De Barby, le comte se rendit à Herrnhout où il passa l’hiver de 1750 à 1751. Cette communauté était dans l’état le plus florissant. Pendant les dix années d’exil de Zinzendorf, le Seigneur s’était chargé de la protéger et l’avait, comme nous l’avons vu, mise à l’abri de la guerre qui sévissait autour d’elle. « Durant tout ce temps-là, » a dit Zinzendorf, « Herrnhout a été comme un tabernacle de Dieu au milieu des hommes ; personne n’en a remué un clou ! » L’émigration de Herrnhaag venait de lui donner un accroissement tout nouveau.
Le séjour du comte à Herrnhout pendant cet hiver fut pour la communauté une bénédiction d’un prix immense ; ce fut une compensation à la perte considérable qu’elle fit en ce temps-là par la mort de l’homme qui, après lui, avait le plus de titres à sa vénération et à sa reconnaissance : Christian David, l’instrument du réveil de la Moravie, le fondateur de Herrnhout, le premier missionnaire au Groënland, délogea le 3 février 1751.
De Herrnhout, le comte visita une communauté voisine, celle de Nieski, fondée en 1742 par des émigrés bohêmes sur les terres de M. de Gersdorf ; il se rendit un peu plus tard à Gnadenberg et à Barby, et enfin à Ebersdorf. Là, comme partout, il se trouva entouré d’une grande troupe de pèlerins, qui l’y avaient accompagné, rejoint ou devancé. C’étaient surtout des ouvriers de l’église, avides de recueillir de sa bouche des encouragements et des conseils. Comme il allait les quitter pour longtemps, il eut avec eux une conférence de trois jours, dans laquelle il leur exposa les principes qui, dès l’origine, avaient dirigé l’Unité des Frères, et qu’avait confirmés l’expérience. Dans son discours d’adieu, il leur parla de lui-même avec un entier abandon. « Je ne suis dans mon élément, leur dit-il, que lorsque je m’occupe jour et nuit de la Parole de Dieu et du salut des âmes. C’est ce que je regarde comme la vocation que j’ai reçue de Dieu, et je crois qu’en 1727b j’étais bien dans la carrière qui me convenait. » Puis, continuant à leur raconter sa vie, il se plaignait de toutes les choses qui étaient venues dès lors à la traverse et l’avaient si souvent empêché de travailler à l’affaire qu’il avait le plus à cœur.
b – La première année de son séjour à Herrnhout après qu’il eut quitté Dresde.
Au nombre de ces choses, il mentionna entre autres ses efforts multipliés, et le plus souvent inutiles, pour gagner à la cause du Sauveur des rois et d’autres grands de la terre ; puis le grand désir qu’il avait toujours eu de rester en bons termes avec ses anciens amis. Pendant vingt ans, disait-il, il s’était donné une peine indicible pour y parvenir, et n’avait cependant point réussi à lever les malentendus qui tendaient à les éloigner de lui ; enfin, tout en reconnaissant que ses relations avec les savants de diverses universités avaient eu quelque chose de providentiel et n’étaient pas demeurées absolument sans fruit, il regrettait d’y avoir perdu trop de temps et de les avoir laissé devenir pour lui un véritable sujet de distraction.
En terminant, il déclara que dorénavant il s’en tiendrait aux devoirs spéciaux de son ministère et se garderait avec soin de tout ce qui pourrait l’en détourner.
Le comte partit peu après pour la Suisse. Il s’arrêta huit jours à Montmirail dans le comté de Neuchâtel. On y accourut des environs pour le voir et l’entendre. Dans un des discours qu’il y prononça, il parla avec effusion de son commerce intime avec le Sauveur. « Tout ce qui intéresse mon cœur, dit-il, tout ce qui occupe mon esprit, tout cela je puis le lui confier et le lui remettre. Il y a telle affaire dont je n’oserais ennuyer le moindre des Frères qui sont à mon service ; — eh bien ! je puis m’en décharger sur le Sauveur, la confier à son oreille, l’épancher dans son cœur fidèle. C’est là une inclination de l’âme, une ouverture de cœur toute naturelle ; on n’y réfléchit pas longtemps, cela va de soi : la joie et la douleur, le plaisir et l’inquiétude, le beau et le laid, on porte tout au Sauveur. »
De Montmirail, Zinzendorf se rendit directement à Londres par la France.