Aberdeen, 16 juin 1637
Très cher et honoré frère dans la grâce du Seigneur, que sa paix et sa miséricorde soient sur vous. Mon âme s’impatientait de savoir dans quelle position vous êtes en présence de Christ, et si l’œuvre spirituelle avance dans cette paroisse, de telle sorte qu’elle puisse résister à l’épreuve de l’eau et du feu.
Je serai pesé dans la balance du Seigneur à cause de vos âmes. Je suis lié à vous, nous devons nous coucher et nous lever ensemble. Même dans les songes de la nuit, je pense à vous. Vous tenez une grande place dans mes soupirs, mes supplications et mes prières. Que ne puis-je acheter votre salut aux dépens de mes propres souffrances, en sorte que nous nous retrouvions joyeux dans les demeures éternelles en présence de notre Juge ! Veuille le Seigneur me préserver d’avoir rien de fâcheux à déposer contre vous, dans ce jour qui sera le dernier ! Puisse Celui qui fait revivre les morts donner l’accroissement au grain que j’ai semé parmi vous ! Quelle plus grande joie pourrions-nous avoir (Christ excepté) de ce côté de la tombe, que de sentir de pauvres âmes en sûreté et préservées de toutes les chances mauvaises !
Faites part de cette lettre à mon troupeau, Monsieur ; quand je vous écris, il me semble que c’est à chacun de ses membres en particulier, jeunes et vieux. Rendez ma joie complète en cherchant le Seigneur. Je suis certain de vous avoir annoncé et fait connaître à tous ce prince aimable et royal, le Seigneur Jésus. Malheur à vous, malheur à tout jamais si l’Évangile ne vous était pas en odeur de vie ! Autant de sermons j’ai prêchés parmi vous, autant de vérités je vous ai annoncées, autant de comptes vous aurez à rendre quand le Seigneur viendra plaider contre tout le mal qui se sera fait dans le monde.
Croyez-moi, le ciel est une cité d’un accès difficile, les justes eux-mêmes auront de la peine à y pénétrer ; seuls, les violents emporteront la place d’assaut. Combien d’hommes s’abusent, car tous veulent aller au ciel ; il n’est pas un misérable, couvert de boue, qui n’espère entrer dans la nouvelle Jérusalem. Tous prétendent avoir la foi, et la plupart ne savent pas que la moindre déviation de route leur est fatale, et qu’aucune perte n’est comparable à celle de manquer la route du ciel. Prenez-y garde, ne négligez rien de ce qui peut vous l’assurer. Vous ne savez pas avec quelle promptitude le Juge viendra. Quant à vous, je sais que la mort est suspendue sur votre tête, et que, si elle tarde encore, c’est parce que Dieu vous accorde un peu de temps pour vous préparer à sa rencontre. Pensez à ces choses, car voici, le temps est court et l’éternité vient, rapide comme le vent. Un seul faux pas en sortant de cette vie a ceci de semblable au péché contre le Saint-Esprit, c’est qu’il ne peut jamais être pardonné, parce que vous ne pouvez pas traverser une seconde fois l’abîme, ni pleurer sur vos péchés. Je sais que vous avez beaucoup de comptes à régler avec le Seigneur. Mettez-les en ordre ; ne perdez pas de temps, car, en vous jouant de la mort, vous perdez le prix de votre âme. Pour l’amour du Seigneur, n’allez pas disperser un si précieux trésor. Que de fois je vous ai témoigné, soit en public, soit en particulier, mon déplaisir des voies dans lesquelles vous vous lanciez. Je ne puis voir de mes yeux ce que vous faites maintenant, mais il est un Juge dans les demeures éternelles qui vous aperçoit toujours. Au nom des miséricordes de Dieu et du salut de votre âme, je vous supplie de changer de route. N’attendez pas que vos yeux se ferment et que vous sortiez de cette maison de boue pour comparaître devant votre Juge souverain. Après avoir lu cette lettre, tournez le dos au mal, avant que la mesure de vos jours ne soit comblée. Assurez-vous que le ciel vous appartient. Ayez l’entière certitude que vous êtes en Christ. Quelques-uns « ont été faits participants du Saint-Esprit, et ont goûté le don céleste » (Hébreux 6.47), sans avoir cependant de part avec Christ. Il en est qui s’imaginent croire et ne tremblent jamais ; en cela ils dépassent les démons (Jacques 2.19).
Assurez-vous que vous êtes plus avancé que les professeurs ordinaires. A peine si la sixième partie de vos jours est encore devant vous. Hâtez-vous, la marée n’attend pas. Parlez à Christ de tous vos secrets, de toutes vos affaires ; mieux vaut les Lui confier à cette heure que s’Il s’en empare ensuite et de vive force. Je n’ai jamais aussi nettement compris ce que c’est que le péché que depuis que je suis à Aberdeen, et, cependant, je vous en parlais souvent dans mes prédications. Pour bien parler de l’enfer, il faut en sentir la fumée à une demi-heure de distance ; il faut avoir entrevu l’étang ardent de feu et de soufre, se sentir lié, pieds et mains, et lancé au milieu de cette onde amère, dont Dieu ferme la porte qui ne s’ouvrira plus jamais ! Oh ! quelle désolante pensée, et qu’elle est propre à réveiller une conscience qui a encore quelque étincelle de vie ! Dans mes heures de tristesse, les fruits de mes travaux passés se représentent à ma pensée. Je vois encore ce cher troupeau que je nourrissais de la Parole de vie, auquel j’ai parlé de la corruption qui s’introduit dans la maison de Dieu, et ainsi mon royal et cher Maître m’accorde encore des moments d’une grande douceur passés avec Lui. Son amour s’est posé sur moi, de telle sorte que parfois je succombe sous le poids de ma gratitude. Que ne puis-je sans cesse reposer sur son sein mon âme fatiguée ! Que ne suis-je en liberté ! Que ne puis-je raconter les merveilleuses choses faites en toute âme qui se donne à Lui et goûte l’inexprimable douceur de le connaître et de se vouer à son service ! Mais, hélas ! combien peu de voix chantent son incomparable excellence ! Et que puis-je, moi, pauvre prisonnier, pour l’exalter !
Mon très cher en notre Seigneur, tenez ferme ce que vous avez reçu : gardez le trésor de la foi, combattez pour Christ, attachez-vous à Lui. Considérez comme une faveur de Dieu l’inimitié des hommes. Il n’y a point de comparaison entre l’une et l’autre. Veuille mon Seigneur rendre ma joie complète en gardant pure de toute souillure la jeune épouse de Christ (l’Église) qui est à Anwoth. Quant à ceux qui, depuis mon départ, sont retournés à leurs idoles, je leur enjoins de se repentir et de revenir au Seigneur, sinon, au nom et en l’autorité de mon Maître, je leur annonce la vengeance et la malédiction de Dieu. Et vous, pauvres âmes qui menez deuil et dont le cœur est brisé, qui que vous soyez, si vous croyez au salut gratuit, demandez à Christ de mettre son doux baume sur votre blessure, Pauvre et humble fidèle, Christ est là ; Il a répandu son sang pour expier tes péchés, à toi, le ciel est promis à ton âme, jadis bannie du paradis. Avant qu’il soit longtemps Christ te prouvera avec quelle vérité j’ai parlé ! Puissiez-vous tous être rendus sages et chercher votre Sauveur jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ! Quelle douleur serait la mienne, si les neuf années de semailles faites parmi vous ne portaient aucun fruit ! Ai-je été envoyé seulement pour vous sommer de comparaître devant votre Juge, et laisser ensuite cette sommation à la porte de vos demeures ? N’ai-je été que le témoin muet de vos plaintes ? Dieu m’en préserve ! Au contraire, ne vous ai-je pas annoncé que vous seriez passé au van, parce que vous avez méprisé la Parole de Dieu ? Ne vous ai-je pas parlé de la colère divine qui allait fondre sur l’Ecosse, parce que vous avez brisé l’alliance de la grâce ?
O mon cher Monsieur, et toi mon troupeau bien-aimé, ma joie, ma couronne en notre Seigneur, craignez-Le, cherchez-Le, et puisse sa face sauver vos âmes ! Colombes sorties de l’arche, revenez et posez-vous sur les fenêtres de Christ ; priez-Le avec ardeur et rendez grâce pour moi. Que la bénédiction de Dieu, ainsi que les prières d’un pauvre prisonnier, votre fidèle pasteur, soient sur vous.