Des quatre principales de ces lois, deux sont d’ordre civil et deux d’ordre militaire. Les deux premières sont formulées, l’une dans le Code Justinien (livre III, titre 12, loi 3), l’autre dans le Code Théodosien (livre II, titre 8, loi 1).
Les deux lois militaires sont indiquées principalement par Eusèbe, Vie de Constantin, livre IV, ch. 18-20 (cp. le chap. 9 du Panégyrique de Constantin, composé par le même Père du vivant de l’empereur et à l’occasion de la 30e année de son règne). La 1re assurait aux soldats chrétiens de l’armée pleine liberté pour assister le dimanche aux services de l’Église. La 2de ordonnait à tous les soldats non chrétiens de se réunir le dimanche hors des villes pour réciter, les mains étendues et les regards élevés vers le ciel, une prière latine adressée au Dieu suprême. Cette prière, composée par Constantin lui-même, nous a été transmise par Eusèbe.
La 1re des lois civiles susdites, a été mentionnée à la fois d’une manière très générale et avec certains détails intéressants, par le même historien dans sa Vie de Constantin, livre IV, ch. 18 ; mais, comme le pensait Neander, telle qu’elle fut proclamée avant 321, sous une forme antérieure à celle qui devint définitive. « Constantin, dit Eusèbe, fixa le jour du Seigneur et Sauveur, jour vraiment principal et réellement premier, comme jour convenable pour les prières. On eût dit que le bienheureux prince demandait à Dieu qu’il lui fut donné d’amener peu à peu tous les hommes à la piété. Aussi recommandait-il à tous les sujets de l’Empire romain de cesser tout travail les jours qui portent le nom du Sauveur, même aussi d’honorer pareillement le jour qui précède le sabbat. Il agit ainsi, ce me semble, en souvenir de ce qu’a fait en ces jours notre commun Sauveur. » — Nous avons traduit : « le jour qui précède le sabbat », c’est-à-dire le vendredi, bien que dans nos manuscrits grecs il y ait : καὶ τάς τοῦ σαββάτου, c’est-à-dire les jours de sabbat, car on semble généralement d’accord pour reconnaître ici dans ces manuscrits une inexactitude et lire : τήν πρό τοῦ σαββάτου. Ainsi déjà Valesius († 1676), dont la traduction et les notes ont été rééditées dans la collection Migne. De même Hessey, Sunday, Its origin, history. Voir surtout Zahn, Gesch. d. Sonnt. p. 74. Cette correction, très solidement appuyée, est en harmonie avec le titre du chapitre d’Eusèbe, titre très ancien, bien que non de l’historien, et avec les raisons qu’il donne pour expliquer la décision impériale. Elle est en outre confirmée par le récit de Sozomène, qui dit dans son Hist. ecclés. I, chap. 8 : « Il ordonna par une loi que le jour appelé dimanche…, et la veille du 7e (τήν πρό τῆς ἑβδόμης), il n’y aurait pour tous, ni tribunaux ni autres affaires, et qu’ils serviraient Dieu en prières et en supplications. Or, il vénéra le dimanche comme étant le jour dans lequel Christ est ressuscité des morts, et le vendredi comme celui dans lequel il fut crucifié. » De plus, le rapide développement que prit après Constantin la solennisation chrétienne du samedi, explique très bien comment la leçon τάς τοῦ σαββάτου a pu être substituée à l’autre, tandis que la substitution inverse se comprendrait beaucoup moins. Il semble donc, comme le pense Zahn, que Constantin ait d’abord voulu essayer de faire donner au vendredi, comme jour de la Passion, les mêmes honneurs qu’au dimanche, et que l’essai n’ait pas réussi. Cette tentative de Constantin surprend d’autant moins qu’on sait la grande importance qu’il attribuait à l’emblème de la croix.
Selon Zöckler et, après lui, Henke, on ne saurait méconnaître un lien entre la législation de Constantin sur le Jour du Soleil et le culte syncrétistique rendu par l’empereur au Soleil, et les Adventistes du 7e jour surabondent dans ce sens. Ainsi Andrews dit dans les Signes des temps (mars 1883) :« Lorsque Constantin promulgua sa loi en faveur de ce jour (le dimanche), il le reconnut expressément comme une ancienne fête païenne, en l’appelant « le vénérable jour du soleil. » Mais c’est abuser étrangement de la désignation païenne du 1er jour hebdomadaire, encore courante en Allemagne et en Angleterre (Sonntag, Sunday) et, au temps de Constantin, déjà très répandue dans l’empire romain. Selon une répartition astrologique des heures et des jours de la semaine entre les 7 planètes, notre premier jour hebdomadaire était appelé Jour du Soleil, parce que la 1re heure de ce jour était dévolue au Soleil, de même que notre jeudi était appelé Jour de Jupiter et que les autres jours de la semaine étaient désignés d’une manière analogue ; mais il n’en résultait aucunement qu’il y eût au 1er jour une fête du Soleil, au 4e, une fête de Jupiter et ainsi de suite. Si Constantin, comme Justin Martyr dans sa 1re Apologie, s’est servi de l’expression Jour du Soleil, au lieu de celle de dimanche, ce fut pour employer l’expression alors la plus connue dans le vaste empire ; et s’il a parlé du « vénérable Jour du Soleil », ce ne fut certes pas à cause du Soleil, mais à cause des souvenirs chrétiens auxquels se reliait ce jour. Ces souvenirs étaient alors si peu inconnus dans l’empire que l’empereur avait fait graver le signe de la croix sur les armes de ses soldats et que l’armée ne marchait plus en ayant à sa tête des statuettes d’or, mais « seulement le trophée de la croix. » — Non seulement rien dans les textes que j’ai vus n’appuie l’opinion de Zöckler, mais encore ils la contredisent. Voir en particulier Vie de Constantin livre IV ch. 18-20, Panégyrique de Constantin ch. 9, Sozomène, Hist. ecclés. I ch. 8, surtout la prière que les soldats païens devaient réciter le dimanche et où il n’est parlé que du Dieu suprême, ainsi que les instructions données pour la récitation de cette prière, où il n’est pas question du soleil, mais du ciel et avant tout de Dieu. En fait de syncrétisme religieux de Constantin, nous parlerions seulement avec Zahn, de syncrétisme monothéiste.
[Gaston Boissier, dans son 1er vol. sur la Fin du paganisme (Paris 1891, p. 21.), parle ainsi de Constantin avant sa conversion proprement dite au christianisme en 311 : « Cependant Constantin, comme son père, était resté païen, et païen assez zélé, puisqu’il bâtissait des temples, qu’il les comblait de présents… On a même soupçonné qu’il avait une dévotion spéciale pour Apollon, qu’il l’honorait comme un patron et un protecteur et qu’en échange ce dieu lui témoignait des attentions toutes particulières. Dans un discours prononcé en sa présence, un de ses panégyristes insinue que pendant qu’il priait dans un temple, Apollon, son Apollon (Apollo tuus), lui est apparu pour lui annoncer une victoire… Sans attacher trop d’importance à cette flatterie banale (note), on en peut au moins conclure qu’il ne déplaisait pas alors à Constantin qu’on parlât de lui comme d’un favori des dieux. » Voici la note : « Paneg. VII, 21. Pour donner plus de poids à ce témoignage du rhéteur d’Autun (il s’agit d’Eumène), qui par lui-même n’en avait guère, on fait remarquer qu’un très grand nombre de monnaies de Constantin portent pour exergue l’image du soleil avec ces mots : Soli invicto comiti. Ces monnaies sont citées partout comme preuve évidente de la dévotion de Constantin pour Apollon. Je m’étonne qu’on n’ait pas vu qu’il y en a presque autant qui portent l’image de Jupiter, de Mars ou d’Hercule, en sorte qu’on en pourrait conclure que l’empereur honorait à peu près également toutes les anciennes divinités. »]
Un passage de la Vie de Constantin, qui montre bien le zèle avec lequel l’empereur veillait à l’observation du dimanche dans toute l’étendue de l’empire, se lit livre IV, ch. 23, en ces mots : « De même une loi ordonnait souvent aux différents chefs de nation d’honorer le Jour du Seigneur. »
Nous avons déjà signalé ? une très curieuse inscription sur pierre, où il est dit de Constantin : Provisione etiam pietatis suae nundinas die solis perpeti anno constituit. D’après Rob. Cox, elle fut gravée lors de la reconstruction, par cet empereur, d’un établissement de bains en Esclavonie, et elle a été consignée dans Gruter, Inscriptiones antiquae totius orbis Romani CLXIV, 2. — Cox voit surtout dans cette ordonnance qui statuait que les marchés des jours de nundines fussent transférés aux dimanches, la pieuse intention de faire venir alors les campagnards dans les églises des villes. Mais il n’en faut pas moins reconnaître qu’ainsi s’est formée la coutume de tenir les marchés les jours de dimanche, qui a prévalu dans maintes contrées de l’Europe pendant un millier d’années, malgré une loi spéciale de Charlemagne (ch. CXL). On dit qu’en Ecosse cette coutume fut inlerdite depuis 1503 pour les jours de solennité religieuse et depuis 1529 en particulier pour les dimanches. En Orient elle subsiste encore : « Dans les plus petites villes (du Kurdistan), dit Grant, un jour est généralement observé comme jour de marché, et c’est ordinairement celui du sabbat chrétien (le dimanche). De là vient que le dimanche est appelé en Turquie bazar gün, ou, littéralement, jour de marché. »