Comme il a été l’écho des esprits plus cultivés dans les questions les plus hautes du dogme, saint Jean Damascène a été aussi l’écho des chrétiens plus humbles par l’attachement dont il témoigne pour les croyances et les pratiques populaires, et d’ailleurs louables, de son temps.
Après le Christ, il place Marie aussi haut et aussi près de Dieu que possible : on ne saurait trop la louer : elle est ὑπερυμνητός. Jean connaît tous les récits qui ont cours sur sa naissance, sa présentation, son séjour au temple. Contre les nesto riens, il revendique sa maternité divine ; contre les antidicomarianites sa virginité perpétuelle, ante, intra, post partum. Il proclame son absolue sainteté. Il croit à l’incorruption de son corps après la mort, et à son assomption corporelle dont il décrit, d’après les apocryphes, les merveilleuses circonstances.
Après la Vierge, on doit honorer (τιμητέον) les saints ordinaires : ils sont les enfants et les héritiers de Dieu, les amis de Jésus-Christ, les patrons, les protecteurs du monde et des fidèles pour qui ils intercèdent. Ce ne sont pas seulement leurs âmes qui sont dignes de nos hommages : les reliques de leurs corps, autrefois temples de l’Esprit-Saint, le sont aussi.
A la Croix est due une adoration spéciale (προσκυνητέον), à cause de son contact avec la chair de Jésus- Christ. On en peut dire autant des clous, de la lance du crucifiement, et, proportion gardée, des vêtements du Sauveur, de son berceau, de la grotte de sa naissance, du Golgotha et des lieux où il a séjourné.
Inutile de rappeler les plaidoyers de notre auteur en faveur du culte des images : ils ont été analysés plus haut. Notons seulement, comme dernier trait qui le caractérise, la haute estime qu’il manifeste pour la vie monastique et pour l’état de virginité. Il a consacré à ce dernier sujet tout un chapitre, le 24e du livre iv de son exposé de la foi orthodoxe.
De l’eschatologie chrétienne saint Jean Damascène n’a traité un peu longuement qu’une seule question, celle de la résurrection des corps contre les manichéens. La fin du monde sera précédée de la venue de l’antéchrist. Né de la fornication et instrument du diable qui habitera en lui, l’antéchrist séduira les âmes et sera adoré dans le temple de Jérusalem. Il fera périr Hénoch et Elie reparus pour convertir les juifs ; mais, à son tour, sera exterminé par Jésus-Christ descendu du ciel.
Sa défaite sera suivie de la résurrection générale. Ce même corps terrestre et mortel qu’ont eu les hommes ici-bas reprendra vie, c’est-à-dire se trouvera de nouveau uni à l’âme. Saint Jean en établit le fait par un appel à l’Écriture, à l’histoire sainte, à la justice de Dieu qui doit punir ou récompenser le corps avec l’âme : quant à la possibilité du fait, elle repose tout entière sur la toute-puissance de Dieu.
Après la résurrection viendra le jugement général. Deux sortes de sentences seulement y seront prononcées. Le diable et ses démons, l’antéchrist, les impies seront condamnés et jetés au feu éternel, car après la mort, il n’y a point, pour les pécheurs, de conversion possible. Ce feu ne sera point matériel (οὐχ ὑλικόν) comme le nôtre, mais tel que Dieu sait (οἷον ἂν εἰδείη ὁ ϑεός). Les élus, au contraire, seront appelés à vivre éternellement avec Jésus-Christ et ses anges dans la joie, la contemplation et les louanges de Dieu.
On remarquera que saint Jean Damascène ne parle ni de la prière pour les morts, ni du purgatoire ; et il semble même qu’il exclut cette dernière croyance dans son Dialogue contre les manichéens. L’Eglise grecque cependant admettait sûrement, nous le savons, les suffrages pour les défunts.