Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE II

CHAPITRE XXII

Dieu dans la conception juive.

(188) Peut-il exister une magistrature plus sainte que celle-là ? Peut-on honorer Dieu d'une façon plus convenable qu'en préparant tout le peuple à la piété et en confiant aux prêtres des fonctions choisies, de sorte que toute l'administration de l'État soit réglée comme une cérémonie religieuse ? (189) Car les pratiques en usage, chez d'autres, un petit nombre de jours, et qu'ils ont peine à observer, les mystères et les cérémonies, comme ils les appellent, c'est avec plaisir, avec une décision immuable que nous les observons toute notre vie. (190) Quelles sont donc les prescriptions et les défenses de notre loi ? Elles sont simples et connues. En tête vient ce qui concerne Dieu : Dieu, parfait et bienheureux, gouverne l'univers ; il se suffit à lui-même et suffit à tous les êtres ; il est le commencement, le milieu et la fin de toutes choses[1] ; il se manifeste par ses œuvres et ses bienfaits, et rien n'est plus apparent ; mais sa forme et sa grandeur sont pour nous inexprimables. (191) Car toute matière, si précieuse soit-elle, est vile pour imiter son image, et tout art perd ses moyens s’il cherche à la rendre ; nous ne voyons, nous n'imaginons aucun être semblable et il est impie de le représenter[2]. (192) Nous contemplons ses œuvres, la lumière[3], le ciel, la terre, le soleil et la lune, les fleuves et la mer, les animaux qui s'engendrent, les fruits qui croissent. Ces œuvres, Dieu les a créées, non de ses mains, non par des efforts pénibles, et sans même avoir eu besoin de collaborateurs[4] ; mais il les voulut, et aussitôt elles furent comme il les avait voulues[5]. C'est lui que tous doivent suivre et servir en pratiquant la vertu ; car c'est la manière la plus sainte de servir Dieu.

[1] L’idée que Dieu est le commencement et la fin de tout peut s’appuyer sur divers textes bibliques, mais non pas celle qu’il en est aussi le milieu. Selon les rabbins (p. ex. Jer., Sanhédrin, 18 a) si le mot vérité ([hébreu]) est le sceau de Dieu, c’est parce qu’il se compose de la première, de la dernière et de la lettre médiane de l’alphabet ; mais [hébreu] n’est pas au milieu de l’alphabet hébreu. J’ai soupçonné ces trois lettres de représenter les initiales (transcrites en hébreu) des mots grecs ἀρχὴ, μέσον, τέλος : ce jeu d’esprit mystique serait alors d’origine alexandrine ; cependant le tav n’est presque jamais transcrit par un t.

[2] Exode, XX, 4, etc.

[3] La lumière est nommée en tête, conformément à Genèse I, 3.

[4] Coup de griffe à Philon (De opif. mundi, § 24), qui, entraîné par le Timée, attribuait à Dieu des collaborateurs. Pour tout le passage, cf. Genèse Rabba, 1 et 3.

[5] Cf. Philon, De opif. mundi, ad fin. ; Rosch Haschana, 11 a (= Houllin 60 a).

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