On a prétendu que l’homme était primitivement un androgyne. On a rappelé à ce propos la fiction de Platon, dans son Banquet, chap. 14-16. Mais Genèse 1.27 : « Il les créa mâle et femelle » s’oppose absolument à cette opinion, qui provient de ce qu’on n’a pas compris la relation qu’il y a entre le premier et le deuxième chapitre de la Genèse. On part du principe que le chap. second doit absolument raconter quelque chose d’autre que le premier, quelque chose de postérieur. Alors il faut bien faire raconter au chap. premier la formation d’un être où les deux sexes se soient trouvés unis. Mais nous avons vu au § 18 que le chap. second n’est que le complément du premier.
Au reste le chap. deuxième lui-même ne dit absolument rien qui puisse favoriser la pensée que l’homme et la femme ne soient que le dédoublement d’un hermaphrodite primitif. Au contraire, l’homme est créé le premier et la femme est tirée de lui. C’est aussi de cette manière que Paul a compris ce passage (1 Timothée 2.13 ; 1 Corinthiens 11.8 et sq.). D’ailleurs, voyez ! L’humanité nouvelle à laquelle viendra aboutir l’ancienne, descendra aussi d’un homme, le second Adam. — On a été jusqu’à dire que le dédoublement de l’être primitif en deux êtres à sexes différents, a été le commencement de la chute ; mais jamais on n’arrivera à une pareille idée si on lit Genèse 2.18 et sq., sans parti pris. En effet, il résulte de ce passage que le mariage, cette association qui est, à la base de toute la société, ce lien qui doit passer avant tout autre lien (Genèse 2.24), n’est pas l’effet d’un instinct naturel et aveugle, mais qu’il est d’institution divine, et quand nous disons le mariage, nous entendons la monogamie (Matthieu 19.6).
Le mariage n’est pas une union corporelle seulement (une seule chair). Il est aussi une union spirituelle. S’il en était autrement, comment l’A. T., qui attache une si grande importance aux relations mutuelles des parents et des enfants, pourrait-il dire que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme ?
Les premiers patriarches, Abraham, Nacor, Isaac, sont encore monogames, bien qu’ils aient des concubines (Genèse 22.24 ; 25.6). Ces concubines, l’épouse légitime elle-même les appelle et les favorise dans certains cas (Genèse 16.3 ; 30.3-9). Trait caractéristique, l’A. T. fait remonter aux Caïnites la polygamie proprement dite. La Loi la tolère ; mais elle ne la sanctionne point, elle se contente d’abolir certaines coutumes barbares qui s’y rattachaient aisément (Exode 21.10 ; Deutéronome 21.15 et sq.). La bigamie, sous la forme d’un mariage simultané avec deux sœurs, comme celle à laquelle Jacob fut amené par la ruse de Laban, fut plus tard positivement condamnée (Lévitique 18.18 ; § 103). Les Israélites furent toujours en majorité monogames, et le portrait que les Proverbes tracent de la femme vertueuse (Proverbes 12.4 ; 19.14 ; 31.10 et sq.), ainsi que les nombreux discours où les prophètes comparent à un mariage la relation qui existe entre l’Éternel et son peuple, prouvent en tous cas que la monogamie a toujours été considérée comme seule normalea.
a – Le terme de connaître, dont la Bible se sert pour désigner les rapports conjugaux, n’est appliqué que très rarement à la fornication, et jamais aux abominations commises avec des animaux. Il y a donc dans les relations conjugales un côté moral ; c’est un acte personnel, libre, volontaire, qui suppose qu’on est maître de soi.
Dès Genèse 1.28, les enfants sont considérés comme une bénédiction divine. D’après Genèse 16.2 ; 30.3, ce sont eux qui viennent de la part de Dieu édifier la maison de leurs parents. « Peut-être serai-je édifiée par elle, » dit Sara en parlant d’Agar. C’est avec l’aide de Jéhovah que Ève acquiert son fils premier né (Genèse 4.4)b. » C’est Dieu qui lui donne en Seth un remplaçant d’Abel (Genèse 4.25). C’est Dieu en général qui rend stérile ou qui donne des enfants (Genèse 29.34 ; 30.2) ; c’est à Lui que crient celles qui désirent d’en obtenir (Genèse 25.21 ; 29.32-33 ; 30.18,22). La stérilité est une lourde épreuve (Genèse 16.2 ; 1 Samuel 1.6), c’est même un opprobre (Genèse 30.23). Heureux au contraire et honorés sont ceux qui ont une nombreuse famille (Psaumes 127.3 ; 128.3). — Empêcher une femme d’avoir des enfants est une abomination digne de mort (Genèse 38.9 et sq.). Nous ne trouvons chez les Israélites aucune trace de l’habitude, trop générale chez les païens, de tuer ou d’exposer les petits enfants pour éviter une trop forte augmentation de famille et par conséquent de soucis matériels. On ne peut pas objecter ici le cas de Moïse, puisque sa mère ne l’a exposé que dans l’espoir de le conserver. Job 3.12 ; Ezéchiel 16.5, ne prouvent aucunement que la coutume à laquelle ces passages font allusion fût une coutume Israélitec. — C’est ainsi que, dès le principe, les relations naturelles qui sont les fortes assises de la société humaine, sont sanctifiées dans l’A. T. par le point de vue religieux sous lequel elles sont présentéesd. D’après la Genèse, l’humanité n’est qu’une grande famille ; tous les hommes descendent d’un seul et même couple primitif (Actes 17.26). S’il existe tant de peuples divers, c’est que Dieu l’a voulu ainsi (Deutéronome 32.8), et s’ils présentent une si grande variété de caractères ethnographiques ou moraux, cette variété, qui est souvent l’effet des jugements de Dieu (Canaan, Moab, Ammon), ne prouve rien non plus contre leur commune origine.
b – Cette naissance est la preuve que malgré la chute la communion de l’homme avec Dieu n’est pas rompue. Genèse 4.1, ne doit sans doute pas être séparé de Genèse 3.15 ; cependant il n’y est point encore question de la naissance de l’homme-Dieu, et Luther a été trop loin quand il a traduit : J’ai acquis l’homme, le Seigneur.
c – Les historiens païens eux-mêmes parlent de l’habitude d’exposer les enfants comme d’une chose rare. Tacite, Hist. 5.5. — Quant à Ezé.16.5, je crois avec Hitzig, et cela d’autant plus que dans ce passage il est question d’un enfant du sexe féminin, qu’il y a là une allusion à la coutume arabe d’exposer les filles.
d – Chez les Hindous on tient aussi beaucoup à avoir des enfants. Mais c’est afin d’avoir, quand on mourra, quelqu’un qui veuille se sacrifier pour vous, car le sacrifice d’un enfant a une grande influence sur le sort éternel de son père ou de sa mire. Voyez dans les œuvres de Hegel (xvi, p. 368, etc.), la récension d’un ouvrage de W. de Humboldt sur la religion hindoue.