Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE II

CHAPITRE XXXIX

La loi juive a subi l'épreuve du temps et a été adoptée par plusieurs peuples.

(279) Or donc, puisqu'une longue durée passe pour l'épreuve la plus sûre de toute chose, je pourrais la prendre à témoin de la vertu de notre législateur et de la révélation qu'il nous a transmise de Dieu. (280) Car un temps infini s'étant écoulé depuis, si l'on compare l'époque où il vécut à celle des autres législateurs, on trouvera que pendant tout ce temps les lois ont été approuvées par nous et se sont attiré de plus en plus la faveur de tous les autres hommes. (281) Les premiers, les philosophes grecs, s'ils conservèrent en apparence les lois de leur patrie, suivirent Moïse dans leurs écrits et dans leur philosophie, se faisant de Dieu la même idée que lui[1], et enseignant la vie simple et la communauté entre les hommes. (282) Cependant la multitude aussi est depuis longtemps prise d'un grand zèle pour nos pratiques pieuses, et il n'est pas une cité grecque ni un seul peuple barbare, où ne se soit répandue notre coutume du repos hebdomadaire, et où les jeûnes, l'allumage des lampes, et beaucoup de nos lois relatives à la nourriture ne soient observés[2]. (283) Ils s'efforcent aussi d'imiter et notre concorde et notre libéralité et notre ardeur au travail dans les métiers et notre constance dans les tortures subies pour les lois. (284) Car ce qui est le plus étonnant, c'est que, sans le charme ni l'attrait au plaisir, la loi a trouvé sa force en elle-même, et, de même que Dieu s'est répandu dans le monde entier, de même la loi a cheminé parmi tous les hommes. Que chacun examine lui-même sa patrie et sa famille, il ne mettra point en doute mes paroles. (285) Il faut donc ou bien que nos détracteurs accusent tous les hommes de perversité volontaire pour avoir désiré suivre des lois étrangères et mauvaises plutôt que leurs lois nationales et bonnes, ou qu'ils cessent de nous dénigrer. (286) Car nous n'élevons pas une prétention critiquable en honorant notre propre législateur et en croyant à sa doctrine prophétique au sujet de Dieu ; en effet, si même nous ne comprenions pas par nous-mêmes la vertu de nos lois, de toute façon le nombre des hommes qui les suivent nous eût portés à en concevoir une haute idée.

[1] Cf. plus haut, §§ 168 et 256.

[2] Les idées exprimées §§ 280 et 282 apparaissent déjà, suivant la remarque de Cohn, chez Philon, Vita Mosis, II §§ 20-23. Cf. Tertullien, Ad Nationes, I, 13, avec les observations de Schürer, Geschichte, III, 166, n. 49. — L'allumage des lampes (ritus lucernarum chez Tertullien) se pratiquait le vendredi soir, avant le commencement du sabbat, afin de ne pas contrevenir au précepte défendant de faire du feu le jour férié (Exode, XXXV, 3). Cet usage, dont Josèphe et Tertullien attestent la popularité chez les demi-prosélytes, a été raillé par Sénèque et Perse (Textes d'auteurs grecs et romains, p. 263 et 264).

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