Sous le souffle de l’Esprit-Saint, nous entrevoyons enfin le port sûr et tranquille que nous offre une foi solide. Ainsi arrive-t-il couramment qu’après avoir été ballotté par une mer démontée et me violente tourmente, le marin, devant l’entrée d’un port, se voie parfois empêché d’y entrer par un fort reflux, jusqu’à ce qu’à la fin, ce même flot le pousse par ses lames énormes et redoutables dans une rade connue de lui et où il se trouvera en sécurité. Tel sera aussi, je l’espère, notre sort, en ce douzième livre : nous nous donnons bien du mal pour lutter contre la tempête suscitée par l’hérésie ; puisque nous offrons la poupe robuste de notre navire aux flots agités de cette très grave impiété, ce flot lui-même nous entraînera dans la baie où nous trouverons le repos souhaité !
Tous en effet, étant en butte au gros vent de cette dangereuse doctrine, on voit ceux-ci dans la crainte, ceux-là en danger de se perdre, et même on en aperçoit souvent d’autres qui font naufrage, du fait que s’appuyant sur l’autorité du prophète, ces gens prétendent que Dieu le Fils Unique est une créature. Il n’y a pas en lui de naissance, nous disent-ils, mais création, car la Sagesse personnifiée s’exprime ainsi : « Dieu m’a créée au commencement de ses voies » (Proverbes 8.22). Oui, telle est la plus forte rafale de la tempête qu’ils soulèvent, telle est l’énorme lame de fond qui s’élance de cette trombe aux tourbillons écumants. Quand nous aurons supporté son choc, lorsque nous l’aurons brisée par la solide étrave de notre vaisseau, elle nous conduira ensuite jusqu’au port très sûr du littoral que nous désirons.
Mais nous ne nous appuyons pas, comme les marins, sur des espoirs incertains ou hors de notre portée : parfois ceux-ci naviguent au petit bonheur plutôt que dans la certitude de suivre la bonne route, car les vents inconstants ou changeants leur font défaut ou les éloignent de leur chemin. Nous, en ce qui nous concerne, nous sommes assistés de l’indéfectible Esprit qui suscite notre foi, ce don du Fils Unique de Dieu qui demeure en nous et nous conduit vers des eaux tranquilles, dans une course continue.
Car nous ne connaissons pas un Christ Seigneur créature : il ne l’est pas ; nous ne disons pas qu’il a été fait : il est lui-même le Seigneur de tout ce que Dieu a fait. Au contraire, nous le savons Dieu, un Dieu qui est le propre rejeton de Dieu le Père. Il est vrai, de par la bienveillance de la tendresse divine, nous sommes nous aussi, appelés fils de Dieu et adoptés comme tels. Mais lui, il est le vrai et le seul Fils de Dieu le Père, et sa naissance est parfaite et véritable, connue seulement du Père et du Fils.
Telle est notre foi, la seule foi que nous professons : affirmer que le Fils n’est pas fils adoptif, mais qu’il est né du Père ; qu’il n’est pas fils par suite d’un choix, mais par génération. En effet nous ne le prétendons pas créé, nous ne disons pas qu’il n’est pas né, car nous n’assimilons pas le Créateur à sa créature, et nous ne trompons pas les gens en parlant d’une naissance sans génération. Il n’existe pas par lui-même, celui qui procède d’une naissance ; il n’est pas inné, celui qui est Fils ; et celui qui est Fils ne peut pas être autre que le Fils qu’il est par naissance.