Synonymes du Nouveau Testament

57.
Χρόνος, καιρός
Temps, occasion

Plusieurs fois dans le N. T., mais toujours au pluriel, on rencontre ensemble χρόνοι καὶ καιροί (Actes 1.7 ; 1 Thessaloniciens 5.1) ; dans les Septante, quelquefois, Sagesse 7.18 ; 8.8, deux, passages instructifs ; Daniel 2.21 ; et au singulier, dans Ecclésiaste 3.1 ; Daniel 7.12, mais dans ce dernier endroit la leçon est douteuse. Grotius (sur Actes 1.7) croit que la différence entre ces deux mots ne consiste que dans la plus grande durée des χρόνοι comparée aux καιροί, et il écrit : « χρόνοι aunt majora temporum spatia, ut anni ; καιροί minora, ut menses et dies » Comparez Bengel : « χρόνων partes καιροί ». Cette distinction, sans être inexacte, est au moins insuffisante et n’atteint nullement au cœur de la chose.

Χρόνος est le temps, envisagé simplement comme tel, la succession de moments (Matthieu 25.19 ; Apocalypse 10.6 ; Hébreux 4.7) ; αἰῶνος εἰκὼν κινητή, comme Platon l’appelle (Tim. 37, d.) ; διάστημα τῆς τοῦ οὐρανοῦ κινήσεως, selon Philon (De Mund. Op., 7) ; en allemand « Zeitraum », comme distinct de « Zeitpunkt ».

Ainsi Severianus (Suicer, Thes., s. 5.) : χρόνος μῆκός ἐστι καῖρος εὐκαιρία. Καιρός, dérivé de κείρω, comme « tempus » de « temno », c’est le temps considéré comme mettant au monde ses produits divers ; ex. : καιρὸς θερισμοῦ (Matthieu 13.30) ; καιρὸς σύκων (Marc 11.13) ; Christ est mort κατὰ καιρόν (Romains 5.6) ; et surtout comparez, comme formant une sorte de description du mot, Ecclésiaste 3.1-8. Χρόνος, on le voit d’après cela, embrasse tous les καιροί possibles, et étant le mot le plus étendu, et qui renferme le plus de sens, il peut être souvent employé où καιρός aurait été également à sa bonne place — mais l’inverse ne peut pas avoir lieu ; ainsi nous avons χρόνος τοῦ τεκεῖν, le temps d’enfanter (Luc 1.57) ; πλήρωμα τοῦ χρόνου (Galates 4.4), la plénitude, ou la maturité du temps pour la manifestation du Fils de Dieu, nous nous serions attendu à trouver plutôt τοῦ καιροῦ, ou τῶν καιρῶν ; cette dernière expression se rencontre en effet dans Ephés.1.10. Il y a donc toute raison de croire que les χρόνοι ἀποκαταστάσεως (Actes 3.21) sont identiques aux καιροὶ ἀναψύξεως qui venaient justement mentionnés. Il est donc possible de parler du καιρὸς χρόνου comme Sophocle le fait (Elect. 1292) : χρόνου γὰρ ἄν σοι καιρὸν ἐξείργοι λόγος, mais non du χρόνος καιροῦ. Comparez Olympiodore (Suicer, Thes. s. 5. χρόνος) : χρόνος μέν ἐστι τὸ διάστημα καθ᾽ ὁ πράττεταί τι. καιρὸς δὲ ὁ ἐπιτήδειος τῆς ἐργασίας χρόνος. ὥστε ὁ μὲν χρόνος καὶ καιρὸς εἶναι δύναται. ὁ δὲ καιρὸς οὐ χρόνος ἀλλ᾽ εὐκαιρία τοῦ πραττομένου ἐν χρόνῳ γινομενή. Ammonius : ὁ μὲν καιρὸς δηλοῖ ποιότητα χρόνου, χρόνος δὲ ποσότητα.

D’après ce qui a été dit, on verra qu’alors que les apôtres demandent au Seigneur : « Est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? » et qu’il leur répond : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les saisons » (χρόνους ἢ καιρούς, Actes 1.6-7), « les temps » (χρόνοι) signifient, pour parler avec St. Augustin, « ipsa spatia temporum », les temps envisagés simplement au point de vue de la durée de l’Église ; mais les « saisons » (καιροί) sont les jointures ou les articulations de ce temps, les époques critiques, les périodes que Dieu a prédéterminées (καιροὶ προτεταγμένοι Actes 17.26), et où tout ce qui a été lentement préparé, et souvent sans attirer les regards, à travers de longs siècles, est mûr et vient au jour dans ces grands événements qui constituent à la fois la fin d’une période et le commencement d’une autre : telle fut la proclamation du christianisme comme religion de l’Empire romain ; telle la conversion des tribus de la Germanie en deçà des limites de l’Empire ; tel le grand réveil qui accompagna le premier établissement des divers Ordres mendiants ; telle, à bien meilleure raison, la Réformation ; tel, par dessus tout, sera le retour du Seigneur (Daniel 7.22).

Le latin ne possédait pas de terme équivalent pour rendre καιροί, St. Augustin s’en plaint (Ep. 197.2) ; « Græce legitur χρόνους ἢ καιρούς. Nostri autem utrumque hoc verbum tempora appellant, sive χρόνους, sive καιρούς, cum habeant hæc duo inter se non negligendam differentiam : καιρούς quippe appellant Græci tempora quædam, non tamen quæ in spatiorum voluminibus transeunt, sed quæ in rebus ad aliquid opportunis vel importunis sentiuntur, sicut messis, vindemia, calor, frigus, pax, bellum, et si qua similia ; χρόνους autem ipsa spatia temporum vocant. » D’accord avec ces plaintes, la Vulgate nous présente les traductions les plus variées de καιροί, aussi souvent que ce mot se combine avec χρόνοι, et ne peut donc pas être rendu par « tempora », qui est en général la traduction de χρόνοι. Ainsi « tempora et momenta » (Actes 1.7 ; 1 Thessaloniciens 5.1), « tempora et œtates » (Daniel 2.21), « tempora et sœcula » (Sagesse 8.8) ; d’autre part un commentateur moderne du N. T., écrivant en latin, nous donne « tempora et articuli » ; Bengel : « intervalla et tempora ». On dirait que l’expression « tempora et opportunitates » remplirait toutes les conditions. St. Augustin a prévu cette traduction et en a démontré l’insuffisance, en s’appuyant sur le fait que « opportunitas » (« opportunum tempus ») exprime la saison convenable, favorable (εὐκαιρία), tandis que καιρός peut être le moment le moins propice, le plus défavorable de tous, car la notion essentielle du mot est le moment critique et précis du temps, le moment prévu, la saison prédestinée. Que καιρός élève ou détruise, qu’il offre un secours efficace ou qu’effectivement il empêche, le mot ne le fait point présumer en aucune manière (« sive opportuna, sive importuna sint tempora, καιροί dicuntur »)d.

dΚαιρός correspond au sanscrit Kâla ; selon Pott, il tient de la racine Kar, faire, et dirait ainsi au fond : tempus agendi ; des savants distingués identifient aussi, au point de vue de l’extraction littérale, καιρός avec l’all, wede et, l’angl. while. Dr A. Scheler.

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