Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE II

CHAPITRE XXIV

Prescriptions relatives aux mariages.

(199) Quelles sont maintenant les prescriptions relatives au mariage ? La loi ne connaît qu’une seule union, l’union naturelle de la femme, et seulement si elle doit avoir pour but de procréer[1]. Elle a en horreur l’union entre mâles et punit de mort ceux qui l’entreprennent[2]. (200) Elle ordonne de se marier sans se préoccuper de la dot, sans enlever la femme de force, et, d’autre part, sans la décider par la ruse ou la tromperie ; il faut demander sa main à celui qui est maître de l’accorder et qui est qualifié par sa parenté[3]. (201) La femme, dit la loi, est inférieure à l’homme en toutes choses[4]. Aussi doit-elle obéir non pour s’humilier, mais pour être dirigée, car c’est à l’homme que Dieu a donné la puissance. Le mari ne doit s’unir qu’à sa femme ; essayer de corrompre la femme d’autrui est un péché. Si on le commettait on serait puni de mort sans excuse, soit qu’on violentât une jeune fille déjà fiancée à un autre, soit qu’on séduisît une femme mariée[5]. (202) La loi a ordonné de nourrir tous ses enfants et défendu aux femmes de se faire avorter ou de détruire par un autre moyen la semence vitale ; car ce serait un infanticide de supprimer une âme et d’amoindrir la race[6]. C’est pourquoi également, si l’on ose avoir commerce avec une accouchée, on ne peut être pur[7]. (203) Même après les rapports légitimes du mari et de la femme la loi ordonne des ablutions[8]. Elle a supposé que l’âme contracte par là une souillure étant passée en autre endroit ; car l’âme souffre par le fait d’être logée par la nature dans le corps et aussi quand elle en est séparée par la mort[9]. Voilà pourquoi la loi a prescrit des purifications pour tous les cas de ce genre.

[1] Cette restriction n’est nulle part formulée dans la Loi, mais elle est dans l’esprit du Talmud (interdiction d’épouser une femme stérile : Yebamot, 61 b ; Tossefta Yebamot, 8, 4 ; répudiation de la femme qui n’a pas d’enfants après six ans de mariage : Mishna Yebamot, 6, 6). Josèphe s’est aussi souvenu de la doctrine essénienne, Bell. Jud., II, 8, 13.

[2] Lévitique, XVIII, 22, 29 ; XX, 13.

[3] Usages attestés par l’Écriture, mais non prescrits par le Loi.

[4] Genèse, III, 16.

[5] Les différentes variétés d’adultère sont prévues et punies, Deutéronome, XXII, 22-27 ; Lévitique, XX, 10. Mais nulle part il n’est prescrit au mari « de ne s’unir qu’à sa femme ». L’adultère, dans la Bible, ne désigne que le commerce illégitime avec la femme (ou fille) d’autrui.

[6] La Loi ne renferme aucune disposition contre l’avortement. Il est absurde d’interpréter comme telle la bénédiction, Exode, XXIII, 26.

[7] Sur l’impureté de l’accouchée, cf. Lévitique, XII.

[8] Josèphe paraît avoir mal interprété le verset Lévitique, XV, 18 qui ne vise que le cas où l’homme est affligé d’un flux. Le Talmud connaît des ablutions après les rapports conjugaux : 1° pour les prêtres, avant la consommation des prémices (Baba Kamma, 82 b), 2° pour les laïques, avant la prière ou l’étude de la loi (mais ceci fut abrogé, Berakhot, 22 ; Houllin, 126).

[9] Encore une idée essénienne ; cf. Bell. Jud., II, 8, 11.

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