On ne peut bien comprendre celle qui se lit au chapitre 42 des révélations du prophète Esaïe, à moins que de la rapporter tout entière, Elle est conçue en ces termes : Voici mon serviteur, je le maintiendrai. C’est mon élu, mon âme y prend son bon plaisir. J’ai mis mon esprit sur lui : il mettra en avant jugement aux nations. Il ne criera point, et ne se haussera point, et ne fera point ouïr sa voix par les rues. Il ne brisera point le roseau cassé, et n’éteindra point le lumignon fumant. Il mettra en avant jugement en vérité. Il ne se hâtera point, ni se retirera point qu’il n’ait mis règlement en la terre ; et les îles s’attendront à la loi. Ainsi a dit le Dieu fort ; l’Éternel qui a créé les cieux, etc. Moi l’Éternel t’ai appelé en justice, et je prendrai ta main et te garderai, et te ferai être l’alliance du peuple et la lumière des nations, afin d’ouvrir les yeux qui ne voient goutte, et de retirer les prisonniers hors du lieu auquel on les tient enserrés, et ceux qui sont dans les ténèbres hors de prison. Je suis l’Éternel, c’est là mon nom : je ne donnerai point ma gloire à un autre, ni ma louange aux images taillées. Voici les choses de ci-devant sont avenues, et je vous en annonce de nouvelles, et je vous les ferai entendre avant qu’elles soient avenues. Chantez à l’Éternel un nouveau cantique. Que sa louange soit dès le bout de la terre. Que tous ceux qui descendent en la mer, et tout ce qui est en elle, les îles et leurs habitants, le désert et les villes, élèvent leurs voix, etc. Qu’ils donnent gloire à l’Éternel, et publient sa louange aux îles, etc.
Il s’agit de savoir quel est ce serviteur de Dieu dont il est parlé dans cet oracle. Les uns soutiennent que c’est le peuple d’Israël ; les autres disent que c’est Jérémie le prophète ; et nous prétendons que c’est le Messie promis aux Juifs. Il n’est pas difficile de montrer qui sont ceux qui se trompent.
Ceux qui prétendent qu’il soit parlé du peuple d’Israël dans cet oracle, se fondent sur ce qu’il est dit de la nation des Juifs aux versets 19-21 du même chapitre : Qui est aveugle si ce n’est mon serviteur ? Qui est sourd comme mon messager que j’ai envoyé ? Qui est aveugle comme celui que j’ai rendu accompli ? Qui est aveugle comme le serviteur de l’Éternel ? Vous voyez beaucoup de choses, et ne prenez garde à rien. Vous avez les oreilles ouvertes, et n’entendez rien. L’Éternel prenait plaisir en lui à cause de sa justice ; il magnifiait la loi, et le rendait honorable. Mais c’est ici un peuple pillé et fourragé, etc.
Ces dernières paroles ne nous permettent point de douter qu’il ne s’agisse dans cet endroit du peuple d’Israël ; mais on ne peut pas faire avec raison le même jugement des dix premiers versets de ce chapitre, qui contiennent la prophétie que nous examinons. Ce qui le montre démonstrativement, c’est que celui dont Dieu parle dans ces termes : Voici mon serviteur, je le maintiendrai. C’est mon élu, etc., doit être non seulement la lumière des nations, mais encore l’alliance du peuple, et qu’il serait absurde de dire que le peuple soit l’alliance du peuple, sans parler encore de tous les autres caractères de cette prophétie qui ne saurait convenir à la nation des Juifs.
Pour Jérémie, quelque illustre qu’il ait été entre ces serviteurs de Dieu, je ne sais comment on ose lui appliquer un éloge aussi grand et aussi magnifique que celui qui est contenu dans l’oracle que nous examinons. Car, premièrement, il n’est pas assez distingué des autres prophètes pour être ainsi distingué de tous les hommes. C’est mon élu, mon âme prend en lui son plaisir. J’ai mis mon esprit sur lui ; il annoncera jugement aux nations. Moi l’Éternel t’ai appelé en justice. D’ailleurs, est-ce à Jérémie qu’il appartient d’éteindre ou de n’éteindre pas le lumignon fumant, de briser ou de ne briser pas le roseau cassé ? Est-ce Jérémie qui annonce jugement aux nations, qui met règlement en la terre, et qui fait que les îles s’attendent à la loi ? Et peut-on dire, sans impiété, que Jérémie soit l’alliance du peuple et la lumière des nations ?
Certainement il n’y a que Jésus-Christ à qui tout cela convienne véritablement, et duquel on puisse dire encore, qu’il ouvre les yeux qui ne voient goutte, qu’il délivre les prisonniers, et qu’il éclaire ceux qui étaient dans les ténèbres. C’est par Jésus-Christ, et non par aucun autre, que Dieu a exercé jugement sur les idoles et sur les images taillées. C’est à la venue de Jésus-Christ que Dieu a fait annoncer des choses nouvelles, les faisant néanmoins prédire avant qu’elles arrivassent. C’est alors que la louange de l’Éternel a commencé de s’étendre jusqu’aux bouts de la terre, qu’on a donné gloire à Dieu, et qu’on a publié sa louange aux îles.
Quand cet oracle ne serait point aussi clair qu’il l’est en effet, à quel autre qu’à Jésus-Christ pourrait-on appliquer celui qui se lit au chapitre 9 des révélations du prophète Zacharie : Egaie-toi grandement, fille de Sion ; jette des cris de réjouissance, fille de Jérusalem ; voici ton roi viendra à toi étant juste, et qui se garantit de par soi-même, humble et monté sur un âne, et sur un ânon poulain d’ânesse, etc. Et le roi ne parlera que de paix aux nations, et sa domination sera depuis une mer jusqu’à l’autre, et depuis le fleuve jusqu’au bout de la terre. Vit-on jamais cette union de justice, de bassesse, de puissance, de paix en un autre que Jésus-Christ ? Et de quel autre que de lui pourrait-il être vrai qu’il est juste, roi, humble ; qu’il vient sur le poulain d’une ânesse ; qu’il parle de paix aux nations ; que, quoique abject, il doit faire l’allégresse de Sion ; et que sa domination doit être depuis le fleuve jusqu’aux bouts de la terre.