24. La transformation du sabbat en dimanche dans l’Église chrétienne proclame solennellement, en fait, que Jésus était bien le Maître du sabbat. Lui seul pouvait ainsi changer le jour du sabbat primitif. Ce changement atteste hautement la souveraine puissance du Seigneur, ainsi que l’importance suprême de la Rédemption.
25. Le dimanche rappelle en première ligne la résurrection du Seigneur ; mais, comme il implique, en tant que jour hebdomadaire, le respect et le maintien de la semaine, il ne doit pas moins commémorer, ainsi que le sabbat, la création des cieux et de la terre.
26. Le dimanche rappelle la résurrection du Seigneur et la création de l’univers, de même que le sabbat mosaïque rappelait simultanément cette création et la sortie d’Egypte, type prophétique de la Rédemption individuelle, universelle et éternelle, que Jésus devait accomplir.
27. Ce qui prime dans le dimanche, c’est le souvenir de la résurrection du Seigneur, et ce qui primait encore dans le sabbat mosaïque, c’était le souvenir de la création.
28. Il y a du reste une intime union entre les deux souvenirs. La résurrection du Seigneur est l’achèvement virtuel de la Rédemption, qui peut être appelée la seconde création au sein de l’humanité déchue (Ésaïe 51.16 ; 65.17-18 ; 2 Corinthiens 5.17). Toutefois, par cette résurrection, l’humanité, non seulement a été virtuellement replacée dans sa carrière normale et à son point de départ, mais encore elle est déjà arrivée, dans la personne de Jésus, au but définitif assigné à l’homme par sa création.
29. L’humanité déchue ne peut ni rentrer dans sa carrière normale, ni encore moins atteindre le but de cette carrière, sans l’union la plus étroite avec Jésus mort « à cause de nos péchés et ressuscité à cause de notre justification » (Romains 4.25). Dans l’œuvre de la Rédemption, ce qui prime donc pour nous, c’est l’œuvre de Jésus-Christ, c’est Jésus-Christ, ou plus exactement, Dieu en lui.
[« Si le sabbat solennisait le plus grand et le plus précieux souvenir que l’humanité pût avoir de Dieu avant l’incarnation, le dimanche solennise, avec le souvenir de la création première, celui d’une seconde création, où Dieu, ne se bornant plus à donner aux hommes la vie et les biens de la nature, choses distinctes de son être, s’est donné lui-même à eux dans la personne de son Fils. Ce souvenir n’efface pas le premier, mais l’enveloppe et l’absorbe ; et, complétant l’image et l’idée de Dieu, il est naturel, il est nécessaire qu’il prenne la place de l’ancien souvenir, et que le dimanche succède au sabbat. Cette nécessité interne est la vraie loi, la vraie institution du dimanche. » Vinet, Le sabbat juif et le dimanche chrétien, p. 36.]
30. La substitution du 1er jour au 7e dans la transformation du sabbat en dimanche, ne s’explique pas seulement parce que Jésus est ressuscité un premier jour hebdomadaire, mais encore par une différence profonde entre la première création et la seconde. Après la première, Dieu avait fait son œuvre, mais le but de l’humanité n’était encore aucunement réalisé, il était tout entier dans l’avenir. Dans la seconde création, le but a été atteint par Jésus ressuscité et c’est par lui seul que ses frères de l’humanité déchue peuvent aussi atteindre le but. Pour eux et à cause de Jésus, le but n’est pas seulement dans l’avenir, il est déjà dans le passé ; l’œuvre de l’homme, dans un sens, est déjà consommée. Pour les disciples de Jésus, sans doute, l’événement commémoré par le dimanche n’en reste pas moins aussi un point de départ, mais c’est un point de départ qui garantit l’arrivée. De là le caractère éminemment joyeux qui dans les documents ecclésiastiques est assigné de très bonne heure à la solennisation du Jour du Seigneur.
31. Le dimanche ne se rapporte pas au seul passé ; il a aussi son côté prophétique. En effet par la résurrection de Christ, complétée par son ascension, le but n’a été réellement atteint que pour le Chef de l’humanité nouvelle. Pour les chrétiens, il ne l’est que virtuellement ; il ne le sera réellement que lorsque Jésus reviendra pour consommer son œuvre rédemptrice. Sous ce rapport, le dimanche est une prophétie et un gage de cet autre Jour du Seigneur, qui sera celui de son glorieux retour, et qu’on peut appeler le dimanche éternel.
[Il est digne de remarque que le dimanche n’est proprement appelé ni dans le Nouveau Testament, ni dans les documents ecclésiastiques des premiers siècles le Jour du Seigneur (τοῦ Κυριοῦ), mais le jour seigneurial ou dominical (κυριακή, dominica), tandis que l’inverse est vrai pour le Jour eschatologique du Seigneur.]
32. Le dimanche a été appelé dans l’Epître attribuée à Barnabas et souvent ailleurs, le 8e jour ; et cette désignation, d’abord étrange, s’explique d’une manière fort intéressante, si elle est associée, comme elle doit l’être, à la désignation ordinaire de 1er jour. La résurrection de Christ eut lieu un 1er jour de semaine, de la semaine telle qu’elle était constituée dès les temps les plus anciens au sein d’Israël, et cette coïncidence, certainement voulue d’en Haut, se justifie, non seulement parce que la résurrection de Christ est le commencement de la nouvelle création, mais encore parce que le 1er jour de la semaine créatrice, vraiment primitive, est celui de la lumière et que Jésus, selon une qualification venant de Lui-même et fréquente dans le Nouveau Testament, est bien, spirituellement, la lumière du monde (Jean 8.12 ; 9.15 ; 1.4-5, etc.). Mais la création opérée et inaugurée par Jésus n’est pas absolument nouvelle : c’est proprement une résurrection et, dans ce sens, une suite, une continuation. Aussi le dimanche peut-il être considéré comme un jour qui suit et continue l’antique semaine, comme un 8e jour. La double désignation du dimanche comme 1er et comme 8e jour, caractérise donc le dimanche soit dans ce qu’il a de nouveau et en vue de l’avenir, soit en regard du passé.