Dans tous ces mots gît la notion d’excès, de libertinage, d’une vie de dissolution, de jouissances personnelles et de prodigalité, mais ils différent en certains points.
On ne rencontre στρηνιάω que deux fois dans le N. T. (Apocalypse 18.7, 9), (στρῆνος une fois (Apocalypse 18.3 ; cf. 2 Rois 19.28), et le composé καταστρηνιάω aussi une fois (1 Timothée 5.11). C’est un terme de la nouvelle comédie ou de la moyenne. Lycophron, cité par Athénée (10.420.b), Sophile (ib. 3.100.a) et Antiphane (ib. 3.127.d), en font usage, mais les puristes grecs le rejettent. — Phrynichus affirme que personne, à moins qu’il n’ait perdu le sens, ne voudrait s’en servir, quand il a τρυφᾶν à son commandement (Lobeck, Phrynich., p. 381). Ce dernier mot, pour lequel on a une si grande préférence, ne se présente que rarement dans le N. T. (Jacques 5.5) ; ἐντρυφᾶν (2 Pierre 2.13) de même ; mais il appartient avec τρυφή (Luc 7.25 ; 2 Pierre 2.13) au meilleur âge et aux écrivains classiques par excellence. En les examinant de plus près, on verra que ces vocables ont des fonctions diverses et que souvent l’un ne serait pas un substitut adéquat de l’autre.
Dans στρηνιᾶν (ἀτακτεῖν, Suidas ; ou διὰ τὸν πλοῦτον ὑβρίζειν, Hesychius) nous avons proprement l’insolence de la richesse, le libertinage et l’impertinence provenant de la plénitude, quelque chose comme « lascivire » chez les Latins. Il n’y a rien qui décèle une mollesse de sybarite dans le mot ; il est si éloigné d’une telle acception que Pape admet la parenté de στρῆνος à et de « strenuus » ; qu’il ait raison ou tort, il s’y attache, dans tous les cas, la notion de force, de l’allemand « Uebermuth », telle que celle que déployèrent les habitants de Sodome (Gen. xix, 4-9). D’un autre côté, l’idée de mollesse, de lassitude d’esprit, à la suite de jouissances personnelles, est exactement le point de départ de τρυφή et de τρυφᾶν (connexes avec θρύπτειν et θρύψις) ; ainsi τρυφή καὶ χλιδή (Philo, De Merc. Mer. 2) ; τρυφή καὶ πολυτέλεια (Plutarch., Marcus, 3) ; cf. Suicer, Thes. s. 5. Notez aussi la société que fréquente τρυφή (Plato, Alcib. 1.122.b). Du reste la τρυφή ne se perd dans la notion d’insolence que dans un sens secondaire et rare, étant alors unie à la ὕβρις (Strabo, 6.1) ; comme τρυφᾶν à ὑβρίζειν (Plut., Prœc. Ger. Rep. 3) ; comparez le vers de Ménandre : ὑπερήφανόν που γίνεθ᾽ ἡ λίαν τρυφή
Occasionnellement τρυφή passe de ce sens à un meilleur, et exprime le triomphe, l’exaltation des Saints (Chrysost., In Matth. Hom. 67, 668 ; Ésaïe 66.11 ; Psaumes 35.9) ; le jardin d’Eden est aussi παράδεισος τῆς τρυφῆς (Genèse 2.15).
Σπαταλᾶν qu’on ne voit que dans 1 Timothée 5.6 ; Jacques 5.5 ; cf. Siracide 21.17 ; Ézéchiel 16.49 ; Amos 6.4 ; (ces deux derniers passages sont instructifs) est plus étroitement lié à τρυφᾶν (avec lequel il est associé dans Jacques 5.5) qu’à στρηνιᾶν, mais il emporte avec lui la notion de dissipation (ἀναλίσκειν, Hesychius), qui, vu sa dérivation de σπάω, σπαθάω, lui est inhérente. Ainsi Hottinger : « τρυφᾶν deliciarum est, et exquisitae voluptatis, σπαταλᾶν luxuriae atque prodigalitatis ». Tittmann : « τρυφᾶν potius mollitiam vita ? luxuriosæ, σπαταλᾶν petulantiam et prodigalitatem denotat ». Theile les prend en sens inverse : « Componuntur tanquam antecedent et oonsequens : difiluere et dilapidare, luxuriare et lascivire ».
Il s’en suivra que le σπαταλᾶν pourra être mis proprement sur le compte de l’enfant prodigue, qui dépense ses biens en vivant dans la débauche (ζῶν ἀσώτως, Luc 15.3) ; le τρυφᾶν sur celui de l’homme riche qui se traite splendidement tous les jours (εὐφραινόμενος καθ᾽ ἡμέραν λαμπρῶς, Luc 16.19) ; le στρηνιᾶν s’appliquera à Jesçurun qui, devenu gras, se mit à regimber (Deutéronome 32.15).