Ces vocables vont souvent de pair. Ainsi στενοχωρία, qui n’est employé que quatre fois dans le N. T., est trois fois associé à θλῖψις (Romains 2.9 ; 8.5 ; 2 Corinthiens 6.4 ; cf. Ésaïe 8.22 ; 30.6). De même les verbes θλίβειν et στενοχωρεῖν, (2 Corinthiens 4.8 ; cf. Lucian., Nigrin. 13 ; Artemid., 1.79 ; 2.37). D’après l’antithèse de 2 Corinthiens 4.8, θλιβόμενοι ἀλλ᾽ οὐ στενοχωρούμενοι, et d’après le fait que, partout où, dans le N. T., les mots sont unis, στενοχωρία marche toujours le dernier, nous pouvons conclure que στενοχωρία est le terme le plus fort, quelle que soit la différence de signification.
A la vérité, les deux mots expriment, à peu de chose près, la même idée, mais sous des aspects différents. Θλῖψις (avec βάσανος, Ézéchiel 12.18) ; signifie proprement une pression, « pressura », « tribulatio » ; ce dernier, mot avait un sens métaphorique dans le latin de l’église et n’appartient en réalité qu’à ce latin ; il signifie ce qui presse sur l’esprit ou l’accable ; je le rendrais volontiers par « angor », d’autant plus que Cicéron (Tusc. 4.8) explique ce mot par « ægritudo premens », mais le rapport d’« angor » avec l’allemand « Angst », « enge » (voir Grimm, Wörterbuch, s. v. Angst) me porte à le réserver pour στενοχωρίαa.
a – Pourquoi recourir à l’allemand ? angor ne tient-il pas de angustus, σετνός ? Dr A. Scheler.
Στενοχωρία signifie proprement étroitesse de place, espace limité, « angustia », et ensuite, la souffrance, la gêne qui en est la conséquence : ἀπορία στενή et στενοχωρία sont réunis, Ésaïe 8.22. Thucydide, emploie le mot littéralement, 7.70, et l’échange quelquefois contre δυσχωρία : Plutarque (Symp. v. 6) l’oppose à ἄνεσις ; dans les Septante, il exprime la détresse produite par un siège (Deutéronome 28.53,57). L’A. T. l’emploie une fois dans un sens métaphorique et secondaire (στενοχωρία πνεύματος, Sagesse 5.3) ; cette dernière acception est la seule que connaisse le N. T. La justesse de cette image est attestée par la fréquence avec laquelle, en sens inverse, les Psaumes et d’autres passages représentent un état de joie comme étant une sorte d’entrée dans un grand espace (πλατυσμός, Psaumes 118.5 ; Origen., De Orat. 30 ; εὐρυχωρία, Marc Antoine, 9.32) ; en sorte que Th., d’Aquin (qu’il ait eu en vue un rapport étymologique ou non), exprimait une vérité, quand il disait : « lætitia est quasi latitia. »
Quand, selon l’ancienne loi d’Angleterre, ceux qui refusaient volontairement de plaider avaient de lourds poids placés sur leurs poitrines et étaient ainsi pressés et écrasés jusqu’à la mort, c’était littéralement θλῖψις. Quand Bajazet, vaincu par Tamerlan, fut transporté d’un lieu à un autre dans une cage de fer par ordre de ce dernier, c’était στενοχωρία : mais, ne sachant point si ce manque d’espace fut cause de quelque souffrance, nous indiquerons plus à propos les oubliettes dans lesquelles Louis XI enfermait ses victimes, ou le little ease dans lequel, selon Lingard, on torturait les catholiques romains, sous le règne d’Elisabeth : « Ses dimensions étaient si petites et sa construction était telle que les prisonniers ne pouvaient ni se tenir debout, ni marcher, ni s’étendre tout au long. » Voir, pour quelques considérations sur le sens terrible dans lequel θλῖψις et στενοχωρία seront tous deux le partage des réprouvés (selon les paroles de St. Paul, Romains 2.9), Gerhard, Loc. Theol. 31.6, 52.