Mon Dieu, je ne sais pas employer le temps que tu m’accordes. Je perds, des heures, et j’occupe des minutes. Je suis inactif ou mal occupé des journées entières pour, ensuite, travailler à la hâte lorsqu’il faudrait se reposer ; en sorte que je te désobéis et lorsque je perds mon temps et lorsque je l’emploie, et quand je fais le mal et quand je fais le bien. Il faut que la nuit vienne pour que je m’aperçoive que j’ai dissipé ma journée. Alors, je renvoie au lendemain ; mais le lendemain, quand il n’est pas l’image de la veille, est pire encore ! Combien de temps encore tromperai-je ma conscience par de vains projets ? quand cesserai-je de dire, en présence du devoir : « Demain, ce soir, dans une heure ? » quand dirai-je : « A présent ! » Cependant la vie passe, coule, tarit. La mort est là, le jugement la suit, et ce jugement sera le mien. Ensuite, l’Eternité ! Je n’ai qu’un instant pour agir, une éternité pour me reposer ; et cet instant, je le perds ! Folie, ingratitude, lâcheté ! Seigneur, arrête-moi sur cette pente ; règle toi-même l’emploi de mes heures ; que toujours je choisisse l’occupation la plus sainte, non pour l’accomplir plus tard, mais sans retard ; que j’emploie à agir le temps que je mets à préparer l’ajournement. Que je retranche de ma vie toute parole vaine, toute action indifférente, toutes ces méditations sans but et sans terme. Que je me dise bien que chaque heure apporte avec elle son devoir. Fais-moi sentir que si « à chaque jour suffit sa peine, » la peine d’aujourd’hui ne doit pas non plus être reportée à demain. Hélas ! il n’est que trop vrai que je me préoccupe du lendemain, mais c’est pour m’en inquiéter et non pour en accomplir la tâche d’avance ; tandis que la tâche de chaque jour, je la renvoie au jour suivant, ainsi toujours inquiet et jamais occupé. Seigneur, donne-moi de racheter le temps avant que vienne l’heure où l’ange s’écriera : « Il n’y a plus de temps ; » voici l’éternité !