Préparation évangélique

LIVRE V

CHAPITRE VIII
AVEUX DES DIEUX, D’OÙ IL RÉSULTE QU’ILS SONT SOUMIS MALGRÉ EUX À UNE FORCE IRRÉSISTIBLE QUI LES CONTRAINT DE CÉDER AUX ENCHANTEMENTS ET AUX INVOCATIONS DES HOMMES

« Pythagore de Rhodes, continue toujours notre auteur, enseigne une vérité incontestable, lorsqu’il dit que ce n’est point de leur propre gré que les dieux apparaissent quand ils sont évoqués dans les sacrifices ; mais qu’ils cèdent en cela à une impérieuse fatalité, à laquelle ils sont soumis, les uns plus, les autres moins. Quelques-uns, qui ont une habitude plus fréquente de se communiquer aux hommes, apparaissent plus facilement : ce sont particulièrement les bons démons. Les autres, quoique faisant des apparitions aussi fréquentes, n’en roulent pas moins dans leur cœur des projets sinistres et des malheurs, surtout lorsqu’ils ont été évoqués avec quelque négligence. La vérité de cette doctrine de Pythagore est constante ; car elle est conforme aux déclarations des oracles eux-mêmes : ils avouent qu’ils obéissent à la nécessité ; non pas à une nécessité rigoureuse, il est vrai mais à une sorte de persuasion irrésistible. Nous avons déjà vu précédemment par quels moyens Hécate se laissa enchanter :

« J’ai quitté le brillant séjour de la lumière, les immenses palais de l’Olympe aux astres lumineux, demeure sacrée des immortels, et je descends vers les régions terrestres, où vivent les animaux, cédant à tes invocations, dont la force secrète est un charme enchanteur pour les cœurs immortels. »

Et ailleurs :

« Me voici, docile à ton éloquente prière, que l’esprit des mortels inventa pour conjurer les dieux. »

Et ailleurs encore d’une manière plus claire :

« Que veux-tu donc pour me forcer ainsi, moi, la divine Hécate, à quitter les demeures célestes, entraînée par une fatalité à laquelle les dieux ne sauraient résister ? »

Puis encore :

« Tes mystérieux enchantements arrachent les dieux du séjour de l’Olympe, et les font descendre malgré eux vers les demeures terrestres ou bien tu les envoies aux mortels comme des songes divins, sur l’aile des vents, loin du foyer céleste, faisant ainsi injure aux dieux. »

Puis ailleurs :

« Les divinités qui habitent les plus hautes régions des cieux, avec les harpies légères, sont entraînées par une course rapide vers les régions terrestres, cédant à une fatalité plus puissante que les dieux, et à des paroles sorties d’une bourbe mortelle. »

Un autre démon, obéissant à la même nécessité, s’en exprime de la sorte :

« Écoute, me voici, malgré moi, une force invincible m’a pressé. »

Le même Porphyre cite encore plusieurs autres oracles.

« Ils sont eux-mêmes, dit-il, forcés de reconnaître leur propre dépendance de la nécessité, comme Apollon le montre dans la réponse suivante que lui arracha cette même nécessité :

« La nécessité est une puissance invincible, un joug insurmontable. »

Puis le même dieu ajoute par la voix de son prêtre :

« Hâte-toi, divin Péan, de céder à mes invocations, aux prières que forme mon cœur instruit par de divines leçons, tandis que j’étouffe de ma main un feu sacré, et que mon esprit mortel ose chanter ta naissance. »

Écoutons encore Apollon :

« Une brillante émanation de Phébus, descendue des cieux sous la forme d’un nuage pur et léger, attirée par des accents ineffables et enchanteurs, pénétra dans les membranes délicates de la tête sacrée, se répandit dans les plis de la tunique, puis agitant à plusieurs reprises les entrailles du destin, elle produisit un son mélodieux avec un instrument mortel. »

Ici Porphyre fait la remarque suivante :

« Il n’y a, dit-il, rien de plus clair, rien de plus conforme à la divinité ou à la nature. Un souffle descend d’en haut, émanant d’une vertu céleste ; il pénètre dans un corps animé et pourvu de ses organes ; il fait de l’âme le siège de ses opérations ; le corps lui sert d’instrument pour prendre une voix. »

Ce que nous venons de dire suffit pour prouver que les dieux obéissent à une invincible nécessité. Maintenant nous avons à prouver qu’une fois engagés dans ces liens de la nécessité, ils ne peuvent pas non plus s’en débarrasser à leur gré. Ce sera le sujet d’un chapitre suivant.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant