Mon Dieu, donne-moi du support pour mes frères. Ils sont coupables envers toi, cela est vrai. Ils ont des torts à mon égard, c’est encore vrai ; mais quoi d’étonnant ? ne sont-ils pas mes frères et mes semblables ? Suis-je en droit de m’étonner de ne pas rencontrer un ange sur la terre ? Et moi, suis-je cet ange de patience, de douceur et d’amour ? ai-je, pour mes frères, tout ce que je leur demande ? suis-je seulement juste envers ceux que je voudrais parfaits, à côté de moi si misérable ? Quand ils ont mes défauts, ils me font horreur ; je me hais, non en moi, mais en eux. Je ne suis jamais plus clairvoyant que pour juger ceux qui me ressemblent, et alors je suis impitoyable ! Je les sonde jusqu’au fond de l’âme ; je les devine, les dévoile et je m’en plains ! tandis que cette vue devrait m’instruire en amenant un retour sur moi-même. Oui, Seigneur, fais de mes frères coupables autant de miroirs qui me renvoient ma propre image ; apprends-moi à chercher en moi ce qu’il y a de coupable en eux, et je deviendrai plus indulgent. Alors même que je n’aurais pas les mêmes travers qu’eux, me serait-il donc impossible de m’en découvrir d’autres ? Suis-je excusable parce que je pèche différemment qu’eux ? sont-ils impardonnables, eux, parce qu’ils pèchent autrement que moi ?
Non, Seigneur ; mais j’aime à me glorifier des vices que je n’ai pas, et j’arrive à être fier du mal que je n’ai pas fait ! Les autres coupables me servent de piédestal, et j’élève ma statue pétrie de vanité sur leur vie pécheresse. Je ne sais, rien supporter, moi qui ai si grand besoin de support ! Comment, Seigneur te demanderai-je pardon, moi qui ne veux pas pardonner ? Mais voici, c’est précisément cette indulgence, de ma part, pour mes semblables, que je veux avant tout implorer de toi. Donne-moi de t’imiter ; donne-moi pour eux cette patience ; cet amour que tu déploies à mon égard. Hélas, où serais-je à cette heure si tu n’avais eu pour mes fautes qu’une stricte justice ? Et seulement où serais-je si mes frères ne m’avaient jamais supporté ? Oui, Seigneur fais-moi honte de ma dureté, de mon injustice, et donne-moi de réparer, à l’avenir, le mal que, par mes exigences, j’ai pu leur faire dans le passé.