Saint Épiphane est né vers l’an 315 d’une famille chrétienne, au hameau de Besanduke près d’Éleuthéropolis en Palestine, et l’éducation pieuse qu’il a reçue dès son enfance a donné à toute sa vie une définitive orientation. De bonne heure, il visite l’Egypte et ses moines, et revenu chez lui, à l’âge de vingt ans, il fonde près d’Eleuthéropolis un monastère dont il prend la direction. Il y passe trente ans dans l’étude et la retraite. En 367, il est choisi comme évêque de Constantia, l’ancienne Salamine, dans l’île de Chypre, et traverse, sans en souffrir, le règne de Valons. En 376-377, on le trouve activement mêlé à la controverse apollinariste, écrivant contre son ancien ami Apollinaire qu’il condamne à regret. En 382, il est à Rome en compagnie de saint Jérôme, reçu chez Paula qu’il confirme dans sa résolution de venir aux lieux saints. Puis commence la controverse origéniste et la querelle avec Jean de Jérusalem. Il y fait, sans s’en douter, le jeu de Théophile d’Alexandrie. Au dernier moment cependant, il paraît comprendre, à la ferme attitude de saint Chrysostome, qu’il s’est trompé, et quitte précipitamment Constantinople pour rentrer à Constantia. Il meurt sur le vaisseau qui le ramène, en 413.
De son vivant, Épiphane était déjà considéré comme un saint à miracles, et la postérité n’a pu porter sur sa vertu que le même jugement. On est d’accord aussi pour louer son érudition qui était considérable. L’évêque de Constantia connaissait le grec, l’hébreu, le syriaque, le copte et même un peu le latin : pour l’époque, c’était un prodige. Il avait lu beaucoup, et il a inséré dans ses ouvrages un grand nombre de documents précieux. Malheureusement, sa critique est peu sûre : dès qu’il sort des faits contemporains, ses renseignements doivent être contrôlés : ils sont confus et imprécis. Une certaine étroitesse d’esprit le rend d’ailleurs incapable de se mettre au point de vue de ses adversaires ; une orthodoxie tâtillonne et soupçonneuse lui fait voir, dans de simples opinions ou des erreurs bénignes, des monstres d’hérésie. C’était un tempérament tout d’une pièce, manquant d’une certaine finesse intellectuelle et de l’expérience du monde. Ses erreurs de conduite n’ont été chez lui que l’effet d’une simplicité dont on a abusé.
Quant à son style, il est sans caractère : Épiphane n’en prend aucun soin. Son grand défaut est surtout la prolixité. Il semble à l’auteur qu’il n’a jamais assez confondu l’erreur, et il multiplie les pages là où quelques lignes suffiraient. On ne saurait le regarder comme un grand écrivain.
Un des plus anciens ouvrages de saint Épiphane est l’Ancoratus, le Bien-ancré, composé pour satisfaire à une demande qu’on lui avait faite de donner un exposé de la croyance chrétienne. L’Ancoratus date de 374 et contient en effet un exposé des principaux dogmes, complété à la fin par deux symboles de foi dont le second est l’œuvre de l’auteur.
A la suite de l’Ancoratus vient le Panarion, Boîte à remèdes (contre les hérésies), le principal écrit de l’évêque de Constantia, achevé en l’an 377. C’est une revue de toutes les hérésies, accompagnée d’une réfutation appropriée à chacune d’elles. Saint Épiphane en compte quatre-vingts ; mais pour arriver à ce chiffre (celui des concubines dans le Cantique), il a dû compter comme telles de simples erreurs philosophiques ou juives : c’est ainsi que les Barbares, les Scythes, les Hellènes, les Epicuriens, les Stoïciens, les Pharisiens, etc. sont qualifiés d’hérétiques. La valeur de l’ouvrage n’est pas la même dans toutes les parties. Assez faible pour les trois premiers siècles quand l’auteur n’utilise pas saint Irénée ou saint Hippolyte, elle est fort grande pour le deuxième et le troisième quart du ive siècle où l’auteur a vécu. Les réfutations qui suivent les exposés offrent généralement peu d’intérêt. Tout le livre se termine par un résumé de la doctrine et de la discipline chrétiennes.
L’Anacéphaléosis ou Récapitulation du Panarion qui le suit dans les éditions n’est pas de la main de saint Épiphane, bien qu’elle ait été composée peu après l’apparition de l’ouvrage complet.
D’autre part, on a de saint Épiphane deux traités d’archéologie biblique. L’un, Sur les mesures et les poids des Hébreux, dépasse de beaucoup l’objet de son titre. En trois parties, il s’occupe successivement du canon et des versions de l’Ancien Testament, des poids et des mesures, de la géographie biblique : c’est plutôt un essai qu’un écrit achevé. L’autre traité Sur les douze pierres du pectoral du grand prêtre est une explication allégorique de leur symbolisme. L’ouvrage n’est complet que dans une version latine mutilée vers la fin : il est antérieur de peu à 394.
Signalons enfin deux lettres, conservées en latin, qui sont tout ce qui reste de la correspondance de saint Épiphane. Un fragment de lettre contre le culte des images est un faux iconoclaste. Les sermons, commentaires et autres écrits attribués à l’évêque de Constantia sont également à rejeter comme apocryphes.