Mon Dieu, mon âme, semblable au miroir, réfléchit tout ce qui se présente, bonnes et mauvaises pensées, innocents et coupables désirs. Je suis tour à tour saint et pécheur, ange et démon. Une parole, jetée sur mon passage, suffit pour me rapprocher ou m’éloigner de toi. Mobile comme l’onde, mon âme se calme ou bouillonne, sans que je puisse trop savoir ni pourquoi, ni comment. Parfois je suis tenté de me croire le jouet de deux esprits contraires se disputant mon cœur. S’il n’en est pas ainsi, que suis-je donc, Seigneur, moi, être unique si contradictoire ? Et ce qui n’est pas seulement étrange, mais encore bien triste, c’est que, de la mauvaise pensée, je passe facilement à la mauvaise action ; elle grandit, s’illumine, m’échauffe et m’entraîne dans le péché ; tandis que la pensée la plus pure ne me soulève presque jamais jusqu’à la sainte activité. Non, loin de là, je me contente de projeter de bonnes œuvres ; de prendre d’excellentes résolutions, et dès qu’il faut me lever et marcher, je retombe, pesant sur moi-même, renvoyant au lendemain, me sachant bon gré de ma pieuse méditation, m’en tenant compte comme d’un acte, et peut-être me dispensant de faire le bien, parce que je l’ai pensé ! Misère, misère ! Oh ! mon Dieu, ma vie n’est qu’un long gémissement, ne viendras-tu donc jamais me soulager, soulever ce poids énorme, d’inertie, faire de moi un nouvel être agissant après avoir conçu, me dévouant, moi qui dis aimer, Ne permets plus, Seigneur, que je me nourrisse de la rêverie de mes sentiments, de l’harmonie de mes idées, de la musique de mes paroles ; mais qu’enfin je sois, par la vie, ce que je sais si bien être par la pensée.