9. Le Seigneur Jésus a observé lui-même le sabbat mosaïque, mais il a très énergiquement protesté en œuvres et en paroles contre les exagérations et les aberrations des Pharisiens.
10. Il a déclaré qu’il était le Maître du sabbat (Marc 2.28 ; Luc 6.5 ; Matthieu 12.8), et cette parole était hautement prophétique.
11. Il a jeté les bases du dimanche ou Jour du Seigneur en ressuscitant lui-même au premier jour de la semaine, après tout un sabbat passé dans le sépulcre, mais aussi, 1° en apparaissant ce même jour au collège apostolique ; 2° en apparaissant le premier jour de la semaine suivante, pour la seconde fois, à ce même collège, alors au complet ; 3° en répandant le Saint-Esprit pour la première fois d’une manière extraordinaire et visible sur l’ensemble des premiers disciples, réunis pour la Pentecôte, c’est-à-dire le premier jour de la huitième semaine à partir du jour de la Résurrection.
12. Les premiers chrétiens, d’origine juive, continuèrent de célébrer le sabbat mosaïque.
13. L’apôtre Paul, éclairé à un si haut degré du Saint-Esprit, a proclamé catégoriquement, tout en continuant d’observer lui-même la loi mosaïque, que les chrétiens d’origine païenne n’étaient point tenus d’observer cette loi, en particulier son sabbat (Galates 4.9-11 ; Colossiens 2.16-17).
14. Le sabbat mosaïque a été aboli par la Nouvelle Alliance, le sabbat primitif devait lui-même mourir avec la première création dont il faisait partie : comme elle, il était condamné à mourir à cause de la chute de l’humanité. Mais, comme elle aussi (Romains 8.19-23), il devait mourir pour ressusciter par la grâce de Dieu et ressusciter transformé, en devenant le dimanche.
15. Il est remarquable que dans Exode 31.17, ce qui motive la perpétuité du sabbat comme signe entre l’Éternel et son peuple, soit précisément l’origine primordiale du repos du septième jour. Le sabbat mosaïque devait un jour se transformer en dimanche, mais le dimanche n’en a pas moins, comme le sabbat mosaïque, de profondes racines dans l’institution même du sabbat primitif et de la semaine, sa conséquence. Sabbat primitif, sabbat mosaïque et dimanche sont essentiellement une seule et même institution, qui, sous la double influence de la chute et de la Rédemption, a dû deux fois se transformer. Sous ce rapport, elle devait bien durer à perpétuité.
16. La transformation du sabbat en dimanche semble s’être accomplie dans l’Église peu à peu et d’une manière encore plus inconsciente que consciente, mais par la volonté du Seigneur et sous l’influence de son Esprit.
17. C’est parmi les chrétiens d’origine païenne que nous voyons le premier jour de la semaine commencer, sous la direction apostolique, à être religieusement solennisé.
18. La ruine de Jérusalem, qui ébranla jusque dans ses fondements la célébration du sabbat mosaïque, contribua puissamment à généraliser dans l’Église la solennisation du premier jour hebdomadaire.
19. Vers la fin de l’âge apostolique, ce jour apparaît dans l’Apocalypse de Jean comme portant un nom propre, celui de Jour du Seigneur.
20. Le fondement biblique direct de l’institution du dimanche est Actes 20.7 ; 1 Corinthiens 16.1-2 ; Apocalypse 1.10, éclairés, d’un côté, par les récits scripturaires de la résurrection du Seigneur, de ses apparitions au collège apostolique et de l’envoi du Saint-Esprit lors de la Pentecôte ; de l’autre, par les données de l’Histoire ecclésiastique sur la célébration du dimanche après la disparition des apôtres. L’institution du dimanche se fonde aussi, mais indirectement, sur les déclarations de l’Ancien et du Nouveau Testament relatives au sabbat, soit primitif, soit mosaïque.
21. Cette institution, du reste, participe essentiellement au caractère positif, spirituel et de sainte liberté, qui est le sceau de la loi entière de la Nouvelle Alliance, et de cette Alliance elle-même. A la base de l’institution, il n’y a proprement ni un commandement du Seigneur, ni une prescription des apôtres. Mais, d’une part, le sabbat mosaïque était aboli par la Nouvelle Alliance, tout au moins pour les chrétiens d’origine païenne, c’est-à-dire pour les chrétiens qui n’étaient pas en même temps des juifs ; la voie était donc libre. D’autre part, les besoins auxquels répondait le sabbat primitif, fait pour l’homme, étaient toujours là, et loin de disparaître dans l’humanité régénérée, ils devaient au contraire y devenir plus vivaces que jamais, dans la proportion même où l’image de Dieu se réformait en elle. D’autre part encore, le Seigneur avait lui-même jeté les fondements d’une nouvelle solennisation d’un jour hebdomadaire, et les apôtres purent appuyer et patronner la nouvelle institution, qui alors naissait et grandissait dans l’Église. Le Saint-Esprit avait déjà construit sur les fondements posés par le Seigneur, et les apôtres concoururent à la construction. Le lit du fleuve avait été tracé, préparé, le fleuve de la vie chrétienne y coula et devait y couler toujours plus abondamment, à mesure que les circonstances le permettraient et que le lit s’élargirait lui-même. Il y eut donc de la spontanéité dans la formation et le développement du dimanche, et il doit toujours y en avoir ; mais cette spontanéité est du meilleur aloi ; elle est en harmonie avec l’essence même de la Nouvelle Alliance : c’est l’œuvre de cet Esprit, dont Jésus a dit : « Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera » (Jean 16.14).
22. La dénomination du dimanche comme sabbat chrétien, qui est si répandue dans le monde anglo-saxona et qui a été employée par Vinet lui-même dans une brochure anti-sabbatique, Le sabbat juif et le dimanche chrétien, peut être justifiée. Toutefois il nous semble hautement préférable de ne pas l’employer usuellement, car elle prête à de fâcheux malentendus, à cause de l’habitude invétérée de rattacher l’idée du sabbat à celle du 7e jour hebdomadaire et surtout du sabbat mosaïque. Dans certaines contrées protestantes, on a pu tirer de cette dénomination des conséquences abusives pour la célébration du dimanche. En outre, il ne faut pas perdre de vue qu’à côté de lui ou même à sa place, le 7e jour a été et est encore parfois solennisé dans l’Église chrétienne. Le nom biblique du dimanche, son vrai nom, est celui de Jour du Seigneur : il doit être aussi définitif, aussi normatif que celui de chrétiens donné aux disciples de Jésus presque au début de l’âge apostolique (Actes 11.26). Il faut donc féliciter les nations qui relèvent surtout de l’ancien monde gréco-romain, d’avoir adopté dans leurs diverses langues le nom de Jour du Seigneurb et regretter que les Germains et les Anglo-Saxons aient conservé les noms païens du premier jour hebdomadaire. Cette différence prouve à sa manière que le dimanche a été dans les premiers siècles de l’Église une institution beaucoup plus profonde et plus justement appréciée qu’elle ne l’était au Moyen Age. Quelque consacrés que soient les noms de Sonntag et de Sunday, ne serait-il pas désirable que les chrétiens qui les emploient, cherchassent à rendre au dimanche son nom propre : Tag des Herrn (ou Herrentag) et Lord’s day, tout au moins dans la langue ecclésiastique ? Dans la poésie d’Uhland, si belle dans sa simplicité, sur le Sonntagsmorgen, le dimanche devait bien être désigné par son vrai nom et, en effet, ce nom y règne sans partage.
a – Confession de Westminster ch. XX § 7 : … qui quidem (dies) in Scriptura Dies dominicus nuncupatur, estque perpetuo ad finem mundi tanquam Sabbatum Christianum celebrandus. — § 8. Tunc autem hoc Sabbatum Deo sancte celebratur, quum…
b – Grec ancien et moderne : κυριακή. Langues caucasiques : kyrinda, kvira. Latin : dominica. Italien : domenica. Espagnol et portugais : domingo. Roumain ou valaque : duminica. Rhétien : dumeingia. Irlandais : domnach, etc.
23. On ne saurait s’étonner si, dans l’histoire de l’Église chrétienne, le dimanche n’apparaît qu’assez tard et d’abord faiblement, comme un jour de repos. Pour qu’il pût être observé comme tel d’une manière marquée, il fallait au préalable que les chrétiens fussent devenus assez nombreux et assez influents pour transformer jusqu’à un certain point leur milieu social, tout au moins pour s’y mouvoir avec quelque liberté. Dès que cette condition eut été réalisée par la conversion de l’empereur lui-même, le dimanche ne manqua pas d’être mieux compris dans ce qu’il devait logiquement réclamer, et d’être solennisé plus pleinement qu’il n’avait pu l’être précédemment.