Voici, j’ai été conçu en iniquité, et ma mère m’a échauffé dans le péché.
Le prophète garde un excellent ordre dans le détail qu’il nous fait de la doctrine de la vraie repentance. Il demande miséricorde et pardon et en ajoute la cause, parce qu’il est pécheur et qu’il reconnaît son péché, afin que Dieu seul soit trouvé juste, et que nous tous n’ayons que confusion de face ; il ajoute le fondement et la source de cette connaissance qu’il avait de son péché et de la justice de Dieu, c’est la parole de Dieu, car c’est par la parole que le péché est manifesté. Maintenant ce qu’il ajoute, doit rendre plus clair et plus excellent ce qu’il a dit ci-dessus ; car il nous découvre ici la cause du péché et comme la source et le fondement de toute l’affaire dont il s’agit, et montre pourquoi il confesse son péché, et implore la miséricorde, parce que, dit-il, j’ai été conçu en iniquité. Que pourrait-il y avoir de plus clair et de plus énergique ? Il ne dit point : J’ai tué Urie, j’ai commis adultère ; mais ramassant toute la corruption de la nature comme en un faisceau, il dit : J’ai été conçu dans le péché. Car il ne parle point de quelques œuvres particulières, mais de la matière même de son être, et il dit : La source même où j’ai puisé la vie est corrompue et absolument gâtée par le péché ; la matière dont j’ai été fait, cette boue dont mon fragile vaisseau a été formé, est sous le péché et sous la condamnation. Que dirai-je de plus ? Voilà ce que je suis ; voilà ce que sont tous les hommes. Je suis pécheur, non parce que j’ai commis adultère, ni parce que j’ai fait mourir Urie, mais j’ai commis adultère et j’ai fait mourir Urie, parce que je suis né pécheur et que même j’ai été conçu et formé dans le péché. Car nous ne sommes pas seulement pécheurs, parce que nous commettons tel ou tel péché ; mais plutôt nous commettons tels péchés, parce que nous étions déjà pécheurs auparavant. C’est l’arbre gâté et pourri qui produit le fruit pourri ; et d’une mauvaise racine, il ne saurait croître qu’un mauvais jet.
Cette matière du péché originel est une de ces matières que la raison ignore ; mais elle s’apprend de la loi et des promesses de Dieu. Saint Paul est le seul d’entre les apôtres qui traite cette matière (ex professo) ou à fond et d’une manière particulière ; sans doute que les autres l’ont omis par cette considération, que cette doctrine était comme de main en main et par une continuelle profession que l’Église en faisait, assez connue. Moïse la touche aussi dans son psaume 90 : Tu as mis nos iniquités devant la clarté de ta face : où il insinue assez clairement que nous sommes devant Dieu des objets de sa colère, et que nous sommes soumis à la mort à cause de cette colère dont nos péchés, que Dieu voit et connaît, sont la cause. La source de ces péchés et de la colère qu’ils attirent, c’est que notre chair et notre nature ont été corrompus dans le paradis terrestre par la chute d’Adam, de sorte que l’homme n’a plus de véritable amour, ni de crainte, tant envers Dieu qu’envers soi-même, qui soit bien réglé. Et sans doute que cette doctrine était demeurée par une tradition consécutive dans l’Église, jusques à ce que Moise et David, l’eurent pleinement couchée dans leurs écrits ; et après eux l’apôtre Saint Paul. Ils avaient certainement puisé cette doctrine dans les deux premiers commandements, et dans la promesse faite à Adam et à Abraham ; car, comme elles promettent la bénédiction, elles insinuent que notre nature est sous la malédiction et sous le règne du Diable, dans lequel il n’y a que ténèbres, haine de Dieu et défiance.