« Ecoutez mes paroles. S’il y a parmi vous quelque prophète de l’Éternel, je me fais connaître à lui en vision ; je parle avec lui en songe. Il n’en est pas ainsi pour mon serviteur Moïse. Il est fidèle dans toute ma maison. Je parle avec lui bouche à bouche ; il me voit, non pas obscurément, mais il voit la figure de l’Éternel. Comment donc n’avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur Moïse ? » (Nombres 12.6-8) Tel est le passage capital sur la matière qui nous occupe ; il distingue trois états principaux dans lesquels peuvent se trouver les organes de la révélation quand Dieu leur parle : le songe, la vision et la vue immédiate de la divinité. Cette troisième manière de percevoir les révélations est supérieure aux deux premières.
Pour ce qui est d’abord du songe חלום, l’A. T., comme toute l’antiquité, le considère comme un moyen, mais un moyen inférieur, que Dieu peut employer pour faire connaître sa volonté. Il y a trois passages qui prouvent l’infériorité du songe vis-à-vis des autres modes de révélation : Ce sont 1° 1 Samuel 28.6 : « L’Éternel ne répondit rien à Saül, ni par songe, ni par Urim, ni par prophète » ; il y a ici une gradation évidente, et le songe occupe le degré inférieur ; 2° Deutéronome 13.2-5, où l’on voit que des songes ne suffisent point pour prouver qu’on soit un vrai prophète ; et surtout 3° Jérémie 23.28-29, où les songes sont la paille, et la parole de Dieu le froment. On pourrait encore citer Ecclés.5.3,6 : « Les songes viennent de la multitude des occupations. » « Où il y a beaucoup de songes et de vanité, il y a aussi beaucoup de paroles. Mais toi, crains l’Éternel ! » Tandis que les prophètes n’en appellent jamais à des songes pour augmenter l’autorité de leurs discours, nous voyons que c’est précisément de cette manière que Dieu parle aux hommes qui, sans être proprement des prophètes, reçoivent exceptionnellement des révélations divines. C’est à la cour de Pharaon et de Nébukadnézar que les songes jouent le plus grand rôle ; la supériorité de Joseph et de Daniel sur les devins, et par conséquent du vrai Dieu sur les faux dieux, doit éclater à tous les yeux. En dehors de ces deux époques décisives, l’A. T. ne nous présente que le songe du Madianite dans l’histoire de Gédéon (Juges 7.13), et celui de Salomon à Gabaon (1 Rois 3.5). Dans Job 33.15, Elihu montre comment Dieu peut se servir de rêves pour réveiller les consciences endormies.
Quant à la vision, le plus souvent מחזה, dans Nombres 12.6-8, מראה, dans Genèse 15.1, חזיון, Ésaïe .2.1, elle suppose déjà chez l’âme qui en est honorée, une élévation préalable dans un état extraordinaire. Dans Gen. ch. 15, où il en est parlé pour la première fois, c’est pendant un sommeil extraordinairement profond que s’ouvre l’œil Intérieur d’Abraham. — Mais il n’y a pas toujours une distinction tranchée entre la vision et le songe. En tous cas, ces deux modes de révélation ont ceci, de commun qu’ils ont tous deux besoin d’être interprétés.
Il en est autrement de cette vue immédiate de Dieu qui est accordée à Moïse lorsque l’Éternel parle avec lui bouche à bouche. Ici point de voiles, point d’images ; point de représentation de l’Éternel, comme dans Exode 24.10, lorsqu’Aaron et les anciens d’Israël montèrent sur le Sinaï. Dans 1 Corinthiens 13.12, Paul, qui pensait probablement à Nombres 12.6-8, en écrivant ce verset, parle de la contemplation face à face, comme d’une manière de connaître Dieu dont nous ne jouirons que dans la vie future. C’est une chose caractéristique qu’aux yeux de l’A. T., une révélation perçue d’une manière claire et consciente est quelque chose de supérieur à l’extase. — Une croyance assez répandue dans l’antiquité païenne, c’était que parfois le voile de l’avenir se déchirait pour les mourants ; voyez les pressentiments d’Hector dans l’Iliade 6, 447. Nous trouvons quelque chose de semblable dans les bénédictions de Jacob et de Moïse (Genèse ch. 49 et Deutéronome ch. 33).