Nous avons dans notre premier chapitre étudié le péché en lui-même et indépendamment des caractères spécifiques qu’il revêt nécessairement sur notre terre et dans l’histoire actuelle de l’humanité. Cette marche était logique et normale, car, pour rendre compte des diverses modifications qu’une essence subit, il faut avoir défini et décrit cette essence elle-même, indépendamment de toute condition particulière. Nous étions d’autant plus tenus de faire ce départ entre l’essence et l’accident, que nos adversaires ne le font pas et prétendent tirer du fait du péché, tel qu’il se présente à nous dans la nature humaine, des inférences sur la nature du péché en soi et sur le rapport primitif du péché à l’ordre moral et à la nature humaine en particulier ; introduisant par là dans la notion de l’objet des éléments qui n’y sont qu’accidentels et inhérents aux circonstances particulières de l’espèce humaine. Nous n’aurons d’ailleurs rien à révoquer ni à désavouer des principes établis jusqu’ici, qui devront au contraire nous diriger et jalonner notre route future, toute semée d’obscurités et de mystères ; car il faut bien reconnaître que le péché absolu et diabolique, pour absolument incompréhensible qu’il soit en lui-même, est cependant plus facile à définir, étant plus simple, que le péché humain, dans lequel se combinent incessamment et sous des formes constamment variables la part de l’espèce et celle de l’individu, la part du non-moi et celle du moi.
C’est à une étude psychologique et analytique du fait que nous devons nous livrer dans notre exposé de la Morale ; mais, pour l’intelligence de ce qui va suivre, nous devons rappeler les résultats obtenus dans la Dogmatique, touchant la transmission du péché de l’espèce à l’individu, et c’est ce qui fera le sujet de notre premier paragraphe.