« Athénagore, selon Chastel (Histoire du Christ. I p. 170), est le premier Père de l’Église qui ait dit d’une manière positive que Jésus avait transporté le jour du repos du samedi au dimanche et établi en conséquence qu’il fallait appliquer à ce dernier jour les règles concernant le sabbat. » Ce Père est de la fin du iie siècle, son Apologie a été adressée « probablement à Marc Aurèle et à son fils vers 177 ». La donnée serait donc intéressante, non proprement pour la nouveauté de l’idée, mais pour la netteté et la rigueur de son expression. En fait, nous avons déjà vu chez Ignace le double parallélisme du sabbat et du dimanche, de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance, et dans l’Ep. dite de Barnabas la dénomination significative, et dès lors fréquente, du dimanche comme 8e jour, indiquant à la fois sa liaison avec le sabbat et sa supériorité sur lui. La comparaison des deux jours est encore plus développée dans le Dial. av. Tryphon et dans Strom. 6.16. Tout cela et d’autres choses encore conduisent bien à la formule d’Athénagore dans son sens général. Nous avons même vu que cette formule pourrait être trouvée soit dans Théophile d’Antioche, représentant les Juifs comme appelés en Jésus-Christ à passer du sabbat de la Loi au 1er jour de la semaine, soit dans Clément d’Alexandrie, disant que le 1er a préparé le 2d. Nous nous serions empressé toutefois de signaler, sous ce rapport, l’Athénien Athénagore comme occupant une place fort honorable à côté de ces deux Pères. Mais Chastel n’indique point où Athénagore se serait exprimé de la sorte ; nous n’avons trouvé nulle part cette indication, p. ex., ni dans le répertoire de Rob. Cox, ni dans les séries de passages des premiers Pères sur le dimanche données par Harnack (éd. de l’Ep. de Barnabas p. 9 ; éd. de la Didachè p. 53) ; nous avons aussi parcouru les deux ouvrages d’Athénagore qui ont été conservés, son Apologie et un Traité sur la résurrection, et nous avons vainement cherché.
On pourrait croire que le rapport positif du dimanche au sabbat a été formulé par le concile de Nicée lui-même ; car, d’après Henke, il aurait promulgué le décret suivant : Ideo sancti doctores ecclesiae decretaverunt omnem gloriam judaici sabbathismi in diem dominicam transferre, ut quod ipsi (les Juifs) in figura, nos (les chrétiens) celebraremus in veritate. Observemus ergo diem dominicam et sanctificemus illam, sicut antiquis praeceptum est de sabbatho, docente legislatore : a vespera usque ad vesperam celebratis sabbatha vestra. Mais Henke, lui aussi, fait cette citation sans indiquer sa provenance, et jusqu’ici nous n’avons pas pu retrouver le prétendu décret, dont la forme d’ailleurs nous inspire quelque méfiance. Nous ne l’avons retrouvé en particulier ni dans de nombreuses pages in-folio du 20 vol. de Mansi, ni dans l’ouvrage de Cox. Il ne se trouve pas en tout cas, parmi les 20 canons disciplinaires généralement reconnus comme authentiques…… Aussi n’insisterons-nous que sur une autre décision, qui n’est point contestable et qui fut prise par le concile de Laodicée.
Il fut tenu dans le milieu du 4e siècle et il serait difficile d’en préciser la date. Selon l’Encycl. des sc. rel. et la Real. Encykl. il eut lieu entre 343 et 381 ; selon Charteris, en 364, et Mansi inclinait aussi vers cette date. Il ne s’est occupé que de discipline ecclésiastique et paraît avoir été tenu, dans un temps d’armistice sur les questions dogmatiques, principalement par des évêques ariens ; mais ses décisions n’en ont pas moins été acceptées par l’Église. C’est le 29e de ces canons qui nous importe ici (Mansi II p. 570), et, comme il a été souvent mal traduit, même étonnamment, nous en donnerons d’abord le texte original : Οὐ δεὶ Χριστιανούς ἰουδαΐξειν καὶ ἐν τῷ σαββάτῳ σχολάζξειν, ἀλλά ἐργάζεσϑαι αὐτούς ἐν τῇ αὐτῇ ἡμέρᾳ; τήν δέ χυριακήν προτιμῶντας, ἔιγε δυνάιντο, σχολάζειν ὡς Χριστιανοί. Ἐὶ δέ εὐρεϑεῖεν Ἰουδαῖσται, ἔστωσαν ἀναϑεμά Χριστῴ. Le texte est un peu elliptique, toutefois la traduction suivante nous paraît exacte et claire : « Les chrétiens ne doivent pas judaïser et chômer au jour du sabbat, mais travailler même en ce jour. Ils doivent au contraire honorer le dimanche plus que le sabbat et, s’ils le peuvent, chômer le dimanche, comme chrétiens. S’ils sont trouvés judaïsant, qu’ils soient anathèmes pour Christ ! »
Il ne faut pas (en particulier à cause de δ’) rattacher le τήν δέ χυριακήν προτιμῶντας à ce qui précède, comme le fait Isidore Mercator, mais à ce qui suit, ainsi que le font Gentianus Hervetus et Denys-le-petit. La grande phrase du canon se compose de deux membres dépendant chacun de δεῖ présent ou sous-entendu (Il ne faut pas… mais il faut que…). Le 1er membre s’étend jusqu’à ἡμέρᾳ inclusivement et traite du sabbat. Le 2d concerne le dimanche. Puis vient la petite phrase avec son anathème contre les chrétiens qui chômeraient le samedi.
On a mis avec raison une virgule entre δυναίτοet et σχολάζειν parce que ce dernier mot ne dépend pas du 1er, comme l’estime Gent. Hervetus (Mansi II p. 569), mais du δεῖ sous-entendu, comme traduisent Denys-le-petit et Isid. Mercator. Les chrétiens ne doivent pas se reposer au sabbat, mais bien le dimanche.
De plus, on ne comprend pas comment Denys-le-petit et Isid. Mercator ont pu traduire le ἔιγε δυνάιντο, l’un par : si vacare voluerint ; l’autre par : si hoc eis placet. Henke doit traduire d’une manière analogue, puisqu’il ne voit dans le canon « que le bon conseil de préférer le dimanche au sabbat. » Zahn non plus n’est point irréprochable à cet égard, puisque selon lui « il est dit seulement qu’on doit chômer le dimanche autant qu’il convient pour attester d’une manière visible qu’on est chrétien et non juif. » Le texte semble permettre seulement la traduction que nous avons donnée, d’accord avec Gent. Hervetus, Neander, Hengstenberg, Zöckler, J. Lefort, etc.
Il nous semble donc que ce canon, d’un côté, interdit très sévèrement le repos du sabbat et, de l’autre, prescrit celui du dimanche, à cause de la supériorité que les chrétiens doivent attribuer à ce dernier jour. Ce repos du dimanche est du reste compris dans un sens judicieux, spirituel, anti-pharisaïque, puisqu’une restriction est énoncée : s’ils le peuvent, pour autant que cela leur est possible. Cette restriction ne doit pas être exagérée, comme si l’observation du dimanche devait dépendre du bon plaisir des chrétiens, et elle ne doit pas non plus paraître superflue. Le Seigneur lui-même n’avait-il pas été obligé de dire aux pharisiens : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ? » Le pharisaïsme, n’était-il pas pour les chrétiens du 4e siècle une réalité toujours présente à leurs côtés ? Et aujourd’hui même, la grande parole du divin Maître ne serait-elle nulle part bonne à rappeler ?
En résumé, il y a une grande analogie entre les points de vue sous lesquels sabbat et dimanche sont envisagés, d’une part, dans ce canon et dans les autres du concile de Laodicée, que nous avions déjà signalés, et, d’autre part, dans la 2de citation que nous avons empruntée à Mansi. Là, comme ici, le samedi, quoique, à plusieurs égards, distingué des autres jours ouvriers, ne doit pas être un jour de repos, mais bien le dimanche. Le repos du sabbat a donc été transmis au dimanche, et l’on peut bien dire alors, de même que le canon attribué par Henke au concile de Nicée, qu’avec le repos, la gloire de l’un est passée à l’autre.
Le même point de vue a été largement développé par Eusèbe de Césarée, qui, ami et conseiller de Constantin, siégeait lors de l’ouverture du concile de Nicée, à la droite de l’empereur. Il s’agit surtout de son Commentaire sur les Psaumes, composé entre 327 et 340, et plus précisément de l’explication du Psaume 92, intitulé : « Cantique pour le jour du sabbat », dont nous avons eu déjà l’occasion de parler. Cette explication a été signalée d’abord par Moses Stuart, d’Andover, « le patriarche de l’érudition biblique en Amérique. »
A propos des v. 2 et 3, Eusèbe développe l’idée que si le psaume convenait au sabbat, il convient mieux encore au dimanche. Après avoir parlé de l’infidélité des Juifs, il s’exprime ainsi : « C’est pourquoi le Verbe a malgré eux, par le moyen de la Nouvelle Alliance, déplacé la fête du sabbat en la transportant sur le lever de la lumière, et Il nous a transmis une image du vrai repos dans le Jour du Sauveur, le dimanche et le 1er jour de la lumière. C’est en ce jour que le Sauveur du monde, après avoir achevé toute sa tâche parmi les hommes et remporté la victoire sur la mort, a franchi les portes célestes, laissant derrière lui l’œuvre créatrice des six jours et entrant dans le sabbat digne de la divinité, dans un repos trois fois bienheureux. Le Père lui avait dit : « Assieds-toi à ma droite… Dans ce jour, qui est celui de la lumière, le premier et celui du vrai soleil, nous-mêmes, rachetés par Christ d’entre les nations de tout l’univers, nous nous réunissons après un intervalle de six jours, nous célébrons de saints et spirituels sabbats et nous accomplissons, selon la loi spirituelle, ce que la Loi commandait aux prêtres pour le sabbat. Nous présentons en effet les offrandes et les sacrifices spirituels qui sont appelés les sacrifices de louange et les sacrifices de jubilation ; nous faisons monter l’encens de bonne odeur, dont il est dit : « Que ma prière s’élève comme l’encens devant toi » (Psaumes 140.2) ; nous offrons même des pains de proposition, en renouvelant le souvenir du Sauveur ; nous offrons en purification pour nos âmes des aspersions du sang de l’Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde ; nous allumons aussi les luminaires de la connaissance de la face de Dieu. Même ce qui est dit dans le psaume, nous nous efforçons de le faire en ce jour, confessant en paroles et en œuvres le Seigneur et psalmodiant au nom du Très-Haut ; à l’aurore, au lever même de notre lumière, nous annonçons la miséricorde de Dieu qui nous a été faite ; et pendant les nuits, nous manifestons sa vérité par une conduite sobre et pure. En somme, toutes les autres choses qu’il fallait faire au jour du sabbat, nous les avons transférées au jour du dimanche, comme en un jour plus dominical, principal et plus précieux que le sabbat juif. Car en ce jour fut la lumière, après que, lors de la création du monde, Dieu eut dit que la lumière fût. En ce jour pareillement s’est levé pour nos âmes le soleil de justice. Aussi nous a-t-il été transmis de nous assembler en ce jour. »
[Διά τῆς Καινῆς Διαϑήκης Λόγος μετήγαγε καὶ μετατέϑεικε τήν τοῦ σαββάτου ἑορτήν ἐπί τήν τοῦ φωτός ἀνατολήν, καὶ παρέδωκεν ἡμῖν ἀληϑινῆς ἀναπαύσεως εἰκόνα, τήν σωτηρίαν καὶ Κυριακήν καὶ πρώτην τοῦ φωτός ἡμέραν, καϑ’ ἣν ὁ Σωτήρ τοῦ κόσμου μετά πάσας αὐτοῦ τάς ἐν ἀνϑρώποις πράξεις, τὴν κατά τοῦ ϑανάτου νίκην ἀράμενος, τάς οὐράνιους πύλας ὑπερέβαινεν ὑπέρ τήν ἑξαήμερον κοσμοποιίαν γενόμενος, τό τε ϑεοπρεπές σάββατον καὶ τήν τρισμακαρίαν ἀνάπαυσιν ὑπολαμβάνων… Ἔν ἢ, φωτός οὔσῃ καὶ πρώτῃ καὶ τοὺ ἀληϑοῦς ἡλίου ἡμέρᾳ. — Τήν σωτήριον μνήμην ἀναζωπυροῦντες. — Καϑάρσιον τῶν ἡμετέρων ψυχῶν. — Τά φῶτα τῆς γνώσεως προσώπου τοῦ ϑεοῦ… Καὶ πάντα δῆ ὅσα ἄλλα ἐχρῆν ἐν σάββατῳ τελεῖν, ταῦτα ἡμεῖς ἐν τῇ Κυριακῃ μετατεϑείκαμεν, ὡς ἄν κυριωτέρας οὕσης καὶ ἡγουμένης, καὶ πρώτης, καὶ τοῦ Ἰουδαϊκου σαββάτου τιμιωτέρας.]
Le commentaire du psaume se termine ainsi : « Tel est le psaume, dit cantique pour le jour du sabbat, c’est-à-dire pour le temps du repos qui est selon Dieua, temps dans lequel il convient que nous aussi, nous reposant pour l’étude des sciences divines, nous fassions monter à Dieu les discours d’actions de grâce du présent cantique. »
a – Τουτέστι τόν κατά ϑεόν σχολῆς τε καὶ ἀναπαύσεως καιρόν.
Deux autres passages des Pères, dont le 1er est probablement du 4e siècle, mais qui sont en tout cas postérieurs à celui d’Eusèbe, de Césarée, méritent encore d’être cités.
Le texte du 1er, encore peu connu, a été soumis à une étude critique toute nouvelle et traduit en allemand par Th. Zahn dans la Zeitschrift für kirchl. Wissenschaft…, 1884 (p. 516-534). C’est un discours familier, extrêmement intéressant, prononcé par un évêque nommé aussi Eusèbe, dans un lieu de culte, après le départ de la communauté et pour répondre à la question suivante d’un jeune ecclésiastique : « Pourquoi est-il nécessaire de célébrer le saint jour du Seigneur et de ne pas y travailler ? Quel profit retirons-nous de ne pas y travailler ? »
Selon Zahn, l’évêque serait vraisemblablement Eusèbe, évêque d’Emèse, « ville de Syrie, dans la Phénicie du Liban, à l’ouest de Palmyre, au nord-est de Sidon, » mort en 360, un des principaux précurseurs de l’école d’Antioche, et le discours aurait été prononcé vers 350. Nous traduirons les fragments qui ont pour nous le plus grand intérêt.
« (§ 2)… Voici la cause de notre célébration du Jour du Seigneur et de notre abstention de travail en ce jour. Lorsque le Seigneur institua le sacrement, il prit du pain…, en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps… » De même il présenta aussi la coupe, après y avoir fait le mélange et avoir rendu grâces, et il dit : « Ceci est mon sang…, faites ceci en mémoire de moi. » Ce jour est donc un mémorial du Seigneur, aussi est-il appelé Jour du Seigneur (le pieux évêque unissait étroitement la Cène et le dimanche). Avant les souffrances du Seigneur, ce jour n’était pas ainsi nommé, mais premier jour, commencement de la semaine … Et le jour où le Seigneur commanda de célébrer le sacrement commémoratif, il nous fut aussi commandé, dès le commencement, de nous abstenir de tout travail, afin d’honorer la sainte fête du sacrement et de la résurrection. Ce jour est donc pour nous le commencement d’un triple bien (τριάδος ἀγαϑῆς) : création du monde, résurrection et semaine. Réunissant ainsi en lui trois commencements, il indique le commencement de trois bonnes choses », à savoir, d’après ce qui suit, repos, prière et affranchissement du mal (λύσις τῶν κακῶν), par où il faut entendre soit le pardon des péchés commis les jours précédents, soit la cessation de l’activité pécheresse.
(§ 4) Le seul motif de cette obligation de célébrer ainsi le Jour du Seigneur, est que, suspendant notre travail, nous ayons du temps pour le service divin. Il ne suffit pas de nous abstenir de travail, il faut aussi que nous nous abstenions de mal faire…
(§ 6) … Ce jour nous a été donné pour la prière et pour notre délivrance du péché, pour le repentir et pour le salut, et pour le repos des mercenaires et des esclaves, car « c’est ici la journée que Dieu a faite. Qu’elle soit pour nous un sujet d’allégresse et de joie ! » (Psaumes 118.24).
(§ 7) Mais si nous devons être joyeux, ce n’est pas pour obscurcir notre âme par le boire et le manger, mais pour nous délecter dans la méditation des Saintes-Écritures et nous réjouir avec les mélodies du prophète David. Remarque donc l’exactitude du prophète pour montrer comment le Seigneur n’a pensé qu’au dimanche. Il ne dit pas : « Ce sont ici les journées que le Seigneur a faites, mais il parle d’une seule et unique journée. Le Seigneur n’a-t-il pas fait aussi les autres jours ? Assurément. Mais le prophète ne mentionne que celui-ci. David n’a pas pensé aux autres jours, parce que Dieu nous les a donnés pour l’action et pour l’accomplissement des travaux de la campagne. Mais au septième jour il a
donné du repos aux hommes. Aussi, lorsque Dieu a donné à Moïse sa loi, il a prescrit aux Hébreux de se reposer le jour du sabbat, car en ce jour il s’est reposé de toutes ses œuvres. C’est pourquoi il leur a aussi commandé de quitter le travail et de se récréer. Mais comme les Hébreux l’irritèrent et ne persévérèrent pas dans l’obéissance à ses commandements, il leur jura par la bouche du prophète qu’ils n’entreraient pas dans son repos (Psaumes 95.11). Il appela en effet le sabbat « repos ». Maintenant, lorsque le Seigneur, né de la sainte Vierge, vint sur la terre, il renouvela toute la Loi, dont il avait été du reste le créateur. Voyant qu’elle était difficile et que personne ne pouvait l’accomplir, il l’expulsa, introduisit la grâce et renouvela toute chose, suivant le témoignage de l’apôtre (2 Corinthiens 5.17). Comme tout put renouvelé, le Seigneur devait aussi supprimer la loi du, sabbat et à sa place introduire pour nous un autre jour. Il nous donna donc, pour le repos et le culte, le 1er jour, celui dans lequel il a commencé à créer le monde, et il le nomma Jour du Seigneur ».
L’évêque termine son instruction en disant : (§ 8) « Si tu veux qu’aucun malheur ne t’arrive, ne reste pas loin de l’Église au Jour du Seigneur et que ta bouche s’abstienne du babil insensé, car « c’est ici la journée que Dieu a faite. Qu’elle soit pour nous un sujet de joie et d’allégresse » dans la communion du Seigneur Jésus, auquel soient honneur et puissance dès maintenant et à jamais… ! Amen ! — »
« L’importance historique de ce discours, dit Zahn, consiste surtout en ce qu’à ma connaissance, c’est de beaucoup le seul document de l’ancienne Église grecque où le dimanche soit désigné avec autant de précision et d’abondance comme l’équivalent chrétien du sabbat juif et soit rattaché aussi nettement à Christ comme législateur de la Nouvelle Alliance, de même que le sabbat à Moïse. Dans ce discours, le sabbat est fondé, comme le dimanche, sur l’idée divine d’un jour de repos pour les hommes, déjà indiqué lors de la création et en vigueur avant Moïse. Aussi l’introduction du dimanche est-elle comprise comme une nouvelle modification de la loi du sabbat. On ne peut supposer que ce point de vue ait été une découverte personnelle d’Eusèbe d’Emèse ; la manière même dont il l’exprime serait peu favorable à cette hypothèse. »
Zahn parle ensuite précisément de l’autre passage annoncé. Mais auparavant, disons, tout au moins, que, dans l’appréciation précédente il semble ignorer le commentaire d’Eusèbe de Césarée, sur le Psaume 92, commentaire auquel il ne fait d’ailleurs aucune allusion dans sa Gesch. des Sonnt., pas plus que Zöckler dans l’art. Sonntag de Real. Encykl. et Hengstenberg dans son livre sur Le Jour du Seigneur. Il y aurait encore des réserves à faire même dans les paroles suivantes mises par Zahn en tête de son article de la Zeitschrift : « L’idée que le dimanche chrétien serait le sabbat christianisé, a été complètement étrangère à l’Église antérieure à Constantin et elle était même contraire aux vues de cette Église soit sur la Loi, soit sur le dimanche. En Occident, cette idée a triomphé dans la pratique et dans la théorie au plus tard dans l’église carlovingienne. En Orient, elle a trouvé un terrain beaucoup moins favorable ; mais cependant, là aussi elle se montre peut-être un peu plus tôt qu’on ne l’admet généralement, et les présuppositions sur lesquelles elle repose, se sont longtemps préparées et développées dans l’Église entière. » Ces lignes semblent bien indiquer chez Zahn une modification de ses idées précédentes, et nous allons en voir une nouvelle preuve. Mais ne devra-t-il pas les modifier plus encore ?
Le court passage qu’il nous reste à signaler, se trouve dans une homélie sur les semailles, « qu’un seul manuscrit transmet comme étant d’Athanase et qui ne doit pas lui être attribuée pour beaucoup d’autres raisons que celles alléguées par Montfaucon. » C’est une prédication de samedi qui commence ainsi : « Nous nous sommes réunis un jour de sabbat, non comme si nous étions malades de judaïsme, car nous n’avons rien à faire avec les faux sabbats. Mais nous sommes ici en un jour de sabbat pour adorer le Maître du sabbat. Auparavant le sabbat était en honneur chez les anciens, mais le Seigneur a déplacé le sabbat et en a fait le jour du Seigneur (Μετέϑηκε δέ ὁ Κυρίος τήν τοῦ σαββάτου ἡμέραν εἰς κυριακήν). »
Zahn, dans sa Gesch. des Sonnt., traduisait ainsi cette dernière phrase : « Mais le Seigneur a transformé le sabbat en un jour du Seigneur », et il ne voyait là qu’une allusion à la célébration chrétienne du sabbat, nullement à un transfert du sabbat au dimanche. Il émet une tout autre opinion dans l’article de la Zeitschrift. « Il semble, dit-il avec une franchise qui l’honore, que le discours pseudo-athanasien où je ne voyais aucun témoignage favorable au point de vue d’Eusèbe d’Emèse, en renferme un cependant, car il dit : « Autrefois chez les anciens le sabbat était un jour vénéré, mais le Seigneur a transformé le sabbat en dimanche. En outre, une note est ainsi conçue : « L’explication que j’ai donnée de cette phrase dans mon Hist. du dim. est artificielle et fausse. L’absence de l’article devant κυριακή ne signifie rien, le mot étant devenu un nom propre, et tout le contexte le prouve. »
Zahn considère l’homélie, non seulement comme n’étant pas d’Athanase, mais encore comme pouvant difficilement être l’œuvre d’un alexandrin. Elle semblerait émaner d’un auteur qui, précisément comme Eusèbe d’Emèse, aurait vécu en Syrie.