[1] « Il y avait encore de la race du Sauveur les petits-fils de Jude qui lui-même était appelé son frère selon la chair : on les dénonça comme descendants de David. L'evocatus les amena à Domitien ; celui-ci craignait la venue du Christ, comme Hérode. [2] L'empereur leur demanda s'ils étaient de la race de David ; ils l'avouèrent ; il s'enquit alors de leurs biens et de leur fortune : ils dirent qu'ils ne possédaient ensemble l'un et l'autre que neuf mille deniers, dont chacun avait la moitié ; ils ajoutèrent qu'ils n'avaient pas cette somme en numéraire, mais qu'elle était l'évaluation d'une terre de trente-neuf plèthres, pour laquelle ils payaient l'impôt et qu'ils cultivaient pour vivre.
[3] Puis ils montrèrent leurs mains et, comme preuve qu'ils travaillaient eux-mêmes, ils alléguèrent la rudesse de leurs membres, et les durillons incrustés dans leurs propres mains, indice certain d'un labeur continu. [4] Interrogés sur le Christ et son royaume, sur la nature de sa royauté, sur le lieu et l'époque de son apparition, ils firent cette réponse, que le règne du Christ n'était ni du monde ni de la terre, mais céleste et angélique, qu'il se réaliserait à la fin des temps, quand le Christ venant dans sa gloire jugerait les vivants et les morts et rendrait à chacun selon ses œuvres. [5] Domitien ne vit rien là qui fût contre eux ; il les dédaigna comme des gens simples, les renvoya libres et un édit fit cesser la persécution contre l'Eglise. [6] Une fois délivrés, ils dirigèrent les églises, à la fois comme martyrs et parents du Seigneur, et vécurent après en paix jusqu'au temps de Trajan.
[7] Tel est le récit d'Hégésippe. Du reste, celui de Tertullien nous raconte la même chose sur Domitien :
« Domitien essaya un jour de faire la même chose que celui-ci ; il était la monnaie de Néron pour la cruauté ; mais comme il avait, je pense, quelque intelligence, il s'arrêta bien vite et rappela même ceux qu'il avait bannis. »
[8] Après Domitien qui régna quinze ans, Nerva obtint l'empire [96] ; les honneurs de Domitien furent abolis, le sénat des Romains vota une loi qui permit à ceux qui étaient injustement exilés de revenir chez eux et même de recouvrer leurs biens ; c'est ce que racontent les historiens qui ont écrit les événements de cette époque. [9] Alors l'apôtre Jean put donc, lui aussi, quitter l'île où il était relégué, pour s'établir à Éphèse ; c'est ce que rapporte une tradition de nos anciens.