Nous avons yci deux choses principales à regarder : c’est que la gloire de Dieu soit conservée en son entier, et que nos consciences puissent avoir repos et asseurance devant son jugement. Nous voyons combien de fois et en quelle diligence l’Escriture nous exhorte de rendre confession de louange à Dieu, quand il est question de justice. Mesmes l’Apostre tesmoigne que Dieu a regardé ceste fin, en nous conférant justice en Christ, de faire apparoistre la siene. Puis après il adjouste quelle est ceste démonstration : asçavoir, s’il est seul recognu juste, et justifiant celuy qui est de la foy de Jésus-Christ Rom. 3.25. Voyons-nous pas bien que la justice de Dieu n’est point assez esclarcie, sinon qu’il soit seul estimé juste, et communique le don de justice à ceux qui ne l’ont point mérité ? A ceste cause il veut que toute bouche soit fermée, et que tout le monde luy soit déclairé redevable : pource que ce pendant que l’homme a de quoy se défendre, la gloire de Dieu est d’autant diminuée. Pourtant il monstre en Ezéchiel, combien son Nom est glorifié de ce que nous recognoissons nostre iniquité. Il vous souviendra, dit-il, de vos œuvres et de tous vos forfaits, ausquels vous avez esté pollus : et vous desplairez en vous-mesmes en tous les péchez que vous avez commis. Et lors vous sçaurez que je suis le Seigneur, quand je vous auray fait miséricorde à cause de mon Nom, et non pas selon vos péchez et œuvres meschantes Ezéch. 20.43-44. Si cela est contenu en la vraye cognoissance de Dieu, qu’estans abatus, et comme menuisez de la cognoissance de nostre propre iniquité, nous réputions que Dieu nous fait bien sans que nous en soyons dignes : qu’est-ce que nous tentons avec nostre grand mal, de desrober à Dieu la moindre goutte du monde de ceste louange de bonté gratuite ? Semblablement Jérémie, criant que le sage ne se glorifie point en sa sagesse, ne le riche en ses richesses, ne le fort en sa force : mais que celuy qui se glorifie, se glorifie en Dieu Jér. 9.23-24 : ne dénote-il point par cela qu’il périt quelque partie de la gloire de Dieu, si l’homme se glorifie en soy-mesme ? Et de faict sainct Paul applique ce passage à ce propos, quand il dit que tout ce qui appartient à nostre salut a esté commis à Jésus-Christ comme en dépost, afin que nul ne se glorifie qu’en Dieu seul. Car il signifie que tous ceux qui cuident rien avoir de leur propre, se dressent contre Dieu pour obscurcir sa gloire.
Certes il est ainsi, que jamais nous ne nous glorifions en Dieu droictement, sinon estans démis de nostre propre gloire. Plustost il nous faut avoir ceste reigle générale, que quiconque se glorifie en soy, se glorifie contre Dieu. Car sainct Paul dit que lors finalement les hommes sont assujetis à Dieu quand toute matière de gloire leur est ostée. Pourtant Isaïe en dénonçant qu’Israël aura sa justice en Dieu, adjouste qu’il y aura aussi sa louange Esaïe 45.25, Comme s’il disoit que c’est la fin pour laquelle sont justifiez les esleus de Dieu, à ce qu’ils se glorifient en luy, et non ailleurs. Or la manière d’avoir nostre louange en Dieu, il l’avoit enseignée en la sentence prochaine : c’est que nous jurions nostre justice et nostre force estre en luy. Notons qu’il n’y a point une simple confession requise : mais confermée de jurement : afin qu’il ne nous semble que nous nous puissions acquitter de je ne sçay quelle humilité feinte. Et ne faut point que quelqu’un allègue qu’il ne se glorifie point, quand il répute sa propre justice sans arrogance. Car une telle estime ne peut estre, qu’elle n’engendre confiance, et confiance ne peut estre qu’elle n’enfante gloire. Qu’il nous souviene doncques que nous avons tousjours à regarder ce but, en disputant de la justice : c’est que la louange d’icelle demeure plene et entière à Dieu : puis que pour démonstrer sa justice, comme dit l’Apostre, il a espandu sa grâce sur nous afin d’estre juste, et justifiant celuy qui est de la foy de Christ Rom. 3.25. Pourtant en un autre lieu, après avoir dit que Dieu nous a donné salut, pour exalter la gloire de son Nom, comme répétant une mesme sentence, il dit derechef, Vous estes sauvez gratuitement : et ce du don de Dieu, non pas de vos œuvres, afin que nul ne se glorifie Eph. 2.8. Et sainct Pierre nous advertissant que nous sommes appelez en espérance de salut, pour raconter les louanges de celuy qui nous a tirez des ténèbres en sa clairté admirable 1Pi. 2.9, veut induire les fidèles à tellement chanter les louanges de Dieu seules, qu’elles imposent silence à toute présomption de la chair. En somme, il faut conclurre que l’homme ne se peut attribuer une seule goutte de justice sans sacrilège : veu que c’est autant amoindrir et abbaisser la gloire de la justice de Dieu. Certes il est ainsi, que jamais nous ne nous glorifions en Dieu droictement, sinon estans démis de nostre propre gloire. Plustost il nous faut avoir ceste reigle générale, que quiconque se glorifie en soy, se glorifie contre Dieu. Car sainct Paul dit que lors finalement les hommes sont assujetis à Dieu quand toute matière de gloire leur est ostée. Pourtant Isaïe en dénonçant qu’Israël aura sa justice en Dieu, adjouste qu’il y aura aussi sa louange Esaïe 45.25, Comme s’il disoit que c’est la fin pour laquelle sont justifiez les esleus de Dieu, à ce qu’ils se glorifient en luy, et non ailleurs. Or la manière d’avoir nostre louange en Dieu, il l’avoit enseignée en la sentence prochaine : c’est que nous jurions nostre justice et nostre force estre en luy. Notons qu’il n’y a point une simple confession requise : mais confermée de jurement : afin qu’il ne nous semble que nous nous puissions acquitter de je ne sçay quelle humilité feinte. Et ne faut point que quelqu’un allègue qu’il ne se glorifie point, quand il répute sa propre justice sans arrogance. Car une telle estime ne peut estre, qu’elle n’engendre confiance, et confiance ne peut estre qu’elle n’enfante gloire. Qu’il nous souviene doncques que nous avons tousjours à regarder ce but, en disputant de la justice : c’est que la louange d’icelle demeure plene et entière à Dieu : puis que pour démonstrer sa justice, comme dit l’Apostre, il a espandu sa grâce sur nous afin d’estre juste, et justifiant celuy qui est de la foy de Christ Rom. 3.25. Pourtant en un autre lieu, après avoir dit que Dieu nous a donné salut, pour exalter la gloire de son Nom, comme répétant une mesme sentence, il dit derechef, Vous estes sauvez gratuitement : et ce du don de Dieu, non pas de vos œuvres, afin que nul ne se glorifie Eph. 2.8. Et sainct Pierre nous advertissant que nous sommes appelez en espérance de salut, pour raconter les louanges de celuy qui nous a tirez des ténèbres en sa clairté admirable 1Pi. 2.9, veut induire les fidèles à tellement chanter les louanges de Dieu seules, qu’elles imposent silence à toute présomption de la chair. En somme, il faut conclurre que l’homme ne se peut attribuer une seule goutte de justice sans sacrilège : veu que c’est autant amoindrir et abbaisser la gloire de la justice de Dieu.
D’avantage, si nous cherchons comment la conscience peut avoir repos et resjouissance devant Dieu, nous ne trouvons point d’autre moyen, sinon qu’il nous confère justice de sa bénignité gratuite. Que nous ayons tousjours en mémoire ce dire de Salomon, Qui est-ce qui dira, J’ay nettoyé mon cœur : je suis purifié de mes péchez Prov. 20.9 ? Certes il n’y en a pas un qui ne soit chargé d’ordures infinies. Que les plus parfaits doncques descendent en leur conscience, et ameinent leurs œuvres à conte : quelle issue auront-ils ? se pourront-ils reposer, et avoir liesse de cœur, comme ayans fait avec Dieu ? Ne seront-ils pas plustost deschirez d’horribles torments, sentans toute matière de damnation estre résidente en eux, s’ils sont estimez par leurs œuvres ? Il faut certes que la conscience, si elle regarde Dieu, ait paix et concorde avec son jugement : ou bien qu’elle soit assiégée des terreurs d’enfer. Nous ne proufitons doncques rien en disputant de justice, sinon que nous establissions une telle justice, en la fermeté de laquelle l’âme estant fondée, puisse consister au jugement de Dieu. Quand nostre âme aura de quoy pour apparoistre devant Dieu sans estre estonnée, et attendre et recevoir sans doute et sans crainte son jugement, lors nous pouvons penser que nous avons trouvé une justice qui n’est point contrefaite. Ce n’est point doncques sans cause que l’Apostre presse et poursuyt tant fort ceste raison : des paroles duquel j’aime mieux user que des mienes : Si nous avons, dit-il, par la Loy la promesse de nostre héritage, la foy est anéantie, la promesse est abolie Rom. 4.14. Il infère premièrement, que la foy est évacuée et anéantie, si la justice regarde les mérites de nos œuvres, ou si elle dépend de l’observation de la Loy. Car nul ne pourroit seulement acquiescer en icelle, veu que jamais ne se trouvera personne qui s’ose promettre d’avoir satisfait à la Loy : comme de faict nul n’y satisfait plenement par ses œuvres. De laquelle chose afin que nous ne cherchions pas loing les probations, un chacun se peut servir de tesmoin en son endroict, quand il se voudra regarder de droict œil. Un chacun doncques seroit vexé de doute, puis après accablé de désespoir, en réputant en soy-mesme de combien gros fardeau de debtes il seroit grevé, et combien il seroit loing de la condition qui luy seroit proposée. Voylà desjà la foy opprimée et esteinte. Car vaguer, varier, estre agité haut et bas, douter, vaciller, estre tenu en suspens, finalement désespérer, n’est pas avoir fiance : mais c’est de confermer son cœur en une certitude constante et arrestée, et avoir un appuy solide où on se puisse reposer.
Il adjouste en second lieu, que la promesse seroit cassée et anéantie. Car si l’accomplissement d’icelle dépendoit de nostre mérite, quand serions-nous venus jusques à ce point de mériter la grâce de Dieu ? mesmes ce second membre se peut déduire de l’autre. Car la promesse ne sera point accomplie, sinon en ceux qui l’auront receue en foy. Pourtant, si la foy est décheue, la promesse n’a plus de vertu. Pourtant nous obtenons l’héritage en foy, afin qu’il soit fondé sur la grâce de Dieu : et qu’ainsi la promesse soit establie. Car elle est très-bien confermée, quand elle est appuyée sur la seule miséricorde de Dieu : d’autant que sa miséricorde et vérité sont conjoinctes ensemble d’un lien perpétuel : c’est-à-dire, tout ce que le Seigneur nous promet de sa bénignité, il nous le tient fidèlement. Pourtant David, devant que requérir que le salut luy soit donné selon la Parole de Dieu, met premièrement la cause en la miséricorde d’iceluy : Que tes miséricordes, dit-il, vienent sur moy, et ton salut selon ta promesse Ps. 119.76. C’est doncques yci qu’il nous faut arrester et profondément ficher toute nostre espérance : non pas destourner le regard à nos œuvres, pour en avoir quelque secours. Et de faict, sainct Augustin conseille d’en faire ainsi, afin que cela ne semble nouveau à personne : Jésus-Christ, dit-il, régnera à jamais en ses serviteurs. Dieu l’a ainsi promis, Dieu l’a dit : et si cela ne suffit, Dieu l’a juré. Parquoy d’autant que la promesse qu’il en a faite est ferme, non point à cause de nos mérites, mais selon sa miséricorde, il nous faut confesser sans crainte ce dont nous ne pouvons douter[l]. Pareillement sainct Bernard, Les disciples, dit-il, demandèrent à Jésus, Qui sera sauvé ? Il leur respondit que cela estoit impossible aux hommes, mais non pas à Dieu. Voyci doncques nostre fiance, voyci nostre consolation unique, voyci tout le fondement de nostre espérance[m]. Mais combien que nous soyons certains de son pouvoir : que dirons-nous de la volonté ? Qui est-ce qui sçait s’il sera digne de haine ou d’amour Ecc. 9.1 ? Qui est-ce qui a cognu le vouloir du Seigneur, ou a esté son conseiller 1Cor. 2.16 ? Il faut qu’en cest endroict la foy nous subvient Zach. 3.10. Il faut que la vérité nous secoure, afin que ce qui est caché de nous au cœur du Père, nous soit révélé par l’Esprit : et que son Esprit en nous rendant tesmoignage, nous persuade que nous sommes enfans de Dieu : qu’il le nous persuade, di-je, en nous appelant, et en nous justifiant gratuitement par la foy, qui est comme le moyen entre la prédestination de Dieu et la gloire de la vie éternelle. Brief, il nous faut ainsi conclurre : L’Escriture dénonce que les promesses de Dieu n’ont nulle vigueur et effect, qu’elles ne soyent receues de certaine fiance de cœur : d’autre part, elle déclaire que s’il y a doute ou incertitude au cœur, qu’elles sont rendues vaines. Puis après elle enseigne que nous ne pouvons autre chose que vaciller et trembler, si icelles promesses sont appuyées sur nos œuvres. Il faut doncques ou que toute justice nous soit ostée, ou que les œuvres ne vienent point en considération : mais plustost que la seule foy ait lieu, de laquelle la nature est de fermer les yeux, et dresser les aureilles : c’est-à-dire, d’estre fichée du tout en la seule promesse de Dieu, sans avoir esgard à aucune dignité ou mérite de l’homme. Ainsi est vérifiée ceste belle promesse de Zacharie : que quand l’iniquité de la terre aura esté effacée, un chacun appellera son voisin sous sa vigne et sous son figuier Zach. 3.10. Auquel lieu le Prophète signifie, que les fidèles n’ont autre jouissance de paix, qu’après avoir obtenu rémission de leurs péchez. (Car il faut entendre la coustume ordinaire des Prophètes : c’est que quand ils traittent du règne de Christ, ils proposent les bénédictions terriennes de Dieu comme figures, pour nous représenter les biens spirituels.) De là vient aussi que Christ est nommé maintenant Roy de paix Esaïe 9.5, maintenant Nostre paix Eph. 2.14 : pource que c’est luy qui appaise tous les troubles de la conscience. Si on demande par quel moyen : il faut nécessairement venir au sacrifice, par lequel Dieu a esté appaisé. Car jamais l’homme ne cessera de trembler en soy-mesme, jusques à ce qu’il viene à se bien résoudre que Dieu nous est fait propice seulement par la satisfaction que Christ a faite en portant la pesanteur de son ire. Brief, il ne nous faut chercher paix ailleurs qu’aux espovantemens et frayeurs de Christ nostre Rédempteur.
[l] In Psalm. LXXXVIII Tract. priore.
[m] Serm. V, In dedicat. templi.
Mais qu’est-ce que j’ameine un tesmoignage aucunement obscur, veu que sainct Paul déclaire si ouvertement par tout qu’il n’y demeure nulle joye paisible aux consciences, si ce point n’est résolu, que nous sommes justifiez par foy ? Il explique quant et quant dont vient telle certitude : asçavoir quand l’amour de Dieu est espandue en nos cœurs par le sainct Esprit Rom.5.1, 5 : comme s’il disoit que nos âmes ne peuvent autrement estre appaisées, que nous ne soyons du tout persuadez que nous sommes agréables à Dieu. Et voylà pourquoy ailleurs il s’escrie en la personne de tous fidèles : Qui est-ce qui nous séparera de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Rom. 8.35 ? Car jusques à ce que nous soyons arrivez à ce port, nous tremblerons à chacune bouffée de vent : mais ce pendant que Dieu se monstrera Pasteur envers nous, il y aura asseurance, voire en obscureté de mort Ps. 23.4. Parquoy tous ceux qui babillent que nous sommes justifiez par foy d’autant qu’après estre régénérez nous vivons justement, n’ont jamais gousté la douceur de ceste grâce, pour se confier que Dieu leur seroit propice. Dont il s’ensuyt qu’ils ne sçavent que c’est de bien et deuement prier, non plus que les Turcs et tous autres Payens. Car il n’y a vraye foy, tesmoin sainct Paul, sinon celle qui nous suggère ce nom tant doux et amiable de Père pour invoquer Dieu franchement : et mesmes qui nous ouvre la bouche pour oser crier haut et clair, Abba, Père Rom. 8.15 ; Gal.4.6. Ce qu’il explique ailleurs encores mieux, en disant que nous avons hardiesse et accès à Dieu en Jésus-Christ, avec fiance par la foy d’iceluy Eph.3.12. Cela ne peut venir du don de régénération, lequel comme il est imparfait pendant que nous vivons en la chair, aussi est enveloppé en beaucoup d’occasions de douter. Dont il est nécessaire de venir à ce remède, que les fidèles s’asseurent que le seul droict et tiltre qu’ils ont d’espérer que le royaume des cieux leur appartient, c’est qu’estans entez au corps de Christ ; ils sont gratuitement réputez justes. Car la foy n’apporte point de soy vertu pour nous justifier, ou nous acquérir grâce devant Dieu : mais reçoit de Christ ce qui nous défaut.