1.[1] Après sa mort, les affaires des Israélites furent de nouveau en mauvais état, faute de gouvernement, et leur négligence à rendre hommage à Dieu et à obéir aux lois l'aggrava encore. Aussi, plein de mépris pour le désordre qui régnait dans leur État, Eglon, le roi des Moabites, porta la guerre contre eux, et, après avoir eu la victoire dans beaucoup de combats et soumis ceux qui montraient plus de fierté que les autres, humilia tout à fait leur puissance et leur imposa tribut. Puis, s'étant établi une résidence royale à Jéricho[2], il ne négligea rien pour molester le peuple et les réduisit à la pauvreté pendant dix-huit ans. Mais Dieu, ayant pris pitié des souffrances des Israélites et exaucé leurs supplications, les arracha aux violences des Moabites. Ils furent délivrés de la façon suivante.
[1] Juges, III, 12.
[2] Dans l'Écriture, Jéricho n'est pas nommée. On trouve l'expression « ville des palmiers ». Le Targoum traduit aussi par Jéricho. Cette interprétation est remarquable, puisqu'elle semble ignorer la destruction de Jéricho par Josué. Il est vrai que Jéricho est encore mentionnée nommément sous David (II Samuel, X, 5).
2.[3] Un jeune homme de la tribu de Benjamin, nommé Eoud(ès)[4], fils de Géra, rempli d'une hardiesse virile et doué pour l'action de grandes aptitudes corporelles, avec une adresse particulière dans la main gauche, où résidait toute sa force, habitait également à Jéricho ; il devint le familier d'Eglon, le flattant par des présents et cherchant à capter sa confiance, et arriva ainsi à être très aimé aussi des gens de l'entourage du roi. Un jour qu'avec deux serviteurs il apportait des présents au roi, s'étant ceint en secret d'un poignard autour de sa cuisse droite, il pénétra auprès de lui ; on était en été et, comme midi était venu, les gardes étaient relâchées, à cause de la chaleur et parce qu'on était occupé à dîner, le jeune homme, ayant donc donné les présents à Eglon, qui se tenait dans une salle bien aménagée contre la chaleur, entra en conversation avec lui. Ils étaient seuls, le roi ayant ordonné aux serviteurs qui entraient de se retirer parce qu’il avait à causer avec Eoud. Il était assis sur un trône, et Eoud fut pris de peur de manquer son coup et de ne pas lui faire une blessure mortelle. Il le fait donc lever en lui disant qu’il a un songe à lui raconter sur l'ordre de Dieu. Le roi, dans la joie d'entendre un songe, se lève en sautant de son trône, mais Eoud, l'ayant frappé au cœur et laissé le poignard dans la blessure, sort en poussant les portes. Les serviteurs demeurèrent en repos, pensant que le roi s'était abandonné au sommeil.
[3] Juges, III, 15.
[4] Hébreu : Ehoud. Josèphe traduit exactement les mots benhayyemini de l’Écriture par « de Benjamin ». Les LXX font de yemini, non un adjectif, mais le nom du grand-père d'Ehoud.
3.[5] Quant à Eoud, mettant les gens de Jéricho au courant secrètement, il les exhorta à ressaisir leur liberté. Ceux-ci l'écoutèrent avec, plaisir, coururent eux-mêmes aux armes et envoyèrent des messagers par le pays pour donner le signal à son de cornes de bélier ; car c'était ainsi qu'on avait coutume de convoquer le peuple. Les gens d'Eglon ignorèrent longtemps le sort du roi ; mais quand vint le soir, craignant qu’il ne lui fût arrivé quelque chose d'insolite, ils pénétrèrent dans la salle, et trouvant son cadavre, se virent dans un grand désarroi. Avant que la garnison pût se réunir, la foule des Israélites marchait sur eux. Les uns sont aussitôt massacrés ; les autres prennent la fuite, pensant se sauver en Moabitide ; ils étaient plus de dix mille. Mais les Israélites, qui avaient occupé d'avance les gués du Jourdain, les pourchassèrent et les tuèrent ; pendant le passage ils en massacrent une quantité et pas en n'échappa de leurs mains. C'est ainsi que les Hébreux furent délivrés de la servitude des Moabites. Eoud, qui fut pour cette raison honoré du gouvernement de tout le peuple, mourut après avoir occupé sa charge pendant quatre-vingts ans[6], homme digne d'éloges, même indépendamment de l'exploit précité. Après lui[7], Sanagar(os), fils d'Anath(os), élu pour gouverner, mourut la première année de son gouvernement[8].
[5] Juges, III, 26.
[6] La Bible dit simplement (Juges, III, 30) : Et le pays fut en repos pendant 80 ans. Il n'est pas question d'une judicature d'Aod (Eoud).
[7] Juges, III, 31.
[8] L'Écriture ne donne pas de durée pour Samgar : elle ne dit pas non plus qu'il ait été juge.