(14 mai)
Passion de saint Boniface, qui souffrit le martyre dans la ville de Tarse, sous le règne de Dioclétien, et fut enseveli à Rome, sur la Voie Latine.
Boniface était, à Rome, l’intendant d’une dame noble nommée Aglaé, et entretenait avec elle des rapports coupables. Un jour enfin, sa maîtresse et lui, comme avertis par un signe divin, décidèrent que Boniface irait chercher les corps des martyrs, avec l’espoir que son culte pour eux leur vaudrait, à tous deux, d’obtenir leur salut. Boniface se mit donc en route ; et lorsqu’il arriva dans la ville de Tarse, il dit à ses compagnons : « Amis, occupez-vous de nous trouver un logement ! J’ai hâte, moi, d’aller voir ceux pour qui je suis venu. » Après quoi, étant accouru sur la place publique, il vit les bienheureux martyrs, l’un pendu avec du feu sous les pieds, un autre étendu sur un chevalet, un autre labouré d’ongles de fer, un autre les mains coupées ; et tandis que brûlant lui-même de l’amour du Christ, il considérait ces supplices divers, il se mit à invoquer le Dieu des martyrs. Puis, s’approchant d’eux, il s’assit à leurs pieds, baisa leurs chaînes, et dit : « Martyrs du Christ, foulez aux pieds le démon, prenez patience ! votre peine n’est rien en comparaison du repos et de la joie qui vous attendent ! » Ce qu’entendant, le juge Simplicius le fit mander à son tribunal et lui dit : « Qui es-tu ? » Le saint répondit : « Je me nomme Boniface, et je suis chrétien. » Alors le juge, irrité, le fit prendre, et ordonna qu’on labourât son corps de pointes de fer jusqu’à mettre à nu tous ses os. Il ordonna ensuite qu’on introduisît des aiguillons sous les ongles de ses doigts. Et comme le martyr, les yeux levés au ciel, se réjouissait parmi tous ces tourments, le méchant juge ordonna qu’on lui ouvrît la bouche et qu’on y versât du plomb bouillant. Mais le martyr répétait toujours : « Je te rends grâces, Seigneur Jésus ! » Alors le juge le fit plonger, la tête en bas, dans une cuve de poix bouillante ; et, comme, de cela non plus, le martyr ne souffrait aucun mal, le juge ordonna qu’il eût la tête tranchée. Et à l’instant où on lui trancha la tête, se produisit un grand tremblement de terre, qui convertit nombre d’infidèles en leur montrant la vertu du Christ.
Cependant, les autres serviteurs d’Aglaé, qui avaient accompagné Boniface, allaient par la ville, en quête de lui, et, ne le trouvant pas, se disaient : « Sûrement il sera occupé à quelque adultère, ou à s’enivrer dans quelque cabaret ! » Comme ils parlaient, ils rencontrèrent dans la rue un des officiers impériaux. Ils lui demandèrent : « N’aurais-tu pas vu ici un étranger, un Romain ? » Il leur répondit : « Hier, sur la place, un étranger a eu la tête tranchée. » Ils lui dirent : « Quelle figure avait-il ? l’homme que nous cherchons est trapu et solide, avec une chevelure abondante, et vêtu d’un manteau rouge. » Alors l’officier répondit : « L’homme que vous cherchez, c’est lui que nous avons torturé et mis à mort hier ! » Mais eux : « Tu dois te tromper : l’homme que nous cherchons est un ivrogne et un débauché ! » L’officier leur dit : « Venez, et vous le verrez ! » Et lorsqu’il leur eût montré le corps du martyr et sa tête vénérable, ils lui dirent : « Oui, c’est bien celui que nous cherchions ; donne-nous ses restes ! » L’officier se refusa à les leur donner gratuitement. Mais, en échange de cinq cents sous, ils obtinrent d’emporter le corps du martyr, qu’ils s’empressèrent d’oindre d’aromates et d’envelopper de linges de prix ; après quoi ils le ramenèrent à Rome, se réjouissant et glorifiant Dieu.
Un ange du ciel apparut à la maîtresse du martyr, et lui révéla sa mort bienheureuse. Aussitôt Aglaé partit à la rencontre de son corps, et fit élever une église digne de lui à l’endroit même où elle le rencontra, éloigné de la ville d’environ cinq stades. Le martyre de saint Boniface eut lieu le quatorzième jour du mois de mai ; son ensevelissement, le neuvième jour de juillet.
Ensuite Aglaé, renonçant au monde, distribua tous ses biens aux pauvres, affranchit tous ses esclaves, et, par ses jeûnes et ses prières, s’acquit tant de faveur auprès de Jésus, qu’elle put accomplir des miracles en son nom. Elle survécut ainsi douze ans au martyr, auprès de qui elle fut enterrée.