BIEN que les entreprises que les Païens firent en ce temps-là, soient presqu'innombrables, de sorte qu'elles sembleraient demander un ouvrage à part, je ne laisserai pas d'en choisir quelques-unes et de les rapporter ici. A Gaza, et à Ascalon qui sont des villes de Palestine, ils fendirent le ventre à des Prêtres, et à des femmes consacrées à Dieu, le remplirent d'orge, et jetèrent ces personnes aux porcs, afin qu'ils les mangeassent. A Sebastle, qui est une ville de la même Province, ils ouvrirent la Chasse de saint Jean-Baptiste, brûlèrent ses ossements, et en jetèrent les cendres au vent. Qui pourrait raconter sans verser des larmes, le crime qu'ils commirent dans la Phénicie ? Il y avait dans Héliopole qui est une ville assise proche du Mont-Liban, un Diacre nommé Cyrille, qui étant transporté par un grand zèle sous le règne de Constantin, avait brisé quantité d'Idoles. Les impies qui en avaient du déplaisir, ne se contentèrent pas de le tuer, ils l'ouvrirent après sa mort, et mangèrent une partie de ses entrailles. La justice divine ne manqua pas de découvrir, et de châtier une inhumanité aussi barbare que celle-là. Tous ceux qui y eurent part perdirent premièrement leurs dents, qui tombèrent l'une après l'autre, ils perdirent ensuite leurs langues, qui pourrirent dans leurs bouches, et enfin les yeux, et reconnurent par tant de disgrâces survenues successivement, la puissance de la Religion, qu'ils avaient injustement persécutée. Ils profanèrent l'Église qui avait été bâtie peu auparavant à Emèse ville voisine et la consacrèrent à Bacchus Androgyne, en mettant dedans sa statue ridicule, qui avait les deux sexes, Capitolin gouverneur de toute la Thrace, fit brûler vif Emilien défenseur intrépide de la foi du Sauveur, à Dorostole ville célèbre de cette Province.
Il faudrait avoir le style sublime d'Eschyle, et de Sophocle, pour décrire dignement l'atrocité des supplices, que souffrit Marc Évêque d'Aretuse. Il avait démoli sous le règne de Constance un Temple de Païens, et l'avait changé en Église. Mais les habitants ayant vu depuis l'intention que Julien avait, que l'exercice de la Religion Païenne fût rétabli, et que les Chrétiens fussent maltraités, ils déclarèrent la haine qu'ils avaient conçue depuis longtemps contre cet Évêque. Il tâcha d'abord de souffrir, selon le précepte de l'Évangile, mais ayant appris que quelques-uns de ses Ecclésiastiques avaient été pris pour lui, il retourna, et se mit entre les mains de ses bourreaux. Ils n'eurent ni pitié de sa vieillesse, ni respect de sa vertu. S'étant saisis de lui malgré la pureté de ses mœurs, et l'éminence de son savoir, ils le dépouillèrent, et après l'avoir déchiré à coups de fouet, ils le jetèrent dans un égout, puis l'en ayant retiré, ils le livrèrent aux jeunes garçons de la ville, afin qu'ils le perçassent avec la pointe de leurs canifs. Ils le frottèrent après cela de sauce de poisson, et de miel, l'enfermèrent dans un réseau, relevèrent en l'air, et le laissèrent exposé aux mouches durant la plus grande ardeur du jour. Ils le traitèrent de la sorte pour l'obliger, ou à relever le Temple, qu'il avait démoli, ou à fournir de l'argent, pour le relever. Mais de quelques tourments dont ils usassent pour ébranler la constance, ils ne purent jamais tirer aucune promesse de sa bouche. Ils crurent que sa pauvreté l'empêchait de promettre l'argent qu'ils lui demandaient, lui en remirent la moitié, et lui témoignèrent qu'ils se contenteraient de l'autre. Mais dans cet état, où il était suspendu en l'air, percé de coups, couvert de mouches, il ne fit paraître aucune faiblesse, se moqua des impies, et leur dit qu'ils rampaient sur la terre, au lieu qu'il était élevé vers le Ciel. Enfin ils se réduisirent à lui demander une somme très médiocre, et il leur répondit, qu'il y avait une aussi grande impiété à leur donner une obole, qu'à leur donner la somme entière. Ainsi ils admirèrent sa patience, par laquelle leur cruauté avait été vaincue, et depuis ils se changèrent si fort, qu'ils apprirent de sa bouche les premières instructions de notre Religion.