- Le firmament a-t-il été créé le deuxième jour ?
- Y a-t-il des eaux au-dessus du firmament ?
- Le firmament divise-t-il les eaux d'avec les eaux ?
- Y a-t-il un ciel seulement, ou plusieurs ?
Objections
1. Il est dit dans la Genèse : « Dieu appela le firmament ciel. » Or le ciel a été fait avant n'importe quel jour, comme il ressort des paroles : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. »
2. Les œuvres des six jours sont ordonnées selon la sagesse divine. Or, il ne conviendrait pas à la sagesse divine qu'elle fît en second ce qui est par nature premier. Or, le firmament est par nature antérieur à l'eau et à la terre, lesquelles sont cependant mentionnées avant la formation de la lumière qui eut lieu le premier jour.
3. Tout ce qui a été fait pendant les six jours est constitué à partir de la matière, qui fut créée antérieurement à n'importe quel jour. Mais le firmament ne pouvait être formé à partir d'une matière préexistante ; sinon il serait susceptible de génération et de corruption. Le firmament n'a donc pas été fait le deuxième jour.
En sens contraire, on lit au début de la Genèse : « Et Dieu dit : que le firmament soit. » Et on lit ensuite : « Et il y eut un soir et il y eut un matin, deuxième jour. »
Réponse
S. Augustin enseigne qu'il y a deux règles à observer dans ces questions : 1. Tenir indéfectiblement que l'Écriture sainte est vraie. 2. Quand l'Écriture peut être expliquée de plusieurs manières, personne ne doit donner à l'une des interprétations une adhésion tellement absolue que, dans le cas où il serait établi par raison certaine que cela est faux, on ait la présomption d'affirmer que tel est le sens de l'Écriture : de peur que la Sainte Écriture n'en vienne à être tournée en ridicule par les infidèles, et qu'ainsi le chemin de la foi ne leur soit fermé.
On doit donc savoir que lorsque nous lisons qu'au deuxième jour le firmament fut créé, cela peut s'entendre en un double sens.
1. Du firmament où sont les astres. Et de ce point de vue il faut que nous donnions des explications différentes selon les diverses conceptions que les hommes se font du firmament. - Certains ont dit que ce firmament est composé à partir des éléments. C'était l'opinion d'Empédocle, qui pourtant affirme que ce corps était indissoluble parce que, dans sa composition, il n'y avait pas de haine mais seulement de l'amitié. — D'autres ont soutenu que le firmament est de la nature des quatre éléments, toutefois non pas comme composé des éléments, mais comme étant un élément simple. C'était l'opinion de Platon, qui affirmait que le corps céleste appartenait à l'élément du feu. — D'autres avancèrent que le ciel n'était pas de la nature des quatre éléments, mais qu'il était un cinquième corps distinct de ceux-ci. Telle est l'opinion d'Aristote.
Si l'on s'en tient à la première opinion, on peut concéder de façon absolue que le firmament a été fait le deuxième jour, même quant à sa substance. Car il revient à l'œuvre de la création de produire la substance même des éléments, et aux œuvres de distinction et d'ornement de donner des formes à partir des éléments préexistants. — Selon l'opinion de Platon, il ne convient pas de croire que le firmament ait été fait au deuxième jour quant à sa substance ; car, dans cette conception, faire le firmament c'est produire l'élément du feu : or la production des éléments relève de l'œuvre de la création pour ceux qui tiennent qu'un état informe de la matière a précédé temporellement son information ; les formes des éléments sont en effet ce qui survient en premier dans la matière. — Si l'on adopte l'opinion d'Aristote, on peut encore bien moins affirmer que le firmament fut produit, quant à sa substance, au deuxième jour, dès lors que, par les jours, on entend désigner une succession temporelle. En effet, le ciel est de nature incorruptible ; il a donc une matière qui ne peut être sujette d'une autre forme ; il est donc impossible que le firmament ait été fait à partir d'une matière temporellement préexistante. — En conséquence, la production de la substance du firmament revient à l'œuvre de la création. Cependant, dans les deux opinions citées, une certaine information du firmament convient au deuxième jour ; Denys dit de même que la lumière du soleil demeura informe pendant les trois premiers jours de la création, puis qu'elle fut informée le quatrième jour. — Par contre, si, avec S. Augustin, on entend par ces jours, non une succession temporelle, mais un ordre de nature, rien n'empêche de dire que selon n'importe laquelle de ces opinions la formation du firmament dans sa substance appartient au deuxième jour.
2. On peut encore entendre d'une autre manière l'affirmation que le firmament fut fait au deuxième jour. Le firmament ne signifierait pas ce sur quoi sont fixés les astres, mais cette partie de l'air où se condensent les nuages et le mot de « firmament » serait employé pour la désigner en raison de la consistance de l'air en cette partie ; car ce qui est épais et solide est appelé « corps ferme, pour le différencier du corps mathématique », dit S. Basile. Aussi S. Augustin recommande-t-il cette explication en ces termes : « J'estime que cette considération mérite tout à fait d'être louée ; car ce qu'elle énonce n'est pas contre la foi, et d'autre part peut être admis aussitôt qu'on a lu le texte. »
Solutions
1. Selon S. Jean Chrysostome, Moïse aurait d'abord énoncé globalement ce que Dieu a fait, en mettant en tête : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » ; puis il l'aurait développé par parties. Comme si quelqu'un disait : « Cet ouvrier a fait cette maison », et puis ajoutait : « D'abord il a fait les fondations, puis il a dressé les murs, et troisièmement il a posé le toit. » Ainsi n'avons-nous pas à entendre qu'il s'agisse d'un ciel différent quand il est dit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », et lorsqu'il est affirmé que le firmament a été fait le deuxième jour.
Mais on peut dire qu'autre est ce ciel que l'Écriture dit avoir été créé au commencement, et celui dont elle place l'apparition au deuxième jour. Cette interprétation se présente de diverses manières. — Selon S. Augustin, le ciel fait le premier jour est la nature spirituelle informe, et le ciel que nous disons avoir été fait le deuxième jour est le ciel corporel. — Selon Bède et Strabon, le ciel du premier jour est le ciel empyrée, et le firmament du deuxième jour est le ciel sidéral. — Pour S. Jean Damascène, le ciel du premier jour est une sorte de ciel sphérique sans étoiles, dont parlent les philosophes, disant qu'il est la neuvième sphère et le premier mobile, et il serait mû du mouvement diurne. Quant au firmament du deuxième jour, il serait à entendre du ciel sidéral.
Il est une autre explication que suggère S. Augustin : le ciel du premier jour serait le ciel sidéral lui-même, et le firmament du deuxième jour serait à entendre de l'espace d'air où se condensent les nuages et qui est aussi appelé ciel par équivocité. Et ce serait justement pour signaler cette équivocité qu'il serait dit expressément : « Dieu appela le firmament le ciel », comme il a été dit auparavant : « Il appela la lumière jour » ; car le mot jour est aussi employé pour désigner un espace de vingt-quatre heures. Maïmonide observe que la même remarque peut être faite à d'autres passages.
Ce qu'on vient de dire donne la solution des objections 2 et 3.
Objections
1. Par nature l'eau est pesante. Or, le lieu propre de ce qui est pesant n'est pas le haut, mais uniquement le bas. Il n'y a donc pas d'eaux au-dessus du firmament.
2. Par nature l'eau est fluide. Mais ce qui est fluide ne peut pas demeurer sur un corps rond, l'expérience le prouve. Puisque le firmament est un corps rond, il ne peut donc y avoir de l'eau au-dessus de lui.
3. L'eau étant un des éléments, est ordonnée à la génération des corps mixtes, comme ce qui est imparfait est ordonné à ce qui est parfait. Mais le dessus du firmament n'est pas le lieu où s'opère le mélange, qui se fait au-dessus de la terre. Il ne servirait donc à rien qu'il y ait des eaux au-dessus du firmament. Or, dans les œuvres de Dieu il n'y a rien qui soit inutile. Donc il n'y a pas d'eaux au-dessus du firmament.
En sens contraire, il est dit dans la Genèse (Genèse 1.7) : « Il divisa les eaux qui étaient au-dessus du firmament d'avec celles qui étaient sous le firmament. »
Réponse
Comme dit S. Augustin : « L'autorité de cette Écriture l'emporte sur la capacité de tout le génie humain. Aussi, quelle que puisse être la modalité et la nature des eaux qui sont là, il reste qu'elles sont là, et nous ne le mettrons pas en doute. » Sur la nature de ces eaux les auteurs ne sont pas d'accord. Origène dit que les eaux qui sont au-dessus du firmament sont les substances spirituelles. C'est en ce sens qu'il serait dit dans le Psaume (Psaumes 148.4) : « Que les eaux qui sont au-dessus des cieux louent le nom du Seigneur » et en Daniel (Daniel 3.60) : « Toutes les eaux qui êtes sur les cieux, bénissez le Seigneur. » — Mais S. Basile lui réplique que cela n'est pas dit parce que les eaux seraient des créatures raisonnables, mais en raison de ce que « leur considération, sagement méditée par ceux qui ont l'intelligence, complète la glorification du Créateur ». La même chose est dite, aux mêmes passages, du feu, de la grêle et d'autres créatures analogues, dont il est évident qu'elles ne sont pas douées de raison. — Il faut donc dire que ce sont des eaux corporelles. Mais la nature de ces eaux doit être entendue différemment selon les diverses opinions sur le firmament.
Si par firmament on entend le ciel sidéral, et qu'on le considère comme étant de la nature des quatre éléments, pour la même raison on pourra croire que les eaux d'au-dessus des cieux sont de même nature que les eaux élémentaires.
Si par le firmament on entend le ciel sidéral, mais qu'on ne le considère pas comme étant de même nature que les quatre éléments, ces eaux qui sont au-dessus du firmament ne seront pas de même nature que les eaux élémentaires. Mais tout comme, d'après Strabon, un ciel est appelé ciel empyrée, c'est-à-dire igné, à cause seulement de sa splendeur, ainsi un autre ciel, qui est au-dessus du ciel sidéral, sera appelé ciel aqueux en raison seulement de sa diaphanéité. — Dans l'hypothèse où le firmament est d'une nature distincte des quatre éléments, on peut dire encore qu'il divise les eaux, si par eaux l'on entend non l'élément eau mais la matière informe des corps, ainsi que le fait S. Augustin car, de ce point de vue, tout ce qui est intermédiaire entre les corps divise les eaux d'avec les eaux.
Si maintenant l'on entend par firmament la partie de l'air où les nuages se condensent, les eaux qui sont au-dessus du firmament sont alors ces eaux qui, s'étant dissoutes en vapeur, se sont élevées au-dessus d'une certaine partie de l'air et sont le point de départ de la génération des pluies. Quant à dire comme certains, auxquels S. Augustin fait allusion, que les eaux qui se sont dissoutes en vapeur s'élèvent au-dessus du ciel sidéral, c'est absolument impossible : — à cause du caractère solide du ciel ; — à cause de la région médiane du feu, qui consumerait de telles vapeurs ; parce que le lieu où se portent les corps légers et rares est au-dessous de la concavité de l'orbe de la lune ; — parce que, c'est une constatation des sens, les vapeurs ne montent pas jusqu'à la hauteur du sommet de certaines montagnes. — Quant à l'argument d'une raréfaction d'un corps à l'infini, parce qu'un corps est divisible à l'infini, il est sans valeur ; un corps naturel ne se divise pas ou ne se raréfie pas à l'infini, mais jusqu'à un terme déterminé.
Solutions
Certains ont pensé que cette objection pouvait se résoudre ainsi : les eaux sont lourdes par nature, mais elles sont contenues au-dessus des cieux par une puissance divine. S. Augustin rejette cette solution parce que, dit-il, « il nous faut chercher maintenant comment Dieu a institué les natures des choses, et non ce qu'il veut opérer en elles pour la manifestation miraculeuse de sa puissance ». — Il faut donc répondre autrement ; et si l'on s'en tient à l'une ou l'autre des deux dernières opinions, la solution est évidente après ce qui a été dit. Selon la première opinion, il faut supposer qu'il y a dans les éléments un autre ordre que celui qu'Aristote propose ; c'est-à-dire qu'il y a certaines eaux épaisses autour de la terre, et d'autres plus ténues autour du ciel : en sorte que celles-ci se comportent par rapport au ciel comme celles-ci par rapport à la terre. — Ou bien on entend par eau la matière des corps, ainsi que nous venons de le dire.
2. La raison est évidente selon les deux dernières opinions. Pour la première, S. Basile répond de deux manières : 1. Il n'est pas nécessaire que tout ce qui apparaît arrondi en sa concavité soit également arrondi au-dessus, en sa convexité. 2. Les eaux qui sont au-dessus du ciel ne sont pas liquides, mais solidifiées autour du ciel par une sorte de congélation. D'où le nom qui leur est donné par plusieurs, de ciel cristallin.
3. Selon la troisième opinion, les eaux sont élevées sous forme de vapeur au-dessus du firmament afin de servir aux pluies. — Selon la deuxième, les eaux sont au-dessus du firmament, c'est-à-dire de tout le ciel diaphane et sans étoiles. Certains affirment que celui-ci est le premier mobile, qui fait tourner tout le ciel du mouvement diurne, afin que soit réalisée, grâce à ce mouvement, la continuité de la génération ; de même que le ciel où sont les étoiles opère selon le mouvement zodiacal l'alternance de la génération et de la corruption, par mode d'approche et d'éloignement, et par les diverses vertus des étoiles. — Selon la première opinion enfin, les eaux sont en cet endroit, dit S. Basile, pour tempérer la chaleur des corps célestes. Certains, rapporte S. Augustin, ont voulu en voir une preuve dans le fait que l'étoile Saturne, à cause de sa proximité des eaux supérieures, est la plus froide.
Objections
1. Il semble que non. En effet, pour un corps spécifiquement un, il y a un seul lieu naturel. Or « toute eau est spécifiquement identique à toute eau », dit Aristote. Il n'y a donc pas à distinguer les eaux selon le lieu.
2. Si l'on dit que les eaux qui sont au-dessus du firmament sont d'une autre espèce que celles qui sont au-dessous, une objection surgit. Des êtres d'espèces différentes n'ont besoin d'aucun autre principe de distinction. Si les eaux inférieures et les eaux supérieures sont différentes spécifiquement, le firmament n'est donc pas ce qui les distingue.
3. Ce qui divise des eaux d'avec d'autres eaux, il semble que ce soit ce qui, des deux côtés, se trouve touché par les eaux. Comme par exemple si l'on bâtit un mur au milieu d'une rivière. Or, il est évident que les eaux inférieures n'atteignent pas jusqu'au firmament. Le firmament ne divise donc pas les eaux d'avec les eaux.
En sens contraire, le livre de la Genèse porte : « Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux, divisant les eaux d'avec les eaux. »
Réponse
Quelqu'un qui considérerait superficiellement la lettre de la Genèse pourrait, en s'inspirant des conceptions de certains philosophes anciens, imaginer ceci. Certains supposaient que l'eau était une sorte de corps infini et le principe de tous les autres corps (immensité des eaux qui pourrait être comprise dans le mot « abîme » de la phrase : « Les ténèbres couvraient l'abîme. ») Ils supposaient en outre que ce ciel sensible que nous apercevons ne contenait pas au-dessous de lui la totalité des corps, et qu'il y avait au-dessus du ciel un corps infini composé d'eaux. Et ainsi l'on pouvait dire que le firmament du ciel divise les eaux extérieures d'avec les eaux intérieures, c'est-à-dire d'avec tous les corps qui sont contenus sous le ciel, et dont ils supposaient que le principe était l'eau. — Mais comme cette position a été convaincue d'erreur par de vraies raisons, il ne faut pas dire que c'est là le sens de l'Écriture.
Il faut donc considérer que Moïse, parlant à un peuple grossier, et condescendant à son inculture, ne lui présente que des réalités perceptibles avec évidence par les sens. Or tout homme, si simple soit-il, saisit par les sens que la terre et l'eau sont des corps. Mais l'air, lui, n'est pas perçu par tous comme s'il était un corps ; au point que même certains philosophes dirent que l'air n'est rien, et appelèrent du « vide » ce que l'air remplit. Voilà pourquoi Moise fait mention expresse de l'eau et de la terre, mais ne nomme pas expressément l'air, pour éviter ainsi de présenter à ces hommes sans culture une réalité inconnue. Cependant, pour exprimer la vérité à ceux qui en sont capables, il donne occasion de concevoir l'air, en l'indiquant comme adjoint à l'eau dans la phrase : « Les ténèbres couvraient l'abîme. » Par ces paroles en effet, il est donné à entendre que sur la surface des eaux il y avait un certain corps diaphane qui est le sujet de la lumière et des ténèbres.
Ainsi donc, que nous entendions par firmament, soit le ciel où sont les astres, soit l'espace de l'air où sont les nuages, il est dit avec justesse que le firmament divise les eaux d'avec les eaux ; aussi bien si, par l'eau, on désigne la matière informe, que si l'on entend sous ce mot tous les corps diaphanes. Le ciel sidéral, en effet, distingue les corps diaphanes inférieurs des supérieurs. L'air nuageux, pour sa part, distingue une partie supérieure de l'air, où se font les générations des pluies et autres précipitations atmosphériques, de la partie inférieure de l'air, celle qui est au contact de l'eau et est signifiée sous le nom des « eaux ».
Solutions
1. Si par le firmament on entend le ciel sidéral, les eaux supérieures ne sont pas de la même espèce que les eaux inférieures. Mais si l'on entend par le firmament l'air des nuages, alors les deux eaux sont de la même espèce. Et en ce cas deux lieux sont assignés aux eaux, mais non pour la même raison ; le lieu supérieur est en effet le lieu de la génération des eaux, tandis que le lieu inférieur est celui de leur repos.
2. Si l'on admet que les eaux sont spécifiquement diverses, le firmament divise les eaux d'avec les eaux en ce sens qu'il est, non la cause opérant la division, mais le terme délimitant les unes et les autres.
3. La non-perceptibilité aux sens de l'air et des corps semblables est la raison pour laquelle Moïse a englobé tous les corps de ce genre, en les appelant des eaux. Et ainsi il est manifeste que, de part et d'autre du firmament, quelle que soit l'acception qu'on leur donne, il y a des eaux.
Objections
1. Le ciel est divisé par opposition à la terre, dans ces paroles : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Or il n'y a qu'une seule terre ; donc il n'y a qu'un seul ciel.
2. Tout ce qui a subsistance par sa matière n'est qu'une seule réalité. Or tel est le cas du ciel, comme le prouve Aristote.
3. Tout ce que l'on attribue univoquement à plusieurs sujets leur est attribué selon une raison commune. Or, s'il y a plusieurs ciels, le mot « ciel » est attribué univoquement à plusieurs ; car, si l'attribution était équivoque, ce ne serait pas en propriété de termes que l'on parlerait de plusieurs ciels. Si l'on parle de plusieurs ciels, il faut donc qu'il y ait une raison commune selon laquelle on dit que ces réalités sont des ciels. Mais on ne peut préciser cette raison. Il ne faut donc pas dire qu'il y a plusieurs ciels.
En sens contraire, il est dit dans le Psaume (Psaumes 148.4) : « Louez-le, cieux des cieux ! ».
Réponse
Sur ce sujet on constate une différence entre S. Basile et S. Jean Chrysostome. S. Jean Chrysostome dit qu'il n'y a qu'un seul ciel, et que si l'on a au pluriel l'expression « cieux des cieux » c'est à cause d'un hébraïsme. Car l'hébreu a coutume de ne désigner le ciel qu'au pluriel, tout comme en latin beaucoup de mots n'ont pas de singulier. S. Basile, suivi par S. Jean Damascène affirme au contraire qu'il y a plusieurs ciels. — En fait, cette divergence est plus dans les mots que dans la réalité. Car S. Jean Chrysostome désigne comme un seul ciel la totalité des corps qui est au-dessus de la terre et de l'eau ; c'est même pour cette raison que les oiseaux qui volent dans l'air sont appelés « oiseaux du ciel ». Cependant dans ce corps il y a beaucoup de distinctions, et c'est pour cela que S. Basile suppose qu'il y a plusieurs ciels.
Pour arriver à saisir la distinction qu'il y a entre les ciels, il faut considérer que le mot "ciel" est employé en trois sens différents dans l'Écriture.
1. Au sens propre et naturel. Et alors le ciel désigne un certain corps de haute altitude, lumineux en acte ou en puissance, et incorruptible par nature. De ce point de vue on admet qu'il existe trois ciels : un premier entièrement lumineux, nommé « empyrée » ; un deuxième entièrement diaphane, nommé « ciel aqueux » ou « cristallin » ; un troisième, partiellement diaphane et partiellement lumineux, nommé « ciel sidéral », lequel est encore divisé en huit sphères, savoir la sphère des étoiles fixes et les sept sphères des planètes, qui peuvent être dites huit ciels.
2. Le mot « ciel » est employé pour ce qui participe de certaines propriétés des corps célestes savoir l'altitude et la luminosité, en acte ou en puissance. Et selon cette acception, de tout cet espace qui va des eaux jusqu'à l'orbe de la lune, S. Jean Damascène fait un ciel unique qu'il appelle « ciel de l'air ». En ce sens, il y aurait donc selon lui trois ciels : le ciel de l'air, le ciel des étoiles et un autre ciel supérieur ; ce dernier étant à entendre de celui dont on lit (2 Corinthiens 12.2) que l'Apôtre « fut ravi jusqu'au troisième ciel ».
Mais cet espace contient deux éléments : le feu et l'air, et en l'un et l'autre on parle d'une région supérieure et d'une région inférieure. C'est pourquoi Raban Maur distingue ce ciel en quatre. Il appelle la région la plus haute du feu « ciel igné », et la plus basse « ciel olympien » (d'après l'altitude d'une montagne qui s'appelle l'Olympe) ; d'autre part, il nomme « ciel de l'éther » la partie supérieure de la région de l'air, à cause de son état d'inflammation, et la partie inférieure « ciel de l'air ». Et comme ces quatre ciels sont à compter avec les trois ciels supérieurs, selon Raban Maur, cela fait au total sept ciels corporels.
3. Le mot « ciel » est dit métaphoriquement. Ainsi quelquefois la sainte Trinité est appelée ciel en raison de sa sublimité et de sa lumière spirituelles. C'est de ce ciel qu'il est expliqué que le diable a dit (Esaïe 14.13) : « Je monterai jusqu'au ciel », c'est-à-dire jusqu'à l'égalité avec Dieu. Quelquefois les biens spirituels en lesquels consiste la récompense des saints sont appelés également des cieux, en raison de leur sublimité. Ainsi, comme l'expose S. Augustin, là où il est dit (Matthieu 5.12) : « Votre récompense est grande dans les cieux. » Quelquefois, les trois genres de visions surnaturelles, c'est-à-dire la vision corporelle, la vision imaginative, la vision intellectuelle, sont nommées trois ciels. S. Augustin explique ainsi que S. Paul fut ravi jusqu'au troisième ciel.
Solutions
1. La terre se rapporte au ciel comme le centre à la circonférence. Or, par rapport à un seul centre il peut y avoir plusieurs circonférences. Ainsi, pour une seule terre, suppose-t-on plusieurs ciels.
2. Cet argument est tiré du ciel pour autant qu'il implique l'universalité des créatures corporelles. Et de ce point de vue il n'y a qu'un seul ciel.
3. On trouve en commun dans tous les ciels l'altitude et une certaine luminosité, comme il ressort de ce qui a été dit.