Les uns se croient à couvert de reproches parce qu’ils sont de fidèles maris, de bons pères de famille ; les autres, parce qu’ils sont intègres et sans fraude dans les contrats. Un Turc, quand même il viendrait à douter de la bonté de sa religion, pourtant ne saurait croire que Dieu veuille être si cruel que de damner et perdre tous les autres hommes, et ne sauver que les chrétiens seuls, qu’il voit vivre avec autant de dérèglement que lui : voilà comment les hommes raisonnent ; or ce qui pourrait être une vérité civile et politique est un mensonge devant Dieu ; mais Dieu supporte ces vérités politiques et même les récompense de biens temporels, en considération de la paix sans laquelle la vie, l’ordre et la société ne pourraient pas subsister : et pourtant toutes les vérités et les vertus politiques ne nous servent de rien devant Dieu ; mais il faut que nous ayons les vérités cachées, et cette sagesse secrète, qui est de nous sentir et de nous reconnaître pécheurs, et que pourtant dans ce sentiment, nous nous consolions contre les dards du Diable, du péché et de la conscience, par la vue de la grâce et de la miséricorde que Dieu promet sûrement à ceux qui seront de tels pécheurs, et que nous disions à Dieu avec notre prophète : Ô Dieu, tu aimes la vérité cachée, tu aimes ceux qui confessent devant toi leurs péchés, et qui embrassent tes promesses par la foi, et tu as promis que tu voulais faire miséricorde à de tels pécheurs. Et nous reconnaissons encore d’ici que cette vérité est bien cachée, que même les cœurs de ceux qui l’ont, ne peuvent pas se relever et se consoler comme ils le devraient, dans l’assurance que Dieu les aime lorsqu’ils sentent leurs péchés ; de sorte que le monde et notre conscience nous convainquent que cette vérité et cette sagesse de Dieu, est quelque chose de bien caché et de bien inconnu à la nature. Car si la raison et la nature corrompue qui se fait encore sentir dans les fidèles, ne s’opposaient à cette divine vérité cachée, il est certain qu’ils auraient déjà, dès cette vie, un paradis de joie et de délices célestes : mais la chair demeure chair, même dans les saints, et s’oppose sans cesse à l’Esprit et à la parole de Dieu, et son incrédulité nous crie sans cesse que Dieu, non seulement n’exauce point les pécheurs, mais que même il les hait. C’est là la sagesse et la connaissance de la chair qu’elle oppose toujours et par laquelle elle combat cette sagesse et cette vérité cachée de la grâce et de l’amour de Dieu pour les pécheurs qui sentent leurs péchés.
Ainsi ce verset est une espèce de réfutation des vérités et des sagesses du monde, qui se font valoir devant les hommes par leur fard et leur apparence, mais qui sont pourtant impies et fausses devant Dieu, surtout si l’homme y met quelquefois sa confiance, comme cela arrive ; par où il veut établir cette seule sagesse et vérité cachée, qui est que nous sommes des pécheurs perdus, et que Dieu ne veut point laisser périr, mais qu’il veut sauver par grâce ceux qui sentent leurs péchés et leurs misères, et qui se confieront en sa miséricorde. En dehors de cette vérité tout ce qu’on enseigne, qu’on croit, qu’on fait comme nécessaire et tendant au salut, est damnable et rejeté de Dieu comme mensonge et fausseté, parce que Dieu n’aime rien que cette vérité et cette sagesse cachée et céleste ; si vous comparez les sagesses du monde à cette sagesse cachée, vous les trouverez plus chancelantes et inconstantes que les flots de la mer : car que peut-il y avoir de ferme et de constant dans le monde ? Mais la sagesse des enfants de Dieu, est durable, parce qu’elle est fondée hors du monde, en Dieu et en sa parole.