, battus et mutilés. C’était comme le dernier effort de l’erreur expirante.
Théophile mourut en 842, laissant un fils de trois ans, et pour régente sa femme Théodora. Théodora, comme Irène, était favorable aux images. Autour d’elle on était lassé de cette lutte inutile contre un sentiment qui s’affirmait de plus en plus comme inséparable de la piété grecque. Aussi le second rétablissement des images s’opéra-t-il sans difficulté. Le patriarche Jean Hylilas fournit lui-même une raison de l’écarter : on lui donna pour successeur le savant Methodius, qui avait souffert pour la foi sous Théophile. Un synode fut réuni en 842, qui confirma les décrets de Nicée. Les évêques iconoclastes ne furent pas les derniers à se prononcer dans le sens de la cour. Une fête nouvelle fut instituée le premier dimanche de carême, pour perpétuer la mémoire du triomphe de l’orthodoxie. L’Église grecque la célèbre encore : on n’y anathématise pas seulement les iconoclastes, mais successivement tous les hérétiques.
Après une lutte qui avait duré près de cent vingt ans (de 726 à 842), les images finissaient donc par retrouver, dans l’Église grecque, leur ancienne faveur consacrée et accrue. C’est que le mouvement contre elles était venu non point du génie grec dont Byzance restait, malgré tout, l’héritière, mais d’un esprit provincial dont l’armée et les empereurs isauriens ou arméniens s’étaient faits les interprètes et les serviteurs. L’Église rejeta ces influences étrangères qui allaient à ruiner l’art aussi bien que le dogme chrétien, et maintint intégrale, dans son culte, la part légitime qui revient à la représentation sensible du surnaturel.