La question de la canonicité des livres du N. T. a des difficultés qui lui sont propres, et que celle qui vient d’être traitée ne partage pas avec elle. Tout à l’heure, nous en appelions au témoignage de Jésus et des apôtres comme couvrant une collection dès longtemps existante et reconnue, et dont les limites ne devaient plus être soumises dès lors, dans la tradition juive du moins, qu’à de légères et insignifiantes fluctuations. Ici, à moins de reconnaître à un concile du IVe siècle une autorité canonique dont l’origine serait à rechercher à son tour, toute garantie supérieure aux témoignages fournis par le répondant lui-même manque nécessairement au canon traditionnel du N. T. Nous devons reconnaître de plus qu’on ne saurait citer aucune attestation de Jésus-Christ visant spécialement et directement la future rédaction des enseignements apostoliques, et que nous devons nous contenter, pour les écrits des apôtres et des premiers témoins de Jésus-Christ contenus dans le N. T., de la garantie que nous avons dite donnée d’avance par le Maître à leur parole.
Si du moins la critique qui connaît, avons-nous dit plus haut, des questions de date et d’authenticité, nous donnait sur ces points directement connexes à celle de canonicité, des résultats relativement concordants, nos critères de canonicité s’édifieraient sur des données généralement consenties. Mais on sait qu’il n’en est rien. La question d’authenticité ne se pose pas, il est vrai, à l’égard d’un écrit anonyme, comme l’épître aux Hébreux, ou des parties anonymes du premier évangile, dans le cas où les λόγια mentionnés par Papias comme composés par Matthieu, désigneraient non pas l’écrit tout entier, mais seulement les cinq groupes de discours qui s’y trouvent ; car il est manifeste que l’intention de fraude n’existe ni dans un cas ni dans l’autre. Mais la question d’authenticité reprend toute sa gravité, s’il est reconnu qu’une épître du N. T. dont l’auteur se donne pour un apôtre, a été l’œuvre d’un faussaire.
Hors d’état, comme nous le sommes, d’établir un critère de canonicité uniforme et commun à tous les écrits contenus dans le canon traditionnel du N. T., nous aurons à opérer dans la matière soumise à notre enquête des classifications et aussi des graduations dérivées soit du contenu des écrits, soit de la personnalité des auteurs, et dont le premier avantage sera, ici encore, de diviser la difficulté.
Dans notre première division, qui porte, disons-nous, sur la matière même des écrits, nous opposons les parties historiques du N. T., les quatre évangiles et les Actes, aux parties didactiques et apocalyptiques.
Comme la matière de ces écrits était des faits, et des faits surnaturels et divins en eux-mêmes, qu’il ne restait plus qu’à trier, ordonner, narrer et, le cas échéant, soumettre à une appréciation morale, il est permis de dire que la perspicacité dans la recherche de ces faits, le discernement moral dans leur appréciation, la bonne foi qui n’accueille que le vrai et élimine le faux ou l’incertain, le souvenir aiguisé par une inspiration supérieure et sainte, enfin, le privilège d’auteurs contemporains ou très voisins des événements, et placés sous cette action intense du Saint-Esprit qui prolongea durant l’âge apostolique le miracle de la journée de la Pentecôte, pouvaient suffire à conférer à l’histoire des origines du christianisme l’autorité absolue et unique d’un témoignage issu de première source.
Nous distinguons trois groupes de ces livres déterminés par la personnalité de leurs auteurs : les écrits apostoliques ou proto-canoniques ; les écrits non apostoliques et anonymes ou deutéro-canoniques ; et les parties du N. T. reconnues inauthentiques et, par là même, extra-canoniques.
a. Les écrits proto-canoniques du Nouveau Testament
Nous demandons d’abord si l’origine apostolique, supposé même qu’elle soit bien prouvée, suffira pour conférera un écrit didactique ou apocalyptique le caractère de canonicité qui le rend normatif pour la foi et la science chrétiennes ; et à l’affirmative, il nous suffit d’opposer de nouveau, comme nous l’avons déjà fait dans la tractation générale de l’autorité morale et religieuse, la considération qu’au nombre des douze apôtres il s’en est trouvé un pour trahir son Maître, un autre pour le renier, un troisième pour refuser de croire au Ressuscité avant de l’avoir vu. Après la Pentecôte même, nous surprenons l’apôtre Pierre en flagrant délit de dissimulation, Galates 2.14, et Paul d’emportement, Actes 15.39 ; 23.1-4. Or, supposé le cas où un écrit serait sorti de la plume d’un de ces hommes pendant une de ces déchéances momentanées ou définitives, il ne nous paraît pas admissible que l’autorité apostolique eut pu suppléer l’autorité personnelle, qui aurait fait défaut.
Nous sommes donc obligé de reconnaître que la recherche des critères de canonicité se complique à mesure que nous nous éloignons de la personne du fondateur du christianisme, et que les témoignages explicites et directs, émanés de son autorité infaillible, commencent à nous manquer. Déjà nous nous voyons obligé de faire passer les témoignages apostoliques par une certaine filière, d’élever autour d’eux une sorte d’échafaudage auxiliaire qui rendra notre argumentation tout au moins plus lente et plus laborieuse.
Etant donné cependant un des écrits didactiques ou apocalyptiques du N. T., s’il est vrai que ni le caractère apostolique ni l’autorité personnelle de son au-leur, prises chacun isolément, ne sauraient constituer des garanties suffisantes de canonicité, il y aura lieu d’attendre de la conjonction de ces deux critères, et du mutuel appui qu’ils vont se prêter, le résultat que l’isolement de chacun d’eux nous empêcherait d’atteindre.
Si, en effet, j’ai reconnu chez les apôtres des hommes de Dieu ou même simplement d’honnêtes gens, je les tiendrai pour cette raison même incapables de commettre l’usurpation sacrilège qui consisterait à placer leurs idées propres, sauf avertissement de leur part, sous la garantie de leur titre auguste d’apôtres de Jésus-Christ. En s’annonçant comme tels, ils m’invitent à mettre les enseignements sortis de leur plume, comme jadis ceux sortis de leurs lèvres, au bénéfice des promesses faites par Jésus-Christ à ses premiers témoins ; à reconnaître librement l’autorité d’une parole supérieure à ma personne comme aux leurs.
Etant donné donc un écrit didactique ou prophétique du N. T., reconnu authentique par la critique, nous soumettons tout d’abord au contrôle de la conscience le caractère moral, qui respire à travers ces pages, de son auteur ; et s’il est avéré que cet auteur reconnu digne de foi s’intitule apôtre et parle ou écrit en cette qualité, j’accepte son témoignage non plus à l’égal de toute autre manifestation de la conscience ou de l’expérience chrétienne, fut ce la mienne, mais comme une norme pour la foi et pour la science chrétiennes.
Or, c’est à raison de cette conjonction de l’autorité personnelle et de l’autorité apostolique chez Pierre, Paul et Jean que nous donnons à l’épître dite Première de Pierre et aux écrits attribués à Paul et à Jean par la critique, le titre de proto-canoniques.
C’est en sa qualité reconnue d’apôtre de Jésus-Christ que Pierre, l’auteur de la première épître qui porte son nom, s’adresse aux « élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie » (1 Pierre 1.1), et le ton général de cet écrit ajoute en sa faveur l’autorité personnelle de l’auteur à celle du titre.
C’est également en sa qualité expresse et réitérée de témoin oculaire et auriculaire de Jésus-Christ que l’apôtre Jean s’adresse à son tour à l’Eglise universelle pour exposer devant elle et lui communiquer tous les trésors de joie, de sainteté et de vie renfermés dans la personne et dans l’œuvre de Jésus-Christ (1 Jean 1.1-2) ; et si l’Apocalypse appartient également à l’apôtre Jean, ce que je n’ai pas jusqu’ici de raison de mettre en doute, le caractère de révélation divine attribué par l’auteur à son écrit est compris dans la reconnaissance de son authenticité.
En inscrivant à son tour, en tête de chacune de ses épîtres, sauf le billet adressé à Philémon, et même à celles qui furent adressées à des particuliers (comp. 2 Timothée 1.11), son titre d’apôtre de Jésus-Christ, et en y mettant d’autant plus d’insistance que cette qualité paraissait être contestée par un parti entreprenant et puissant, Paul revendique expressément pour les enseignements compris sous ce titre l’autorité qui revient à des manifestations de la pensée divine elle-même ; et en louant les uns de les recevoir comme tels, 1Thes.2.13, en les exhortant à continuer à le faire, 2 Thessaloniciens 2.15 ; 3.4, 6, il avertit et menace ceux qui professeraient un sentiment contraire, 1 Corinthiens 14.37 ; Galates 1.6-12.
Ce qui augmente à nos yeux le crédit que méritent ces déclarations, ce qui confirme pour nous le fait dont Paul avait conscience, d’être auprès des Eglises le porte-parole du Seigneur lui-même, c’est que lui-même sait fort bien distinguer dans ses écrits entre les commandements de Jésus-Christ qu’il a reçus soit par la voie commune de la tradition, soit, comme les mystères du salut eux-mêmes, par révélation directe, des conseils qui lui sont inspirés par sa sagesse ou son expérience personnelles. Ceux-ci avaient toute l’autorité qui revenait à un chrétien aussi éminent et aussi sanctifié que lui, mais rien que celle-là, 1 Corinthiens 7.10, 25 ; comp. 1 Corinthiens 10.15 ; Philémon 1.8, 10.
Et ce sera seulement dans les cas où les apôtres distinguent expressément leur pensée propre de la révélation du Seigneur, leur témoignage de chrétien de celui d’apôtre ; ce ne sera que là où ils en appellent formellement à la sagesse et à l’intelligence communes à tous les croyants éclairés par le Saint-Esprit, que nous nous jugerons reçus à discuter respectueusement avec eux, sans jamais oublier l’avertissement cordial et significatif qu’ils nous donnent en ces mots : Et nous aussi, nous croyons avoir l’esprit du Seigneur !
b. Les écrits deutéro-canoniques du Nouveau Testament
Les écrits que nous désignons comme deutéro-canoniques, parce qu’ils forment par rapport aux écrits d’origine apostolique un second cercle plus excentrique, n’ont plus en leur faveur que le privilège encore très grand d’être issus de l’époque de fondation ; et nous avons déjà reconnu que tout en marquant une première dégradation, à partir des écrits apostoliques, ils tranchent absolument avec la littérature chrétienne immédiatement postérieure.
Des écrits faisant partie de ce second groupe, c’est l’épître de Jacques qui, pour la forme et le fond, nous paraît, malgré la sentence de Luther, se rapprocher le plus du type apostolique. L’épître aux Hébreux, si géniale et débordante qu’elle soit de sève et d’esprit, marque déjà la transition à l’exégèse ; et, par l’exubérance des images, l’étrangeté des rapprochements et l’usage qui y est fait du livre d’Enoch, l’épître de Jude marque l’extrême frontière du domaine canonique et annonce le voisinage de la littérature apocryphe.
Aucun de ces écrits cependant n’a démérité de la confiance dont il a été l’objet et de l’honneur qui lui a été fait. Ils nous rendent l’écho le plus immédiat et par conséquent le plus fidèle de la pensée apostolique. Ils demeurent les rares monuments de ce premier âge d’où sortit toute formée et déjà adulte cette Eglise chrétienne qui devait fournir une carrière d’au moins dix-neuf siècles. Ces livres dits deutéro-canoniques du N. T. partagent d’ailleurs avec tous les écrits bibliques le caractère pratique ; tous sont utiles pour enseigner, convaincre, corriger et instruire dans la justice. Leur thème principal ou unique est le salut qui est en Jésus-Christ, se réalisant dans les deux actes principaux de la justification et de la sanctification.
c. Les parties extra-canoniques du Nouveau Testament
Nous rangeons dans cette troisième catégorie des morceaux ou des versets notoirement interpolés dans les écrits canoniques, dans un intérêt soit historique, comme Marc 16.9-20 ; Jean 8.1-11 ; soit dogmatique, comme 1 Jean 5.7 ; et l’épître dite seconde de Pierre, dont nous ne saurions admettre, sous sa forme actuelle du moins, l’authenticité, ni par conséquent reconnaître la canonicité.
« Les principaux signes de l’inauthenticité de cette épître, a écrit Néander, sont la différence de caractère et de style existant entre elle et la premièrei ; la façon dont l’épître de Jude y est soit copiée, soit imitée ; la supposition faite par l’auteur qu’il écrit aux mêmes Eglises que celles auxquelles la première était adressée, tout en indiquant une toute autre situation des lecteurs par rapport à lui-même. (Les lecteurs de la seconde, en effet, auraient été instruits personnellement par Pierre, ce qui n’était pas le cas de ceux de la première.) Puis l’auteur trahit l’écrivain apocryphe par la manière dont il cherche à se faire passer pour Pierre. Dans 2 Pierre 1.14, il fait allusion à la parole Jean 21.18, mais en la détournant de son emploi naturel. Pour se désigner comme un témoin authentique de la vie de Jésus, il invoque le souvenir de la transfiguration. Or il n’est pas admissible que de toute la carrière de Christ dont il avait été le témoin, ce soit ce trait si peu central et essentiel, plutôt que les souffrances et la résurrection, qu’un apôtre ait songé à relever de préférence. La désignation de la montagne qui fut le théâtre de la transfiguration comme d’une « sainte montagne », trahit également l’auteur postérieur transportant à ce lieu le qualificatif de l’ancienne Sion. On jugera de même suspecte la façon dont les erreurs désignées dans l’épître de Jude comme contemporaines, sont annoncées ici d’un ton prophétique comme futures. Les doutes motivés par le retard du retour de Christ, attendu comme imminent à l’époque apostolique, trahissent également une époque postérieure. Ce qui est dit de l’origine du monde et de sa ruine prochaine ne répond pas non plus au caractère simple et pratique du langage apostolique. La façon dont sont citées les épîtres de Paul confirme les soupçons dont cette épître est l’objet. En citant la parole Romains 2.4, dans 2 Pierre 3.15, l’auteur laisse entendre qu’elle était adressée aux mêmes lecteurs que sa propre épître. La collection des épîtres de Paul est mentionnée comme déjà existante, et il est supposé que le même thème est traité dans toutes. Ces épîtres sont désignées comme γραφαὶ, ce qu’un apôtre n’eût certainement pas fait à l’égard des écrits d’un autre apôtre, attendu que cette appellation est réservée dans les épîtres apostoliques aux écrits de l’A. T.j »
i – Cette raison a déjà été relevée par saint Jérôme : « Denique et duæ epistolæ quæ feruntur Petri stylo et charactere inter se discrepant, ex quo intelligimus pro necessitate rerum, eum diversis interpretibus usum. »
j – Geschichte der Pflanzung und Leitung der christl. Kirche, tome IL page 455, note.
Nous pouvons ajouter à ces raisons le fait de moindre importance, mais significatif encore, que l’auteur de la seconde de Pierre se désigne comme Simon Pierre (2 Pierre 1.1), tandis que celui de la première ne se souvient plus que du nom que Jésus lui avait donné (1 Pierre 1.1).
Pour ces raisons de critique interne, qui nous paraissent plausibles et qui s’ajoutent en les confirmant, à celles tirées de la critique externe, nous nous abstiendrons de fonder une doctrine dogmatique sur le seul témoignage de l’épître dite : seconde de Pierre.
La méthode dont nous venons de tenter l’application, et qui a été déjà résumée en tête du tome III, dans les Propositions empruntées à la Canonique, a été, elle aussi, examinée et approuvée quant au fond par M. l’abbé de Broglie dans les articles précités. Le principal ou même l’unique reproche qu’il lui fait, c’est d’être d’une application trop difficile pour la plupart des fidèles :
« Les critères de canonicité des livres de l’A. T., avions-nous écrit, résident dans les témoignages rendus à l’autorité de ces livres par Jésus et les apôtres, et les critères de canonicité des livres du Nouveau Testament résultent à la fois du caractère de l’époque dont ils sont issus, de la qualité de leurs auteurs et des témoignages qui leur ont été rendus par Jésus-Christ, ou que ces auteurs se sont rendus à eux-mêmes. »
En reproduisant ce paragraphe, M. de Broglie ajoute : « N’est-il pas évident que la fixation d’un canon d’après ces signes distinctifs est une œuvre scientifique très compliquée et très délicate, qui demande un jugement droit en même temps qu’une vaste éruditionk ? »
k – Correspondant, 1890, no d’octobre, pages 60 et 61.
Nous n’en disconvenons pas, et sommes les premiers à nous reconnaître inférieurs à la tâche que nous nous étions imposée. Et il est certain que si Dieu avait permis que l’Ecriture sainte et le Nouveau Testament, en particulier, ressemblât davantage à un acte notarié et dûment paraphé, nous l’aurions, pour notre part, de beaucoup préféré. Notre sécurité y eût trouvé son compte, et peut-être aussi notre paresse. Mais étant donné le canon tel que la Providence nous l’a fait parvenir, il ne s’agit plus de savoir si notre méthode est simple ou compliquée, mais seulement si elle est adaptée à la réalité des faits. Quant aux simples fidèles, s’ils se plaignaient d’être oubliés, nous leur ferions observer que les raisons qui leur suffisent personnellement pour leur faire reconnaître dans la Bible la parole de Dieu, ne répondent peut-être pas à toutes les nécessités de la lutte et à toutes les exigences de l’adversaire.
On pourra se demander comment il se fait que le canon de l’A. T. suit mieux garanti, plus fermement délimité que celui du Nouveau. L’un est, pour ainsi dire, attesté d’office par le Maître et les apôtres ; contre les écrits contenus dans l’autre semble pouvoir et devoir être retournée la norme énoncée par Jésus-Christ : le témoignage que l’on se rend à soi-même n’est pas digne de foi. Nous répondons que ce caractère de l’un et de l’autre canon répond à celui des deux alliances elles-mêmes et des deux révélations. C’est la même raison pour laquelle l’institution mosaïque a prescrit au fidèle Israélite tous les détails, même les plus minutieux de l’existence, abandonnés par l’alliance nouvelle à la loi de l’esprit et de la liberté, laquelle, par d’autres procédés d’ailleurs, est aussi impérieuse et même l’est plus encore que la loi de la lettre.
Les critères de canonicité que nous venons de formuler sont ceux que nous avons cru pouvoir établir par le raisonnement. Ils représentent un minimum qui n’exclut point, qui appelle au contraire le seul vrai et décisif critère de l’autorité divine des Ecritures, le témoignage qui leur est rendu par le Saint-Esprit dans la conscience, le cœur et l’expérience de chaque fidèle. Plus d’une fois, sans doute, ce témoignage supérieur effacera dans la pratique les lignes de démarcation que nous avons cru devoir établir entre les divers groupes des livres du N. T. Cependant les distinctions que nous avons faites, plus ou moins indifférentes à l’édification que j’attends de la lecture des saintes lettres, devront être respectées dans un exposé scientifique de la doctrine chrétienne.
L’exposé de principes semblables aux nôtres en matière de canonique a de tout temps suscité dans le peuple de l’Eglise deux objections, inspirées toutes les deux par la raison d’utilité ; l’une : Où s’arrêtera-t-on ? l’autre : Que nous reste-t-il ?
A la première nous répondons : A chaque jour de la vie et à chaque chapitre de la dogmatique suffit sa peinel.
l – Je suis convaincu d’avoir fait tort dans mon Histoire de la dogmatique (tome III) à la dogmatique protestante de langue française au XVIIIe siècle. Etourdiment, sur la foi de mes autorités et spécialement du Catalogue de la Bibliothèque des pasteurs et ministres neuchâtelois, que je croyais complet, j’ai fait croire au public qu’il n’avait pas paru de dogmatique protestante en langue française entre la Théologie chrétienne de Pictet (1721) et la Dogmatique chrétienne de Chenevière, 1840. C’était avouer à mes lecteurs que je n’avais pas pâli sur la Théologie chrétienne de Pégorier, 2e édit., Amsterdam, 1726 ; ni sur le Traité complet de théologie spéculative et pratique de Stackhouse, trad. de l’anglais, Lausanne, 1742 ; ni non plus sur la Théologie chrétienne de J. P. Secrétan, Lausanne 1774. Cette omission m’a été révélée par M. Arnaud, d’abord dans un article inséré dans l’Eglise libre, puis dans l’Avant-propos du Manuel de dogmatique, page VII, dont acte.
A la seconde : Ce qui nous reste après toutes les éliminations, retranchements et distinctions que nous venons de faire dans le document des révélations bibliques, c’est le devoir et le privilège de chercher la parole de Dieu dans l’Ecriture, comme les témoignage de la sagesse, de la puissance et de la bonté de Dieu dans la nature. Il nous reste la Bible qui fut l’instrument de la Réformation du XVIe siècle ; le livre où Luther a retrouvé pour lui-même et pour le monde la vérité qui sauve… Et le seul châtiment — suffisamment grave — infligé à celui qui, pour des raisons non frivoles, rejette telle parole, tel chapitre ou tel livre de l’A. ou du N. T., c’est, dans la proportion de la valeur et de l’importance de cette partie de la révélation pour la foi et la vie chrétiennes, le châtiment d’en être privé.