L’ange de l’Éternel est l’ange par excellence, mais ce n’est pas le seul dont parle le Pentateuque. Moins souvent que dans les livres postérieurs, mais quelquefois pourtant, on y trouve mentionnés d’autres envoyés divins. Le Pentateuque ne parle pas de la création des anges ; le premier chapitre de la Genèse a autre chose en vue, la création de la terre venant aboutir à l’homme. En revanche, un passage du livre de Job (Job 38.7) nous apprend positivement que les anges existaient déjà lorsque la terre fut créée. Dans Genèse 32.2, où ils sont appelés le camp de Dieu, dans Deutéronome 33.2, où ils apparaissent comme formant le glorieux cortège de l’Éternel, et dans Genèse 28.12, on peut dire que les anges n’ont point d’activité propre et qu’ils ne sont que les multiples organes de la puissance divine. Si l’on voyait des anges dans les fils de Dieu de Genèse 6.1, ce serait là un passage unique en son genre.
[« Or il arriva que quand les hommes eurent commencé à se multiplier sur la terre et qu’ils eurent engendré des filles, les fils de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, en prirent pour leurs femmes, de toutes celles qui leur plurent. Alors l’Éternel dit : Mon Esprit ne contestera pas toujours avec les hommes ; car aussi ne sont-ils que chair : que leurs jours soient de six-vingts ans ! En ce temps-là il y avait des géants sur la terre, et après cela encore, après que les fils de Dieu se furent joints aux filles des hommes et qu’elles leur eurent donné des enfants, ce furent les hommes forts qui ont été de tout temps gens de renom. » Nous ne parlerons que pour sa bizarrerie de l’opinion d’Onkélos, qui voyait dans les fils de Dieu des princes, des patriciens, et dans les filles des hommes des plébéiennes, en sorte qu’après tout ce seraient des mésalliances qui auraient ainsi attiré sur l’humanité le courroux céleste. — La question est celle-ci : Faut-il voir dans les fils de Dieu des Séthites ou des esprits supérieurs ? Dans ce second cas, nous n’aurions ici rien moins qu’une chute dans le monde des Anges. Ce passage ainsi compris serait seul de son espèce dans l’A. T. et rappellerait au contraire certains mythes païens. Mais ce ne serait pas là une raison suffisante pour repousser cette interprétation, si vraiment, il y avait dans le texte quelque chose qui la favorisât. — Ce passage a été l’occasion de discussions très vives entre Kurtz et Hengstenberg. Kurtz en 1857 et 1858 a publié deux brochures pour prouver que ces fils de Dieu sont des Anges, et c’est maintenant l’opinion la plus répandue. Il nous est impossible de nous y ranger.]
Il est bien vrai que les anges, à cause de l’intime communion dans laquelle ils vivent avec Dieu, sont plusieurs fois appelés fils de Dieu (Job 1.6 ; 2.1 ; Psaumes 29.1 ; 89.7 Dans ces deux Psaumes nous rencontrons l’expression de בני אלים au lieu de בני אלהים. Je crois que c’est, non pas un pluriel de majesté, mais un double pluriel de בנ–אל. Nous avons dans 1 Chroniques 7.5. un exemple analogue de double pluriel : גבורי חילים hommes des vaillances, au lieu de : גבורי חיל, hommes de vaillance.). C’est ce qui a engagé la plupart des Pères de l’Église et bien des modernes, comme Hofmann, Kurtz et Delitzsch, à voir dans Genèse 6.1, des anges et non pas des hommes, antique opinion, puisqu’elle remonte jusqu’au livre de Hénoch. — Mais plusieurs Pères, ainsi que Hengstenberg, Keil et Dettinger, s’appuyant sur des passages non moins nombreux où le nom de fils de Dieu est donné à des hommes (Deutéronome 14.1 ; 32.5 ; Osée 2.1 ; Psaumes 73.15), y voient des descendants de Seth, la partie de l’humanité où la crainte de Dieu s’était le mieux conservée, par opposition aux descendants de Caïn, qui étaient profondément corrompus. Par ces mariages, la corruption devint générale, et l’on comprend alors parfaitement le v. 3, où il est parlé de la méchanceté des hommes et non pas des anges, tandis que le contexte ne s’explique absolument pas si le v. 1er raconte un péché commis par des anges. En outre, l’expression de prendre pour femme indique toujours un mariage régulièrement conclu, et non pas des relations impures, des désordres de mœurs. On a dit que l’expression de filles des hommes, opposée à celle de fils de Dieu, doit nécessairement désigner l’humanité tout entière, et qu’elle ne peut pas se prendre dans un sens relatif. Mais voyez Jérémie 32.20 : « La mémoire de tes prodiges dure jusqu’à ce jour en Israël et chez les hommes. » (Ésaïe 43.4f ; Psaumes 73.5) On prétend que l’humanité primitive n’a pas pu se partager au point de vue moral en deux camps aussi profondément tranchés. Mais de quel droit ne tiendrait-on aucun compte du quatrième chapitre de la Genèse ? Comment ne pas remarquer, en particulier, le dernier verset de ce chapitre qui, en disant que c’est chez les Séthites que Dieu commença à être invoqué sous le nom de Jéhovah, montre évidemment en eux la race élue, la race de la révélation ? [Il y a dans Genèse 6.3, un mot que nos traductions négligent ordinairement et qui ne s’explique guère si l’on voit ici une chute des anges ; c’est le mot בשגם « à cause de leur égarement. » Et l’Éternel dit : « Mon Esprit ne contestera point à toujours avec les hommes à cause de leur égarement. Ils ne sont que chair. » ]
f – « Parce que tu as été précieux à mes yeux, tu as été rendu honorable et je t’ai aimé, et je donnerai les hommes pour toi et les peuples pour racheter ton âme. » « Lorsque les hommes sont en travail, les méchants n’y sont point. »
Le Pentateuque a un système d’anges beaucoup moins développé que les livres postérieurs de l’A. T., ce qui ne s’accorde absolument pas avec l’opinion d’après laquelle la religion de Moïse se serait élevée sur les ruines d’un polythéisme primitif, en sorte que les anges de l’A. T. seraient des dieux détrônés. Si tel était le cas, c’est dans les premiers livres de l’A. T., et non pas dans les derniers, que les anges devraient apparaître avec les fonctions et les noms les plus déterminés.
On a prétendu que les anges ne sont que la personnification de certaines forces naturelles ou de certaines interventions extraordinaires de Dieu dans le monde. On a cité Psaumes 104.4g. Mais ce passage ne prouve rien ici. Sans doute les forces de la nature y sont personnifiées, mais une semblable personnification suppose admise l’existence des anges. — Les anges du Pentateuque, — voyez surtout Genèse ch. 28, — sont tout autant d’anges de l’Éternel, seulement moins puissants que celui à qui ce nom est réservé. Or, l’ange de l’Éternel n’est point le produit d’une tendance humaine à personnifier les forces aveugles de la nature, mais bien d’une tendance divine à se rapprocher peu à peu du monde pécheurh.
g – On peut traduire ce verset de deux manières : « Il fait des vents ses messagers et des flammes de feu ses serviteurs. » Ou bien : « Il fait de ses messagers des vents… » Je préfère la première interprétation, qui est aussi la plus généralement admise.
h – Nous parlerons du Hazazel de Lévitique ch. 14 à propos de la fête des Expiations.