Par notre discussion précédente sur la liberté et sur les conditions morales où était placé l’homme primitif, nous avons acquis comme résultat la possibilité chez l’homme du bien et du mal ; — la possibilité du bien, d’abord, puisque sans la liberté de choix ou le libre arbitre, on peut parler d’un bien physique sans doute (Genèse 1.31), mais non pas du bien moral proprement dit, du bien suprême, qui ne peut être que le produit de l’activité d’un être moral et libre ; — la possibilité du mal, ensuite ; possibilité, disons-nous, et non pas réalité, ni nécessité ; car si la réalité du mal est un mal, — ce n’est pas là une vérité de La Palisse, puisqu’elle est niée, — la possibilité du mal est un bien, en ce qu’elle est la condition même du bien. Mais cette possibilité s’est convertie en réalité ; la liberté humaine s’est déterminée pour le mal ; la nature humaine est devenue pécheresse, viciée et vicieuse. C’est là un fait d’expérience, à côté duquel la science philosophique et théologique ne saurait passer légèrement. D’ailleurs ce fait est si général et si persistant qu’il a modifié le bien lui-même, et qu’il est désormais impossible de comprendre et de traiter celui-ci, sans s’être rendu compte de la nature, de l’essence et des conséquences de celui-là. Pour étudier le bien sous sa forme actuelle, c’est-à-dire la nature humaine régénérée, mais encore engagée dans le conflit avec la nature pécheresse, il faut avoir considéré préalablement l’état de la nature humaine altérée et modifiée par le péché.
C’est là le sujet que traite la troisième section de notre seconde partie ; mais comme cette modification a eu lieu par le péché, nous devons faire précéder l’étude de cet état de l’étude de sa cause ou de son facteur, le péché en soi.
Nous subdiviserons donc cette section en deux chapitres :
- Du péché considéré en lui-même, ou Ponérologie.
- De la nature humaine pécheresse.
Nous avons déjà traité dans la Dogmatique, sous le titre de Hamartiologie, l’histoire extérieure et objective du péché dans l’univers et dans l’humanité. Nos données dogmatiques resteront nécessairement supposées dans la tractation de notre sujet actuel, qui est circonscrit à la nature et aux effets psychologiques du péché.