(255) Apollonius Molon était parmi les esprits insensés et aveugles ; mais ceux des philosophes grecs qui ont parlé selon la vérité, ont bien vu tout ce que je viens de dire, et ils n'ont point ignoré les froids prétextes des allégories[1]. C'est pourquoi ils les méprisèrent justement, et leur conception de Dieu, vraie et convenable, fut conforme à la nôtre. (256) En partant de cette croyance, Platon[2] déclare qu'il ne faut recevoir dans la République aucun poète, et il en exclut Homère en termes bienveillants après l'avoir couronné, et aspergé de parfum, pour l'empêcher d'obscurcir par ses fables la vraie conception de Dieu. (257) Mais Platon suit surtout l'exemple de notre législateur[3] en ce que sa prescription la plus impérieuse pour l'éducation des citoyens est l'étude exacte et approfondie de la loi, obligatoire pour tous ; par les mesures aussi qu'il a prises pour empêcher que des étrangers ne se mêlassent au hasard à la nation et pour conserver dans sa pureté l'État, composé de citoyens fidèles aux lois[4]. (258) Sans avoir réfléchi à aucun de ces faits, Apollonios Melon nous a fait un crime de ne point recevoir parmi nous les hommes qui se sont laissé assujettir auparavant par d'autres croyances religieuses, et de ne point vouloir de société avec ceux qui préfèrent d'autres habitudes de vie[5]. (259) Mais cette pratique non plus ne nous est pas particulière ; elle est commune à tous les peuples, et non seulement à des Grecs mais aux plus estimés d'entre les Grecs. Les Lacédémoniens, non contents d'expulser couramment des étrangers, n'autorisaient pas leurs concitoyens à voyager au dehors, craignant dans les deux cas la ruine de leurs lois. (260) Peut-être aurait-on droit de leur reprocher leur manque de sociabilité, car ils n’accordaient à personne le droit de cité ni celui de séjourner parmi eux. (261) Nous, au contraire, si nous ne croyons pas devoir imiter les coutumes des autres, du moins nous accueillons avec plaisir ceux qui veulent participer aux nôtres. Et c'est là, je pense, une preuve à la fois d'humanité et de magnanimité.
[1] Texte obscur.
[2] République, II in fine ; III, 398 A.
[3] Sur Platon imitateur de Moïse, v. supra. note à II § 168.
[4] Lois, XII, 949.
[5] Josèphe a déjà indiqué (II, § 148) qu'Apollonios reprochait aux Juifs leur misanthropie.